51e ANNÉE. 19 Mars 1891 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. La religion et la politique. Finis coronat opus. l\° 25. Jeudi, 6 FRANCS PAR AN. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. Ypres, le 18 Mars 1891. Deux griefs ont surtout été formulés contre notre régime électoral. Il est trop compliqué et donne lieu d in nombrables fraudes, des tripotages de toute espèce. 11 est organisé de telle façon que la classe ouvrière, c'est-à-dire l'immense majorité de la nation, n a absolument rien voir dans les af faires publiques ne peut exercer aucune influence sur la nomination des représentants du pays. Sur le premier point, l'accord est parfait: M. VVoesle lui-même, l'intransigeant par ex cellence, a déclare que, si l'on revisait notre système électoral, le suffrage universel lui pa raissait préférable aux chinoiseries de la légis lation actuelle. Sur le second point il y a accord également quant au principe. Les adversaires les plus dé terminés du suffrage universel reconnaissent que la classe ouvrière ne peut plus être écartée systématiquement des comices électoraux les uns préconisent le suffrage deux^ degrés d'autres parlent, sans qu'ils,soient parvenus jukju'â présent exposer bien clairement ce quiyipveulent, de la représentation des inté rêts"';' mais lou!} Soïftt unanimes pour recohnai- trequé la classe ouvrière doit exercer sa part d'inuuence.dans le ménage politique. Le projet de M. Beernaert ferait-il justice de%deux griefs dont nous parlons Ken au contraire il les aggraverait. Comme complication, la réforme préconisée par M. Beernaert est l'idéal du genre c'est un véritable salmigondis. Les contestations, les fraudes, les tripotages seraient plus nombreux, plus scandaleux que jamais. D'autre part, le projet du chef du cabinet ne fait aucune pîaçe la classe ouvrière fnoys'au- rions, peu choses près, comme électeurs aux Chambre* îeux qui sont actuellement électeurs laicommune, et voilà tout, et nous nous retrouverions de nouveau, le lende main de la revision., en présence de la question électorale, en présence,de revendications plus pour employer l'expression de M. Frère, est donc jugée: elle ne remédie rien, elle ne ré sout rien, elle ne vaut rien. Ou bien le chef du cabinet est absolument inférieur la tâche qui lui incombe dans les graves circonstances ac tuelles, ou bien il se moque du monde et essaie de gagner du temps en bernant ses adversaires. Comme nous n'avons jamais nié le talent de M. Beernaert^ force nous est d'adopter la se conde hypothèse et de souhaiter que les chefs du parti libéral fassent comprendre le plus tôt possible et très nettement au paysqu'ils ne sont pas les dupes de ce Monsieur et-n'entendent nullement devenir ses complices dans l'œuvre d'escamotage politique si laborieusement pré parée par lui. Gambetta est parmi les hommes d'Etat dis parus l'un de ceux que la France démocratique et républicaine regrette le plus sa disparition fut, pour ceux qui désirent ardemment le pro grès, une perte bien cruelle elle a fait, en effet, un immense vide et a débarrassé le parti catholique d'un adversaire éloquent, convaincu, acharne et redoutable, Un jour, la Chambre des députés, au milieu d'un vacarme épouvantabie, il s'élance la tribune et prononce, dans le feu de la discus sion, ces paroles restées jamais célèbres Le cléricalismevoilà l'ennemi I Gambetta avait un culte, le patriotisme il avait un but, le progrès; il avait un ennemi qu'il voulait vaincre,Ta calotte, le cléricalisme, l'absurdité. Néanmoins, ses plus farouches adversaires |)ofîfciquœ, é'esl-à-dire les cléricaux outrance, rendirôntun hommâge posthume sa mémoire, ,qt.ont tour tour déclaré que la. France avait perdu l'homme d'Etat le plus Clairvoyant de Mépoque. 4 Gambetta ehtenddfl-il;én parlant Sfnsi, limiter la France le retentissement de sa parole Evidemment non. Entendait-il par là crier sus et jeter l'anathême sur le prêtre qui, .entré dans les ordres par vocation, ne s'occupe que de sort sacerdoce et reste indiffèrent Tou tes choses de la politique? Nous ne le croyons pas. 11 y avait dans' sa pensée une idée plus large, c'était en quelque sorte une protestation contre les tendancestît la volonté bien arrêtée- du parti catholique^e vouloir gouverner, diri ger, dominer le-môndej 'détpndre sa griffe sur toutes les puissances'et dans tous les pays, d'en faire son fief, de faire du Vatican un' palais dictatorial universel; c'était, enfin, un cri d'alarme