N°51. Jeudi,
50e ANNÉE
26 Juin 1890.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
Résumé politique.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
vires acqdirit ecmjo.
YPRES-FURNES.
8-10 11-10 1-40 3-00 6-55.
FURNES-YPRES.
Une correspondance de Rome fournit des
détails très curieux sur une nouvelle incarnation
de Léon XIII. Le chef de la catholicité ne se
contente pas d'être, comme il s'appelle lui-
même, le serviteur des serviteurs de Dieu, il a
poussé l'ambition plus loin, plus haut.
Il a voulu être et il est devenu journaliste,
rien que cela
Souverain pontife et notre cher confrère. C'est
là-dessus qu'il compte sans doute pour rétablir
son pouvoir temporel. Ne pouvant plus être le
premier pouvoir de l'Etat, il sera le quatrième.
Un pape journaliste un journaliste déclaré
infaillible par un concile
C'est ne pas croire. Et l'histoire est si éton
nante, que nous allons la raconter par le menu.
Le journal que va diriger notre confrère
Léon XIII est Y Osservatore romano; c'est le doyen
des journaux de Rome. Il a été cédé récemment,
Çaraît-il, par le marquis Crispolti l'évêque
ripepi. Le pape, se trouvant avoir ainsi des
intérêts dans le journal, a remarqué que Y Osser
vatore romano donnait une place excessive, sinon
prépondérante, aux choses de la cour d'Italie et
aux affaires du royaume de 1' usurpateur.
Et c'est ce qu'il a voulu faire cesser.
Pour bien faire comprendre nos lecteurs ce
qui vient de se passer, nous allons reprendre,
dans la correspondance de Rome dont nous
venons de parler, l'histoire de Y Osservatore
romano.
On y trouvera des renseignements curieux
sur l'administration du pape, sur sa manière de
comprendre le journalisme et de faire de la po
litique.
L'Osservatore romano avait été fondé, sous le
pontificat de Pie IX, par le marquis de Baviera.
Pie IX n'aimait guère la presse aussi lui lais
sait^! la liberté dont elle a besoin mais il avait
une grande amitié pour le marquis de Baviera,
dont la rondeur et la fidélité lui plaisaient.
Pie IX, enfin, ne comptait guère l'argent, et sa
main s'ouvrait volontiers ses amis.
Léon XIII attache, au contraire, la plus grande
importance aux journaux, et un des premiers
actes de son pontificat fut d'organiser la
presse vaticane au plus juste prix possible.
C'est ainsi qu'il favorisa par deux ou trois
brefs la constitution d'une Société de publica
tion internationale qui acquit V Osservatore,
romanofonda le Journal de Rome et projeta
d'établir une agence télégraphique pour le ser
vice du Vatican. Il serait trop long de rappeler
ici les intrigues qui s'ourdirent dans les anti
chambres du papo contre cette Société interna
tionale, et notamment contre le Journal de Rome.
Les catholiques, qui avaient organisé cette
entreprise, ne demandaient autre chose au
pape que son appui moral. Pour la ruiner, les
prélats de l'intimité ponctificale réussirent
extorquer Léon XIII une rente de plus de
150,000 fr., afin de soutenir un journal concur
rent au Journal de Rome.
Quand leur but fut atteint, le Journal de Rome
supprimé par ordre du pape, la Société dissoute,
Cette presse que Léon XIII avait voulu orga
niser bon marché, devint bien vite une source
d'énormes dépenses pour la caisse pontificale.
En effet, aux 150,000 francs que coûtait annuel
lement l'entretien du journal de MgrGalimberti,
le Moniteur de Rome, il fallut dès lors ajouter
une cinquantaine de mille francs pour soutenir
En même temps, le pape, amoureux de la dis
cipline la plus stricte et ae la diplomatie la plus
savante, assujétissait ses journaux une telle
réserve en même temps qu'à de telles variations,
que le nombre des lecteurs alla toujours dé
croissant. Ajoutons que le pape ne dirigeait sa
presse que de très haut et de très loin. Les con
seillers ordinaires de la presse vaticane sont les
prélats favoris de Léon XIII, presque tous par
tisans de la conciliation avec l'Italie. De la vient
cette part excessive donnée la politique ita
lienne et aux nouvelles de la cour dans les jour
naux religieux de Rome.
C'est la fin de 1885 que M. Crispolti avait
pris possession de Y Osservatore. Au commence
ment de 1890, le directeur de ce journal, après
avoir reçu environ 50,000 francs par an pen
dant quatre ans, dut avouer un déficit de plus
de 100,000 francs.
