Chronique locale.
Un bruit.
Le dévouement d'Henrit^je.
Grosse caisse cléricale.
Qu'on n oublie jamais que ces politiciens
longue et courte robe travaillent toujours pour
l'autre vie et qu'en attendant ils saccaparent
complètement des faveurs de ce monde.
Ce ne sont pas un, deux, dix francs que ces
inconnus, ces paysans rabotés Bruges, munis
de la grâce de Mgr, dont le prédécesseur a
lancé en 1857 ce mandement électoral tout
jamais célèbre, disant que la fin justifie les
moyens, viennent vous enlever, cesl votre hon
neur, votre gloire, votre fortune matérielle et
morale. Car étes-vous autre chose qu un escla
ve, s'il ne vous est point permis d'agir d'après
votre conscience de citoyen libre, dans le seul
but de faire prospérer les institutions de la
ville et de donner Dieu ce qui est Dieu et
César ce qui appartient César
Nous l'avons souvent écrit, nous le répétons
nouveau, cette immixtion religieuse, n'ad
mettant pas l'amélioration de la société hu
maine par le progrès au moyen de la liberté,
doit amener fatalement un jour une catastro
phe.
Les électeurs d'Ypres, nous n'en avons aucun
doute, se pénétreront de cette grande vérité en
renvoyant les polichinelles du doyen aux dou
ceurs de la vie privée.
En ce moment, où nous écrivons ces lignes,
les catholiques en sont encore chercher leurs
candidats. Ils ne parviennent pas compléter
leur liste, ce qui se comprend, les catholiques
voyant clairement les dangers certains qu'ils
courent et ne se souciant nullement d'être re
commandés par les courtiers de haute volée que
les meneurs cléricaux ont pris si tristement
leur solde. Car tout n'est pas d'être candidat, il
faut voir de qui on l'est et quels sont les
moyens employés pour faire réussir ces candi
datures. Or, voir les gens qu'on a revêtus d'un
petit paletot et qu'on a coiffés d'un chapeau
d'emprunt pour embaucher les citoyens, la so
ciété n'est pas flatteuse et quand, après cela, on
examine l'honnêteté des moyens mis en œuvre,
il y a de quoi reculer pour qui a quelques onces
de dignité.
Quand donc M. Surmont a fait connaître
Y Association Conservatrice que le comité n'a pas
cru le moment opportun pour proclamer les
candidats Dimanche 5 dernier, c'est que les
raisins étaient trop verts.
La liste sera-t-elle faite pour Dimanche soir
11 ne manquerait plus que cela. Maintenant la
déception est grande dans le camp clérical,
alors la débâcle serait complète. Quoi qu'il en
soit, d'ailleurs, ce ne sera jamais ce que nos
matadors catholiques avaient annoncé avec tant
de fracas depuis deux et trois ans et ce que le
Journal i' Fprès a soutenu avec une audace qui a
pu faire des dupes pour quelque temps, mais ce
sera le dessous du panier, le dessus s'étant fondu
comme la neige au soleil. On n'aura plus les
grives, mais les merles.
Va pour les merles. Leur chant, en cette
saison, n'est pas précisément ce qui arrête les
passants et réjouit l'oreille. Mais quelle dégrin
golade
Il parait que le sympathique baron et son co-
fiain Henritje, ne parvenant pas composer une
iste de candidats présentables, ont décidé M.
Colaert se démettre pour se représenter au
scrutin du 19. Histoire de mettre une tête
et de la cervelle au milieu de toutes ces oreilles.
Le contrôleur se serait laissé aisément aller
cette combinaison, non sans un secret espoir de
Bortir ainsi de l'Hôtel-de-Ville où il n'a aucun
souci de rester seul.
Allons, tant mieux si la chose est vraie Battu
avec ses amis, le conseiller aux bâtons dans les
roues pourra s'occuper d'autres besognes plus
utiles.
Bon voyage, cher Dumollet ou du Mollet
du Conseil communal du 4 Octobre le prouve
surabondamment, le zèle qu'a mis M. Colaert
voir appliquer ici la loi de 1884, sur l'instruction
primaire, n'a d'autre but que de favoriser les
ecoles du clergé.
Nous ne discuterons pas les avantages pour le
clergé voir décréter cette loi Ypres, ils sont,
évidents. D'ailleurs c'est pour eux qu'elle a été
faite et il n'y a qu'eux pour en profiter. Si cette
loi laisse encore une petite place aux écoles offi
cielles, c'est que le moment n'est pas encore
venu de les étouffer complètement. Attendons
des temps meilleurs et il n'en sera plus rien de
ces écoles. Tout pour le clergé et rien que pour
lui.
Mais la gratuité, voyez comme elle est mena
cée. Ah s'il dépendait du contrôleur, qui n'est
ici que le serviteur de son parti, de l'abolir en
tièrement, cela ne durerait pas deux fois vingt-
quatre heures.
Tout élève doit payer, dit-il, le pauvre comme
le riche le pauvre paiera avec la bourse du Bu
reau de Bienfaisance ou avec celle de la Com
mune, le riche avec la sienne propre. Ça, c'est
quand il s'agit des écoles officielles; en atten
dant on fera ce qu'on voudra pour les autres,
cela ne regarde que M M. les curés et les porteurs
de cierge.
Duperies.
En tous cas il est clair qu'on s'éloigne
de plus en plus de l'instruction obligatoire et
qu'on se soucie d'obliger les enfants de recevoir
l'instruction comme le brochet d'une topaze. Or
quoi tendent les économistes modernes, pour
relever la société, sinon éduquer et instruire
l'enfance.
