La mésaventure du maïeur
Là retraite d'Achille.
A Bruges.
mer modestement comme lui-même, les talents
que Dieu lui a donnés.
Après cela, et au fond, il n'y avait aucun lieu
pour le rédacteur du Journal d'être froissé ou
humilié.
On peut être bon avocat et mauvais adminis
trateur ou triste financier.
Cela se voit tous les jours.
1 rajCSDlP
C'était le lendemain de l'installation du nou
veau bourgmestre. Monsieur le Baron allait
Bruxelles, en passant par Gand, où il a conservé
de nombreux souvenirs. Il s'était mis l'aise
dans son coupé, et, eu homme pratique qu'il est,
il s'était débarrassé de son beau couvre-chef
couronne de baron, pour se couvrir d'une petite
calotte de voyage. Monsieur le bourgmestre
était rêveur il pensait toujours et continuelle
ment l'ovation faite par quelques sociétés de
joueurs de cartes, au père de la cité, l'enthou
siasme négatif de ses nouveaux administrés par
adoptionforcée, au cortège aux flambeaux
transformé en une manifestation libérale,
l'estime que les Yprois avaient pour lui, ses
complices, et aux trucs divers de Loyala et Cie.
Le brave maïeur rêvait, rêvait toujours, mais
Cortemarcq, la voix du garde l'éveille en sur
saut, et le voilà qui saute avec ses bagages hors
du wagon, pour prendre la correspondance de
Gand. Les voyageurs stupéfaits regardaient cou
rir ce Monsieur l'apparence respectable et
riaient comme des fous et il se demandait
pourquoi tant d'hilarité Et quand son train
fut parti, Monsieur le Baron constata qu'il avait
oublié son chapeau dans le wagon qui filait vers
Ostende.
Sacrée distraction Sacrés Yprois
Et Gand donc, où M. le Baron compte
de vieilles connaissances, ce qu'on a ri, en voyant
cette petite calotte couvrant fa grande Dame
un noble sénateur bourgmestre en négligé, ça
ne se voit pas tous les jours
Ce que c'est que les grandeurs on y perd la
fête et le chapeau
Un heureux et qui s'est fait une pinte de bon
sang en apprenant cette aventure,c'est Henritje.
"C'est le premier bon quart d'heure qu'il passe
depuis sa dégringolade.
Patience, Henritje, il y en aura encore.
Donc le Petit Achille de la rue de Menin s'est
retiré sous sa tente.. Henritje a quitté la ville
pour des lieux inconnus", et une pancarte, collée
l'une des vitres de sa maison, renvoie, dit-on,
pour les commissions et les -faveurs, son
ami Bertrand de la rue de Lille. Ceci, nous
avons quelque peine le croire. Mais le fait du
voyage est absolument certain. Il y a, de plus,
non moins certain, qu'Henritje voulait partir la
veille même de l'installation de son ami. C'eût
été un grand scandale, comme bien l'on pense.
Aussi lui a-t-on* d'urgence, expédié de nouveau
le parlementaire'que' l'on sait. Mais l'entretien
a été beaucoup plus sommaire. D'aussiloin
qu'Henritje vu venir'Son homme, il lui a crié
encore vous C'est inutile, cette fois Allez-
vous en
JJavtoî .'"De grâce,prêtez-moi.. -V,A
Ou^ieut rire de la colère d'Henritje, mais, au
fait, îtài raison d'être fiorieux.'
lui
Si ïévèfè;quelque ayons, été vis-à-vis de
(seVère, -mais^ûsFeV il a béa'ucoup plus se
plaindre de, ses amis qqè de nous.
Ce qud qûms avdns ditr-tout Jiaùt, eux î'.©nt
pensé tout Iras ef, lé triomphé*obtenu, l'ont traï^t-A^deitpie
treusement et brutalement traduit en fait.
Raton voulait être bourgmestre. On lui a
laissé espérer qu'il le serait. Mettant cette am
bition profit, exploitant cette vanité ou cet
orgueil, ils l'ont, l'excitant et le surexcitant,
poussé tous les efforts et puis, les marrons
tirés, ils l'ont laissé au pied du perchoir, lécher
piteusement ses pattes brûlées et endolories.
Et ce n'est pas tout.
