Supplément au Progrès du 22 Décembre 1889.
Conseil communal d'Ypres.
Séance du 14 Décembre 1889.
(SUITE.)
Présents MM. Bossaert, Cornette, de Stuers,
Beaucourt, Gravet, Vermeulen, Gaimant, Pou-
part, Verschaeve, Van Daele et Colaert.
La parole est donnée M. Colaert.
L'honorable membre commence par recon
naître que la question des eaux est pour la ville
d'Ypres, d'une très-grande importance et qu'elle
doit être résolue dans le plus bref délai possible.
Mais il se demande si le moment de la résoudre
est arrivé. Il pense que non, les études faites
cette lin ne lui paraissent pas suffisantes.
Il constate que le système ou plutôt l'expé
dient préconisé par M. Leboucq ne donnera pas
f)lus d'eau que le système actuel. D'autre part
'eau ne sera pas plus abondante.
Le but poursuivi par le Conseil ne sera donc
pas atteint.
Comme conséquence et comme complément
de ce système, M. Leboucq indique le dévase-
ment de l'étang.
On a dit que ce dernier travail n'occasionne
rait pas une dépense supérieure fr. 200,000-00.
L'honorable membre croit que cette évalua
tion est trop modérée. D'après des hommes com
pétents aux lumières desquels il a eu recours, il
faudrait compter au bas mot fr. 300,000-00, aux
quels il faut ajouter les 70,000 francs pour la
machine élévatoire et le château d'eau préconi
sés par M. Leboucq.
Si le Conseil adopte les conclusions de cet ho
norable ingénieur, il aura donc faire face la
dépense énorme de fr. 370-000-00.
Pour un expédient, c'est évidemment trop,
quelque vif que soit d'ailleurs le désir du Col
lège de doter tous les habitants d'une eau meil
leure et plus abondante.
M. Colaert indique une autre solution.
S'appuyant sur les données contenues dans le
remarquable ouvrage de M. Annoot, l'Eau et
l'Industrie Ypres», l'honorable conseiller se
demande s'il ne vaudrait pas mieux profiter de
la vaste nappe d'eau souterraine que l'on pré
sume se trouver du côté du Polygone, Ghelu-
velt et la Hooghe.
Les travaux faire pour amener cette eau ex
cellente Ypres au moyen de galeries souterrai
nes ne coûteraient pas au delà de fr. 150,000-00.
Mettons fr. 200,000-00 au maximum.
Au point de vue de la dépense, ce dernier sys
tème serait donc de loin préférable celui de M.
Leboucq.
Il est infiniment probable, continue M. Co
laert, que cette nappe d'eau est très abondante
et qu'elle est de bonne qualité.
L'honorable membre invoque l'appui de sa
thèse ce fait signalé par M. Annoot que lors-
qu'en 1834 on a songé creuser un canal entre
Menin et Ypres, on a procédé des sondages
pour établir que l'eau, existant dans ces para
ges, suffirait alimenter le canal.
M. Colaert insiste sur les avantages très nom
breux, de ce système.
L'eau du Polygone ne servirait d'ailleurs qu'à
l'alimentation des habitants, l'eau de Dicke-
busch, l'étang de Dickebusch devant être exclu
sivement réservés pour les besoins industriels.
Que si plus tard, l'eau de Dickebusch était
reconnue insuffisante, on pourrait toujours pro
céder au dévasement de l'étang et augmenter sa
capacité.
M. Colaert insiste pour que le Conseil ne
mette pas trop d'empressement voter les con
clusions de M. Leboucq et adopter son sys
tème. Il demande que l'on examine au préalable
la question des eaux du Polygone et que i 'on
fasse procéder des sondages. Il assure que la
société d'hydrologie constituée Bruxelles','sous
la présidence de MHouzeau de Lehaie, menlbre
de la Chambre des représentants, se mettrait
volontiers la disposition de la ville cette fin.
f
Les eaux du Polygone, dit-il, sont les mêmes
eaux qui alimentent l'étang de Zillebeke. Leur
composition chimique est absolument la même.