Et s'il est facultatif aux parents d'envoyer
leurs enfants l'école ou de ne pas les y en
voyer, il restera toujours un certain nômbre
d'enfants qui croupiront dans l'ignorance. Le
moyen d'y obvier d'une façon certaine, efficace,
c'est Y obligation; mais pas d'obligation sans gra
tuité. Or, on commence par contester la gratuité,
puis la refuser, donc on recule au lieu d'avan
cer, et on s'éloigne de plus en plus du but qu'on
voulait atteindre, l'octroi, tous indistincte
ment, de l'instruction.
Nous voilà donc aussi éloigné qu'il y a cent
ans de l'instruction obligatoire. Et dire que les
cléricaux, M. Colaert en tête, se vantent de ce
progrès rebours.
On sait que lors du banquet que l'on a offert
Henritje, ou que celui-ci a offert ses électeurs,
(la chose n'est pas encore tirée au clair) on a osé
parler du dévouement du petit homme l'égard
de la ville. C'est le railleur froid par excel
lence, l'homme aux ironies perfides, M. le baron
Surmont de Yolsberghe, s'il faut l'appeler par
son nom nouveau, qui a commis ce persiffiage
qui a dû secouer, de haut en bas, les longues
oreilles de son héros.
Eh bien qu'on entende ceci, et qu'on appré
cie, du même coup, la sincérité de ces deux
meneurs du parti clérical qui voudraient, l'un
portant l'autre, devenir les meneurs de la cité.
C'était en 1881, lors de la session du Conseil
provincial. L'Yperlée avait, deux ans avant,
rompu ses digues et était allé, travers tout,
rejoindre le canal la hauteur de la maison
Percke qu'il avait failli entraîner avec lui
La Province avait dû faire exécuter des tra
vaux de réparation pour une somme d'environ
les 95,000 francs.
L'accidentavait été causé par des crues subites
d'eau, et la ville n'y était absolument pour rien.
Or que fit notre ridicule aspirant-bourgmestre?
Il osa, dans la séance du Conseil provincial de
1881, insinuer que la responsabilité de la rupture
des digues pourrait bien être attribuée l'Admi
nistration communale d'Ypreset il revint sur cette
idée aux sessions de 1882 et 1883. Il manœuvra
si bien, le petit homme des besognes d'en des
sous, que la Députation obtint du Conseil l'au
torisation de poursuivre la ville en dommages-
intérêts, ou, en d'autres termes, en paiement des
sommes avancées pour le travail de restauration
en question
C'était jle moyen de porter un rude coup
nos finances et de se créer ainsi, on l'espérait du
moins, un grief ou une arme pour les élections
venir
Malheureusement le plan échoua.
La Députation, en dépit qu'elle en eût, n'osa
pas donner suite au projet et attaquer l'adminis
tration qui l'attendait de pied ferme.
L'affaire tomba donc l'eau et Henritje y fut
pour ses honteuses peines
Mais n'est-il pas prodigieux d'audace et d'im
pudence que l'on ose parler du dévouement de
ce personnage vis-à-vis de sa ville, et que lui-
même, lui, l'homme ignorant en toutes choses,
ose ambitionner d'en devenir le premier ma
gistrat
Allons donc Concierge Brun instant
votre balai s. v. p.
On sait que les cléricaux mesurent leurs for
ces au bruit qu'ils font et qu'il y a beaucoup de
gens qui prennent cela pour de l'argent comp
tant.
Voici un échantillon des manœuvres du chef
d'orchestre et de la façon dont il donne le la
ses musiciens
D'YPRES.
MoiNSIKIlR,
Nous venons vous demander de bien
vouloir contribuer notre prochaine vic
toire en faisant faire par tous les Catholi
ques île votre commune de la propagande
en faveur de notre parti.
La campagne et les environs peuvent
beaucoup.
Il faut que tout le monde en venant au
marché Ypres cause dans les cabarêts,
dans les boutiques, au marché, du succès
certain des catholiques.
Ce mouvement accentuera le courant
qui nous est déjà très favorable.
Nous comptons sur l'intervention des
catholiques de votre localité, ainsi que
sur votre action personnelle.
POUR LE COMITÉ
IWEliVS d'EECKHOUTTE.
Comme sont stylés les campagnards, ainsi le
sont les comparses de la ville. Le mot d'ordre est
de chanter victoire sur tous les tons.
«II o
Avez-vous lu le compte-rendu de la séance de
Y Association Conservatrice
Avez-vous bien lu le discours de M. Surmont?
En avez-vous pesé le vide, l'inanité
Et les griefs, qu'en dites-vous
Il n'y en a pas, pourquoi
Est-ce parce qu'il n'en trouve pas
Et s'il n'en a pas, pourquoi tout ce tapage
S'il en avait, n'en aurait-il pas énuméré
Cela est-il parler de la ville et de son état ac
tuel que de ressasser de vieux lieux communs
d'il y a quarante ans
Et il y a quarante ans, cela était-il si mauvais?
Une chose mauvaise, cela dure-t-il cinquante
ans
Et si les catholiques arrivaient au pouvoir, ce
que le bon Dieu ne permettra pas, dureraient-ils
cinquante ans
Dès qu'on voit ces gens de près, n'en a-t-on pas
assez tout de suite
Pourquoi la liste catholique a-t-elle tant de
peine voir le jour
Pourquoi en exclut-on tant qui naguère brû
laient du désir de s'y trouver
Comment les gens sont-ils usés avant d'avoir
servi
Est-ce qu'un masque est tellement impénétra
ble qu'on ne voit pas ce qu'il y a dessous
Et ces gens sont-ils autre chose que des gens
masqués
Teneo lupum aurihus. C'est bien comme on l'a
dit, et la lecture du compte-rendu de la séance
ASSOCIATION CONSERVATRICE Ypres, le 6 Octobre 1890.
LE SECRÉTAIRE,