dont chacun, en ce qui le concerne, devait profiter. Et de fait, le catholicisme offre cçlje particu larité frappante qui le distingue des autres reli gions, c'est que, sous le prétexté de propager la religion chrétienne,, il n'a jamais fait que de la politique, luttant avec âpreté, acharnement et même avec violence, dans le cœur de toutes les nations et sous toutes espèces de gouverne ment, quelle qu'en soit la forme, tandis que le protestantisme, ie mahométariisme,'l'israëlitis- me, etc., qui comptent cependant des millions et des millions d'adhérents, ne jouent dans la politique des peuples qu'un rôle purement effacé. Nous protestons contre ceux qui se font de la religion une plate-forme, un tremplin, mêlant dans tout le notri de Dieu et abusant de la cré dulité des pauvres naïfs. Nous protestons contre le prêtre qui fait du confessionnal un cabinet noir, ne s'en sert que pour connaître, pair fa femme notamment, le secret du ménage, et oblige cette dernière jouer un rôle prépondérant, conduire son mari comme un chien au bout d'une corde. Nous prolestons contre le prêtre qui trans forme la chaire prêcher en une tribune élec torale, d'où il ne craint pas la contradiction, et d'où il peut arroser, non pas ses sermons mais ses discours, de quelques patenôtres Nous protestons contre le prêtre qui fait œuvre de militant dans les élections, menaçant les pauvres crédules des foudres du ciel. Mais autant en emporte le vent, ils sont nos maîtres Nous lisons dans l'Economie de Tournai Le culotteur d écuyères vient de se signaler par un nouveau et scandaleux coup de parti. Il a validé les élections communales qui ont eu lieu Ypres le Ir Février dernier. Devolder et Plein-de-Soupe lui-même, qui n'avaient cependant pas le renâclement facile, eussent hésité ratifier une pareille flouerie politique. Mais l'homme aux culottes n'a point de semblables scrupules. Il est propre toutes les besognes, ce Pantalon-là, et c'est un laquais bien dressé sur lequel peuvent compter les maîtres de nos maîtres. Ainsi c'est fait. Comme il fallait s'y attendre, le dernier acte de la grande comédie vient de se terminer. Tous les rôles ont été tonus, depuis le commencement de la pièce jusqu'à la fin, sans hésitation, sais défaillance, commencer par le souffleur et les figurants jusqu'à M. de Burlet, en passant par nosh^vi et la Députation Per manente et M. de Mélcft.Tout a marché avec la régularité automatique d'un théâtre de Guignol. Personne n'a bronché malgré les sifflets stri dents dont on s'est moqué comme de Colin Tam pon. Oui l'élection du lr Février est et reste vali dée, comme celle du 19 Octobre est et reste an nulée. C'est scandaleux, c'est inouï, cela ne s'est jamais passé dans notre pays de Belgique et on peut meme hardiment dire que l'Amérique, le pays de toutes les audaces, est en cette délicate matière, dépassée de toute la distance qui sépare Cartouche d'un vulgaire pick-pocket. g Qui aurait jamais cru que pareilles choses fus sent possibles, et qui aurait pu cjpâï^ hors d'une révolution, alors^fju'on foule aux pieds le droit, la justice sfPiôûtes les formes ad ministratives, alors que le fait prime le drojt et que la gloire réside dans le succès quelque illé gitime qu'il puisse être, on pouvait, en pleine jouissance de la paix et de l'ordre social, voir se perpétrer toutes ces" horreurs qui ne -trouvent, d'ordinaire, place qu'au^jnilieu des cataclysmes les plus violents? Et cependant cela est, oui cela est, malgré les protestations les plus énergiques, malgré les réclamations les plus vives, malgré l'indignation générale. C'est que le sens moral de certains hommes est arrivé un état de dé- Sravation tel qu'ils ne distinguent plus le juste e l'injuste l'honnête du malhonnête pas S lus que la dignité de l'indignité. Et c'est sous e pareils auspices que devra naviguer la barque de la ville d'Ypres Juste ciel, faites que dans ce naufrage ne périssent pas et notre honneur et notre courage. LE vires acqcirit eofido. ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00 "V 7" Idem. Pour le restant du pays7-00. tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25 Insertions Judiciaires la ligne un franc. Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Progrés Pour le restant de la Belgique et de l'Etranger L'Agencé Rossel, 44, rue de la Madeleine, et 2, rue de l'Enseignement, Bruxelles.

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Le Progrès (1841-1914) | 1891 | | pagina 1