Or, il est acquis que les eaux de Zillebeke,
amenées en ville par une conduite en fer, dépo
sent sur les parois de ces tuyaux une croûte tel
lement épaisse, tellement adhérente qu'au bout
de peu de temps ceux-ci seraient complètement
obstrués.
Cela est établi par des faits.
Au surplus, le débit d'une nappe d'eau souter
raine est essentiellement i certain et variable.
Dès lors, peut-on tabler pour l'alimentation
d'une ville, sur une source aussi aléatoire Evi
demment non, le hasard jouant là un trop grand
rôle.
Nul ne çeut prévoir non plus dans ce système
avant l'exécution duquel, au reste, il faudrait
des études longues et coûteuses, les travaux que
la ville serait amenée exécuter la suite par
exemple, du creusement d'un canal ou d'autres
expropriations pour cause d'utilité publique qui
viendraient couper les galeries comme du reste
cela s'est vu pour les sources qui alimentaient
autrefois l'étang de Zillebeke et que le chemin
de fer la tranchée du Moulin brûlé) est venu
couper.
Et quant la dépense, l'honorable Echevin
croit qu'elle serait de beaucoup supérieure
celle indiquée par M. Colaert.
Un autre argument contre le système de ce
dernier c'est qu'il faudrait changer une grande
partie de la canalisation en ville et tout cela en
traînerait des dépenses énormes, avec un résul
tat très douteux.
Enfin si on adoptait le mode d'alimentation
par les eaux du Polygone, que ferait-on de l'é
tang de Dickebusch qui fournit une quantité
d'eau suffisante et dont la capacité serait encore
augmentée par suite du dévasement et dont le
débit serait augmenté par le fonctionnement de
la machine élévatoire
Voilà autant de raisons qui militent contre ce
système
On a parlé du dévasement de l'étang. Mais
tout ce que l'on a dit ce sujet est purement
hypothétique et sujet caution. M. Leboucq
déclare franchement qu'il ne peut pas évaluer
le montant des dépenses faire aussi longtemps
qu'il n'aura pas été fait un relevé exact de l'é
tang.
Finalement, on a parlé de la qualité de l'eau.
Il est prouvé que l'eau de Dickebusch est bonne:
toutes les analyses chimiques le prouvent l'é
vidence. Il s'agit seulement de l^purer; on at
teindra ce but en dévasant l'étang.
Après un nouvel échange d'observations entre
MM. Vermeulen, Cornette et Colaert, ce dernier
répondant aux objections formulées contre son
système par M. Cornette, la proposition de M.
le Président est adoptée.
Le Conseil aborde l'examen de budget, par le
chapitre des recettes extraordinaires.
Le 1, Excédant disponible des années antérieures,
dont le total s'élève fr. 23,427-61, ne donnant
lieu aucune observation, est adopté.
Au 2, Rappels, figure une somme de 2,200 fr.,
payée par l'Etat pour les peintures Delbeke (6e
panneau). M. Colaert demande la parole sur cet
article.
L'honorable membre tient exprimer son
opinion au sujet des peintures exécutées par
M. Delbeke. Il critique vivement le travail de
cet artiste qui n'est d'ailleurs ni compris ni ap
prouvé par personne.
Je ne veux pas, dit-il, que dans 25 ans, on
puisse dire que j ai laissé passer sans protester
une œuvre d'aussi mauvais goût.
Il exprime toute son admiration pour l'œuvre
de M. Delbeke, qui, si ekje ne réunit pas les suf
frages de la foule, a fait i'objet, de la part des
sommités du monde artistique, des éloges les
plus flatteurs et assurément les plus mérités.
Si M. Colaert blâme les peintures de M. Del
beke, moi, au contraire, je les trouve superbes
et je suis convaincu que mon honorable contra
dicteur, loin de devoir rougir, d'ici 25 ans,
d'avoir contribué l'œuvre de la décoration
picturale des Halles par M. Delbeke, pourra au
contraire s'en enorgueillir.