Henritje sait (ce que beaucoup savent) qu'un
certain papelard de ses soi-disant intimes a fait,
avant le scrutin du lr Février, des démarches
près de ses amis pour qu'ils laissassent son nom
en dehors de leur vote.
On voulait, en diminuant le nombre de ses
suffrages, diminuer ses prétentions et ses chan
ces au lr fauteuil.
Et c'est ainsi qu'il faut expliquer comme quoi
Henritje,qui, l'élection du 19 Octobre, avait eu
14 voix de plus que Surmont, n'en a plus eu que
4 l'élection du lr Février
Eh bien nous le répétons, on ragerait
moins, car pour être un Henritje on n'en est pas
moins homme on l'est même beaucoup, peut-
on dire.
Et comment ne se sentir point révolté en pré
sence de la conduite du papelard susdit
N'est-ce pas de la plus insigne fausseté, de la
plus honteuse perfidie, de la plus noire ingrati
tude, de la plus basse trahison
Et dire que c'est peut-être ce joli Monsieur
lui-même, qui menace les gens indignés de la
perte de son estime et de celle de ses amis
Son estime, bon Dieu et celle de tous les
compères qui ont tripoté avec lui le honteux
scrutin du lr Février Et que veut-on que l'on
en fasse Mais c'est chose dédaigner au con
traire Qu'ils la gardent pour eux, si toute
fois cela leur est encore possible
Il n'y a que l'estime des loyales gens qui
compte et, celle-là, on sait de quel côte elle va.
Cela nous suffit. C'est même une consolation
de la défaite, défaite bien plus honorable que le
triomphe par les moyens qu'on connaît.
Les nominations judiciaires.
Bruges, 3 Avril.
Les récentes nominations dans l'ordre' j udi-
ciaire pour le ressorte Jafrçour d'appel de Gand
ont fourni la Pairie l'occasion d'exprimer son
mécontentement l'adresse jdu, .gouvernement,
et spécialement du ministre dé là justice.
Figurez-vous que celui-ci s'est permis, non pas
de nommermais (l'appeler des postes plus im
portants deux magistrats soupçonnés de libéra^
lisme.
Deux substituts attachés depuis de longues
années, l'un au tribunal de Termonde, l'autre au
tribunal de Furnes, ont été;envqyés comme sub
stituts, l'un Gand, l'autre Courtrai.
Horreur Et dans un article débordant de
haine fanatique, le journal de M. Neut signifie
bel et bien nos maîtres que pareil scandale ne
peut plus se représenter Il profite de l'occasion
pour s'acharner tout spécialement contre un
magistrat qu'à tort ou raison il soupçonne
d'avoir eu, sCvant son entrée dans la magistra
ture,-des rapports avec la rédaction d'un journal
libéral.
Vraiment, la Patrie en demande trop notre
épiscopal ministère. Elle, sait bien cependant
que, cette fois-ci comme toujours, pas un seul
libéral n'a trouvé grâcê. devant L'impartialité
bien connue de nos njaitses. et qu'aucune nomina-
tion libérale n'a été fafté.
Sir>M. Lejedhe a -aceordé de l'avancement
deux des nôtres c'est qu'il n'a pu faire autre
ment, et le pieux journal aurait dû-se dire que
si, dans tous les tribunaux du ressort de notre
cour existe encore une demi-douzaine
de libéraux pfari nantis in gurgite vasloil est
indispensable d'en déplacer quelques-uns, ne
2fût-ce qu'afin de pouvoirs donner, leurs sièges
ardemment convoités aux jeunes "Eliànins cléri
caux.
Mr.
Parmi les nominations contre lesquelles la
Patrie peste avec tant de véhémence, nous voyons
figurer celles de quatre jeunes avocats qui, du
coup, sont nommés des tribunaux de première
et de deuxième classe, dépassant injustement
d'anciens magistrats végétant depuis dix ou
quinze ans dans des tribunaux de troisième
classe, uniquement parce qu'ils sont libéraux.
Plusieurs de ces nouveaux favorisés ont peine
atteint l'âge exigé par la loi pour remplir les
fonctions relativement importantes auxquelles
ils sont appelés.