Léon XIII s'effraya. Il ordonna une enquête,
fit vérifier les livres. Enfin, il se décida acheter
S ourla seconde fois son propre journal au prix
e cinquante autres mille francs, destinés
couvrir une partie des dettes.
Voilà donc le pape propriétaire et directeur
de journal.
Ypees, le 25 Juin 1890.
Au lendemain des élections du 10 Juin, les
libéraux ont tourné leurs regards vers l'avenir
et supputé les chances de la prochaine bataille,
du renouvellement législatif de 1892 qui s'éten
dra toutes les provinces grâce aux élections
sénatoriales. Ces chances deviendront plus ou
moins grandes, s'affirmeront ou s'évanouiront,
suivant les fautes des adversaires et l'union des
libéraux. Il est évident que si les libéraux mo
dérés et progressistes allaient déchirer le pacte
scellé au lendemain de l'élection Janson, on
verrait se renouveler les désastres de 1884 et
de 1888. Et c'est pourquoi on suit avec une
vive inquiétude les péripéties de la crise gan
toise. Un déchirement complet entre l'Assocfa-
tion libérale et le Cercle progressiste serait une
mauvaise préparation la lutte sénatoriale de
1892. Qu'il y ait des divergenses entre ces deux
sociétés politiques, qu'elles se soient accentuées
après la défaite, c'est explicable mais ce qui
est plus clair encore, c'est que ni l'une ni
l'autre de ces deux fractions du libéralisme ne
parviendra réaliser son programme avant
d'avoir renversé les cléricaux. Au lieu donc de
se séparer, elles devraient se rapprocher et
chercher d'un commun accord le moyen de
prendre leur revanche. Quand les cléricaux
seront par terre, le moment viendra seulement
d'agiter la question des réformes politiques.
Jusque-là, quoi bon renouveler les divisions
et les mésanventures du libéralisme bruxellois?
A Bruxelles l'entente a été parfaite lors des
élections provinciales et rien ne la troublera
aux prochaines élections communales. Un
traité a été signé entre la Ligue et XAssociation
en prévision de cette échéance électorale des
deux côtés il sera respecté, et si les indépen
dants osent lutter, ils se trouveront en présence
d'une seule liste dont le triomphe est certain
une majorité minimum de deux trois mille
voix. Mais après cette manifestation commu
nale, l'union persistera-t-eile et pendant deux
ans parviendra-t-on rassurer les inquiétudes
des uns, calmer les impatiences des autres?
Ah l il faudra du tact et du bon vouloir....
Union nécessaire cependant, sans laquelle la
victoire est impossible. Les cléricaux coalisés
aux indépendants comptent aujourd'hui un
minimum de 8,500 électeurs aux élections
générales. Ce minimum ira toujours en aug
mentant, les bureaux électoraux de la coalition
fonctionnant sans cesse et recrutant chaque
année un certain lot de nouveaux électeurs.
Pour combattre cette armée disciplinée,
toutes les forces de la Ligue unies toutes les
forces de XAssociation sont nécessaires. Lors
de l'élection Janson, si la majorité a atteint
1,900 voix, elle a été due en partie aux votes
d'un certain nombre d'électeurs flottants écœu
rés par les révélations du Grand Complot. Se
fier cette majorité pour se croiser les bras et
laisser venir cette rencontre formidable sans la
préparer, ce serait folie Elle peut se fondre
comme la neige au soleil. En 1886, M. Buis
aussi l'a emporté avec une majorité de 1,900
voix, ce qui n'a pas empêché la liste libérale
d'échouer deux ans après.
N.e l'oublions pas, l'argent est du côté des
cléricaux ils ont avec eux les nobles et les
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7-50. (Dép. de Comines Courtrai 9-35.)
Courtrai-Bruxelles, 5-30 9-58—11-16 2-41 5-20.
Courtrai-Gand. 5-30 8-20 11-16 2-41 5-20.
5-00
3-40 7-35 10-20 11-30 3-04 6-20.
Y Osservatore romano retomba la charge du
Denier de Saint-Pierre. Léon XIII dut acheter
au prix de 20,000 francs son journal officieux
pour en faire cadeau au marquis Crispolti, suc
cesseur du marquis de Baviera, garde noble de
Sa Sainteté, comme son prédécesseur, et devenu
persona gratissima.
Y Osservatore romano.