51e ANNÉE
2 Avril 1891
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
*Le Sénat.
IyE LOUIS D'OR.
Les écoles du clergé.
lV 27. Jeudi,
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
VIRES ACQUIHIT EUNDO.
Heures de départ partir du 1r Octobre
gê'Ypres pour
Pop ,6-50 9-09 10-00 12-07 3-00
YPRES-FURNES.
5-00 7-34 10-20 1-00
FURNES-YRRES.
Ypres, le lr Avril 1891.
Dans la prochaine réforme électorale qui
doit effacer de nos lois l'article 47 de la Consti
tution, l'organisation actuelle du Sénat "est
fatalement condamnée disparaître.
Le cens d'éligibilité sénatoriale ne saurait
survivre au cens électoral.
Tout le monde est d'accord là-dessus, et M.
Beernaert, tout le premier, comprend la réor
ganisation du Sénat parmi ses préoccupations.
Que sera le futur Sénat? Nul ne le sait en
core, mais ce qui est certain, c'est qu'on doit
faire disparaître, avec le cens d'éligibilité, l'ab
surde anomalie qui n'a trouvé d'imitateurs
dans aucun Etal d'Europe ou d'Amérique, et en
vertu de laquelle c'est le tnôme corps électoral
qui élit les deux Chambres.
Il est bon de rappeler que celte singularité
est due un véritable accident parlementaire.
Au Congrès national, après qu'on eût voté le
principe des deux Chambres et déterminé les
conditions d'éligibilité, il se produisit divers
systèmes pour la nomination des sénateurs.
Chacune de ces propositions fut successivement
rejetée par une coalition entre les partisans
des autres formules, si bien qu'après avoir fait
table rase de tous les systèmes, on retomba
forcément sur le corps électoral déjà organisé
pour la Chambre des représentants.
Puisse cet exemple servir de leçon aux mem
bres de notre future Constituante, où il ne
suffira plus de la simple majorité, mais où il
faudra les deux tiers des volants pour^faire
passer toute disposition nouvelle.
Le Sénat cenAftaire' une ftjis disparu, par
Templacera.-l-on 1
M. Beernaert, d'après les comptes-rendus
des journaux, aurait suggère, en section cen-
traleV^ele Remplacer par une assemblée dont
les meftibres seraient choisis soit par un mode
d'élection au second degré, canine en France,
soit par un vote descor^euls provinciaux, com-
v me sous le régime Hollandais, sdîtTmfin par un
corps électoral divisé en catégories ou groupes
sociaux.
De ces trois systèmes, le troisième seul nous
semble répondre aux exigences de la situation.
Il permettrait de contrebalancer la toute puis
sance du nombre en assurant la représentation
effective et la légitime influence des divers in
térêts que l'Etat doit protéger. Si l'on pouvait
réunir, au sein d'une assemblée modératrice,
les représentants autorisés de la grande propri
été, de la grande industrie, de la science et du
travail, n'y aurait-il pas là une garantie de
progrès et de paix sociale, et le Sénat Belge
régénéré ne serait-il pas ce que le législateur
constituant aurait voulu qu'il fût un obstacle
aux coups de majorité et un actif instrument de
civilisation
Cette année encore, les résultats du concours
général entre les athénées et {es collèges sont
écrasante pôur les établissements du clergé qui
y prennent part concurremment avec les éta
blissements officiels. Qu'on en juge
Sur un total de 292 nominations, les athénées
royaux et collèges communaux en obtiennent
274, les collèges patronnés par les évèques... 48."
Veut-on se faire une idée de la valeur de
l'enseignement scientifique dans ces collèges
patronnés? Leur section professionnelle ne
remporte aucune nomination.
Leur section des humanités vaut-elle mieux?
Voici les résultats qu'elle enlève en mathéma
tiques 0, en langues modernes 0, en histoire et
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4-Gu 6-42 9-05 9-58.
PoperingUe-Hazebrouck, 6-50 9-09 12-07 4-00
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Houthem, 5-30 -.8-20 11-16 5-20.
domines, 5-30 - 8-20 - 9-58 11-16 2-43 - 5-20
Comines-Armentières, 5-30 11-16—2-54—5-20—8-55
Roulers, 6-157-45 -10-40— 12-20 2-45 -4-10
- 6-42.
Langemarck-Ostende, 4-30 (Cortemarck) 7-18 - 9-57
-12-17 3-56 6-21.
Courlrai, 5-30 8-20 9-58 11-16 2-43 5-20
(Oép. de Comines Courtrai 7-45.)
Gourlrai-Bruxelles, 5-30 9-58 —11 -16 2-43 5-20.
Gourtrai-Gand. 5-30 8-20 11-46 2-43 5-20.
4-00 6-25.
5-06 7-40 10-26 1-06 4-06 - 6-30.
(suite et fin.)
Il laissa les soixante-douze louisjmr la mflpe couleur
la rouge sortit de nouveau.