Le 3, Recettes nouvelles, ne donne lieu au
cune observation. Il est arrêté au chiffre de fr.
95,522-17.
Les principales recettes en prévision sont les
suivantes
Produit du placement de conduite d'eaux
dans les propriétés particulières (fr. 4,000), vente
de terrains (fr. 32,000), subsides de la Province
et de l'Etat pour restauration des églises S1 Mar
tin et S1 Pierre et le pavage du chemin dit
Groenest.raat un subside de fr. 23,400, pour
travaux d'amélioration de la distribution des
eaux alimentaires.
Recettes ordinaires.
Les divers articles du lr, Fonds communal et
impôts, sont approuvés sans débat. Ils forment
un total de fr. 184,253.
Au 2, Propriétés communales, M. le Conseiller
Van Daele demande au Collège où en est la ques
tion du Palais de Justice.
Il rappelle brièvement les ouvertures qui ont
été faites l'Administration Provinciale. Le
Collège agissant d'après les vues du Conseil, a
offert d'abord de ceder l'immeuble moyennant
fr. 60,000-00. Devant le refus de la Députation
M. le Président a proposé officieusement de ré
duire ce prix jusqu'à concurrence de 50,000 fr.,
sous l'agréation du Conseil, bien entendu.
Mais la Province n'est pas, nous affirme-t-on,
disposée accueillir cette seconde offre et elle
tient ce que l'immeuble fasse l'objet d'une ex
pertise contradictoire.
Le Conseil aura décider ,dans une prochaine
séance, ce qu'il y a lieu de faire.
Les articles suivants ne donnent lieu aucune
observation. Ils sont arrêtés au chiffre global de
fr. 21,427-86.
3. Revenus de fondations.
Sans observations. Adopté.
4. Droits et produits divers.
Sans observations. Adopté.
5. Industrie et commerce.
Les trois premiers articles sont adoptés sans
observations. A propos des articles suivants
Subsides de la Province et de l'Etat dans les
frais résulter de l'institution d'un labora-
toire agricole et industriel, M. Verschaeve
fait ressortir nouveau l'utilité, voire la néces-
M. l'Echevin Cornette répond l'honorable
Conseiller. Il combat son argumentation.
M. le Président fait remarquer que la question
des eaux n'est pas l'ordre du jour et propose
au Conseil d'aborder l'examen du budget, pour
lequel le Conseil est spécialement x'éum.
M. l'Eclievin Cornette répond brièvement aux
paroles de M. Colaert.
MM. Van Daele et de Stuers s'associent la
protestation de M. Colaert tandis que M. Ver
meulen déclare qu'après avoir dans le principe,
nourri certaines préventions contre les peintures
dont s'agit, il a fini par se rendre devant les té
moignages unanimes des hommes compétents.
M. le Président clôt la discussion sur ce point
en disant que, quelque opinion que l'on ait de la
valeur de l'œuvre, il n'y a qu'à la laisser s'ache
ver. La postérité jugera en dernier ressort.
M. le Président répond qu'il semble résulter de
ce qui a été dit dans la dernière séance des sec
tions, que la majorité des membres du Conseil
est disposé rompre les négociations avec la
Province et dénoncer le bail.
M. Colaert est d'avis que la ville ne doit pas
céder et qu'il faut amener la Province con
struire un nouveau Palais de Justice.
M. Van Daele insiste pour que le Collège rh-
siste auprès de la Députation et renouvelle offi
ciellement cette fois l'offre de cession moyennant
fr. 50,000-00.
M. le Président doute que l'on parvienne
faire agréer cette proposition.
M. VEchevin Cornette exprime le même avis
que M. Colaert. Que si la Province ne veut pas
acquérir notre immeuble, dit-il, nous ne serons
pas gênés pour affecter celui-ci une nouvelle
destination.