Trop parler nuit. La Patrie n'aurait pas dû
l'oublier Son excès de zèle sectaire aura pour
conséquence de rappeler que le magistrat spé
cialement visé par elle remplit depuis huit
années les fonctions de substitut près d'un tri
bunal de troisième classe que sa promotion
suit de près celle d'un tout jeune magistrat,
encore avocat l'époque où 1 objet des haines
du journal était déjà en droit d'obtenir de
l'avancement, et enfin, que ce jeune magistrat
est actuellement déjà le président du tribunal où
son collègue, beaucoup plus ancien, se trouvait,
hier encore, en qualité de simple substitut
11 y a plus, et la Patrie aurait bien dû l'ajou
ter. La promotion tant critiquée n'était pas
même sollicitée par celui qui en est l'objet et
c'est contrairement ses désirs que le magistrat
visé s'est vu accorder la singulière faveur qui lui
échoit. Le pieux journal ne l'ignore probable
ment pas s'il obtient un avancement, c'est tout
bonnement, comme nous le disions plus haut,
afin de permettre au ministère de disposer de sa
place au profit d'un des bons amis de la Patrie
laquelle, nous le jurerions presque,pourrait bien
avoir préconisé elle-même cette petite combinai
son dont elle feint hypocritement de 3e plaindre
aujourd'hui.
En fait, les nominations dernières ne diffèrent
en rien des précédentes. Le ministère favorise,
par une scandaleuse distribution de faveurs,
ceux de ses amis dont les opinions sont les plus
exaltées au détriment non seulement des libé
raux, mais même des catholiques soupçonnés de
tiédeur et de modération.
1*,.mésaventure arrivée M. Lejeune dans le
c isfl'un ancien magistrat de son bord est-là pour
le prouver.
Ce dernieivcatholique avoué mais modéré,
remplit depffw plus de quinze ans les fonetfone
de juge de paix dans un important cantori de
notre Flandre. (1)
Tout récemment, notre consJtB^rovincial, qui
certes n'est pas suspect de libéralisme, lui accor
dait une seconde candidature pour la place de
président vacante au tribunal de Furnes. Cette
candidature avait été sollicitée uniquement pour
favoriser certaine combinaison cléricale qui s'est
réalisée depuis.
En outre, il y avait promesse de donner au
juge en question une promotion en le nommant
comme juge de première instance*dans une ville
où, pour des raisons de convenance personnelle,
il désirait spécialement fixer sa résidence.
Tout semblait arraDgé pour le mieux lorsque
il y a trois quatre jours peine, notre juge de
paix reçut avis qu'il était envoyé comme .juge
non au tribunal de Courtrai, mais Furnes, tri
bunal' de troisième classe, ce qui, au point de
vue du traitement., constituai! pour lui une di
minution notable de position.
L'anciqn magistrat se voyait préférer un tout
jeune avocat, ayant vingt ans peinej t
Le juge de paix n'hésita pas. 11 écrivit M.
Lpjcune qu'il le remerciait de la faveur grande,
niais qu'il refusait catégoriquement la singulière
faveur qu'on daignait lui accorder.
Et voilà comme quoi la place du juge au tri
bunal de Furnes reste provisoirement vacante,
y Ce que l'on a ri et glosé dans le monde judi
ciaire propos de .cette aventure Mais c'est le
juge de. pai± "qui if est pas content, et pour
cause
On cp pçut cepèndant nommer d'emblée tous
ceux-ci a±yç fonctions de conseiller pu prési
dent dé^no» e'oqrs d'appel et de cassations*»!! est
Qdel^uefôis indispensable de leur faire faire-fin
stage dans des tribunaux inférieurs
M. Vereeck9, major retraité, ancien comm
■lant de l'école régimentaire du 3e de ligne,
garnison en notre ville.- èst nommé directeur^
T'Ecole de Bienfaisance de l'Etat Reckheiij
(1) Il s'agit de M. Coppens, le juge de paix d'if
qui présidé ici le 3rae bureau lors des électio;
Février.
'Et de quatre f
EtVautre: Mon cher, mon cher, permettez....
H. Je ne permets rien
H. Je ne prête plus rien personne
- L'autre Mais vous vous trompez, mon cher
Je ne vous demande'que de me prêter un moment
d'attention....
H. Pas même ça Laissez-moi, vous dis-je!
Et>, rompant là-dessus, Henritje s'est dérobé
et a couru boucler ses malles pout le départ du
jourTffème, départ qui, grâce d'autres influen
ces, a été celui'du surlendemain.
(Correspondance particulière de ^'Étoile belge).