Il fit encore le paroli o^deux fois, trois toujours
avec le même bonheur. Il avait maintenant dètfaj^ lui un
tas d'or et de billets, et il se mit poudrer le tapis fréné
tiquement. La douzaine la colonne le numéro»
toutes les combinaisons lui réussissaient. C'était une
chance inouïe, surnaturelle. On eût dit, nue la petite bille
tesiSKafcJltertS roulette, était ma
gnétisée, fascinée parie regard de ce joueur etlui obéis
sait Il avait rattrapé, en une dizaine de coups, les
quelques misérables billets de mille francs, sa dernière
ressource, qu'il avait perdus au commencement de. la
soirée.
A présent, pontant des deux ou trois "cents louis la
fois et servi par sa veine fantastique, il allait bientôt re
gagner, au-delà, le capital héréditaire qu'il avait gaspillé
en si peu d'années, reconstituer sa fortune.
Dans son empressement se mettre au jeu, il n'avait
pas quitté sa lourde pélisse déjà il en avait gonflé les
grandès poches de liasses de billets et de rouleaux de piè
ces d'or; et, ne sachant plus où entasser son gain, il
bourrait maintenant de monnaie et de papier les poches
intérieures et extérieures de sa redingote, les goussets,de
son gilet et de sor pantalon, son porte-ciga; 3s, son môjr%
choir, tout ce qui jVauvaju servir de récipient.
Et il jouait toujour^of il gagnait toujours comme un
homme ivre et il jetait ses poignées de louis sur le ta-
au hasard, avec un geste de certitude et de dé-
in 1
7
Seulement, il avait- comme tin fer rouge dans le cœur,
et il ne pensait qu'à la petite mendiante cndormfe'dans la
neige, l'enfant qu'il avait volée.
Elle est encore la même place! Certainement;*
elle doit y être encore Tout l'heure.... oui, quand
une heure sonnera.., je me le jure je sortirai d'ici....
j'irai la prendre, toute endormie, dans mes bras, je l'em
porterai chez moi, je la coucherai sur mon lit..,. El je l'é-
- lèverai, je la doterai, je l'aimerai comme ma fille, et
j'aurai soin d'elle toujours, toujours
Ut.
Mais fa pendule sonna une heure, et le quart et la de
mie, et les trois quarts
Et Lucien était toujours assis la table infernale.
Enfin, une minute avant deux heures, le chef de partie
se leva brusquement et dit voix haute
La banque a sauté, MessieursAssez pour au
jourd'hui
D'un bond, Lucien fut debout. Ecartant avec brutalité
les jouetfrs qui l'entonnaient et le regardaient avec une
envieuse admiration, il partit viwment, dégringola les -
étages et courilt jusqu'au banc de 'fKerre. De"doin, la
lueur d'un bec de gaz, il aperçut la [fttite fille.
Dieu soit loué s'écria-t-il, elle est encore là.
Il s'approcha d'elle, lui saisit la main
Oh qu'elle a froid J.... pauvre petite
sgqÂva pour l'emporter la
en Jfrieéè sans qu'elle s'éveillât:
Comme on dort -cet âge-là*
Il la serra contre sa poitrfrt'e- pour Jifv réchauffer, et,
pris d'une vague inquiétude, il voulut, afin de. la tirer de
Ce lourd sommeil, la baiser ^ur les yeux; comme il faisait
naguère sa maîtresse, la plus chérie.
tl la prit sous les bra?, Ta sg
tète de Penfanl retomba on
Mais alors il -s'aperçut avec terreur que les paupières de
l'enfant étaient entrouvertes et laissaient voir demi des
prunelles vitreuses, éteintes, immobiles.
Le cerveau traversé d'un horriblê'qènpçon, Lucien mil
sa bouche tout près de la .bouche de ta netite fille aucun
squflle n'en sortit.
Pendant qu'avec je louis d'or ci 'il avait volé cette
mendiante/Lucien gagnait au jeu une fortune, l'enfant
sans asile était mort; riorte de troid
IV.
Etrèintè la gorge par la plus effroyable des an
goisses, Lucien voulut pousser un cri..et dans l'effort
qu'il fit, il seiéveilîa de son cauchemar sur la banquette
-vjM^fierèle, où il s'était endormi un peu avant minuit et où
le garçon du tripot^ s'en aJJjn* .,o..H3Wier vers-àaq -Arai
res, l'avait laissé tranquille, VS^on'té d'âme pour le dé
cavé.
Uue brumeus^trfrore de Décembre faisait pâlir les vi
tres des croisée*
Lucien sortit, mit sa montre en gage, prit un bafn, dé
jeuna et alla au bureau de recrutement signer un enga
gement volontaire au lr régiment de chasseurs d'Afrique.
Aujourd'hui, Lucien de Hein est lieutenant Jl n'a que
sa solde pour vivre, mais il s'en tire, étant thi officier très
rangé et ne touchant jamais une carte; il paraît même
qu'il trouve encore moyen de faire des économies, car,
l'autre jour, Alger, un de ses ca.marades, qui le suivait
quelques pas de distance dans une rue montueuse de la
Kasba, Je vit fjjjre l'aumône une petite Espagnole endor
mie sous imsgporte et eut l'indiscrétion de regarder ce
<jue Luçifit avait donné la pauvresse.
Le curieux fut très surpris de la générosité du pauvre
lieutenant.
Lucien de Hem avait mis un louis d'or dans la main de
la petite fille. François Coppée.