N° 52. Dimanche,
51e ANNÉE.
19 Avril 1891.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
ms^coînlflhinales.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
m, le 13 Avril 1891.
jAjL Spy, 14 avril.
11 y a trois ans, les élections de Spy ont été
annulées trois fois, parce qu'elles étaient favora-
LE PROGRÈS
VIRES ACQU1RIT EUNDO.
ABONNEMENT PAR AN; Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour le restant du pays7-00.
tont ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20.
INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25
Insertions Judiciaires la ligne un franc.
Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Progrès Pour
le rp^tant de la Belgique et de l'Etranger I'Agence Rossel, 44, rue de la Madeleine,
et 2, rue de l'Enseignement, Bruxelles.
Nous LÉOPOLD deux. Roi des Belges,
tous présents et venir, faisons savoir
Le Tribunal de première iustance, séant Ypres,
Flandre occidentale, a prononcé le jugement suivant
Entre Monsieur Ernest FRAEYS, propriétaire et admi
nistrateur de la Banque de Courtrai, domicilié Ypres,
demandeur,représenté d'abord par Maître Louis Biebuyck,
plus tard par Maître H. Sobry, avocat-avoué Ypres,
Et le Sieur Eugène LAMBIN-MATHÉE, éditeur du
journal le Progrès d'Ypres, défendeur, représenté par
Maître A. Laheyne, avocat-avoué, au dit Ypres
Faits. Sans que les présentes qualités puissent nuire ni
préjudiciel' aux droits des parties.
Après avoir vainement tenté le préliminaire de concili
ation, comme il conste d'un procès-verbal dressé devant
Monsieur le Juge de Paix du deuxième canton d'Ypres,
la date du dix Octobre mil-huit-cent-quatre-vingt-dix,
enregistré deux rôles, sans renvoi, Ypres, le treize Oc
tobre mil-huit-cent-nonante, volume un, folio quarante-
trois, verso, case deuxième. Reçu deux francs quarante
centimes. Le Receveur (s.) A. Bogaerl, assignation a été
donnée le vingt-un Octobre suivant, par le ministère de
l'huissier L. Verhaeghe, Ypres, la requête de Monsieur
Ernest Fraeys, propriétaire, Ypres, Monsieur Eugène
Lambin-Mathée, éditeur du journal le Progrès d'Ypres,
comparaître dans le délai de la loi, devant le Tribunal
civil de première instance d'Ypres, pour.; Attendu£t»e lq_
défcurïeur, Lambin-Mathée, s'est permis de publier, dans
le numéro du journal le Progrès d'Ypres, en date du
Jeudi, deux Octobre mil-huit-cent-quatre-vingt-dix, un
article calomnieux et diffamatoire l'égard du deman
deur, commençant par les mots Messieurs les Mar
chands de meubles et finissant par les mots nous ne
savons si, ce jour-là, on a ri, rue au Beurre, numéro cin
quante-deux, et cœtera....
Attendu que l'article reproche, méchamment, au de
mandeur, d'avoir fait une forte commande de meubles,
et, le prix convenu.de s'être fait passer comme marchand
de meubles, pour exiger une réduction de quinze pour
cent
Attendu que cette imputation est calomnieuse, qu'elle
est de nature porter atteinte l'honneur et la consi
dération du demandeur et qu'il lui est dû réparation
Se voir et entendre dire, pour droit, que l'article dont
s'agit, est diffamatoire et calomnieux
En conséquence, s'entendre le défendeur, condamner
payer, au demandeur, la somme de trois mille francs,
peine de s'y voir contraindre, même par corps, laquelle
somme il sera loisible au demandeur, d'appliquer des
insertions du jjgement intervenir, dans un ou plusieurs
journaux son choix s'entendre condamner, en outre-,
insérer le jugement intervenir dans le Progrès d'Y
pres, en tête du journal, dans les trois numéros qui suivent
la signification du jugement, ji peine de payer vingt-cinq
francs par chaque jour de referd s'entenilre condamner,
en outre, aux frais et dépens sur cette assignation qui
eontpnait CfinsjÀlliUtta /l'avoué par Maltre-Louis Biebuvck.
Maître A-. Laheyne, avocat-avoué, Ypres, se constitua
pour le défendeur t
La cause fut portée au -ôle et appelée l'audience du
sept Novembre mil-huit-cent-quatre-vingt-dix
Maître Louis Biebuyck, pour le demandeur, y reprit les
conclusions de l'exploit introductif d'instance. A l'audience
suivante du vingt-un Novembre, Maître A Laheyne, pour
le défendeur, donna lecture de ses défenses, signifiées lerf
lendemain, et tendant voir déclarer le demandeur noi^
fondé en son action avec condamnation aux dépens, pour
la raison que l'article n'était ni diffamatoire ni domma
geable;
Après plusieurs remises la cause fut plaidée el le Minis
tère public, entendu en son avis
Maître H. Sobry, avocat-avoué, Ypres, reçut mandat
de se constituer, et se constitua pour le demandeur au
lieu et place de Maître L. Biebuyck, nommé Juge de Paix;
En cet état, la cause présentait juger les points sui
vants -a
L'article incriminé di journal le Progrès d'Ypres,
du deux Octobre mil-huit-cent-quatre-vingt-dix, enregis
tré, est-il diffamatoire pour le demandeur, et celui-ci est-
il fondé en réclamer des dommages intérêts
Quel doit en être le montant dans l'affirmative
Doivent-ils être récupérables parla contrainte par corps?
Doit-il être loisible, au demandeur, de les appliquer
des insertions du jugement intervenir, dans un ou plu
sieurs journaux, son choix
Faut-il ordonner l'insertion du jugement intervenir,
dans le Progrès d'Ypres, en tête du journal, dans les
trois numéros qui suivent la signification du jugement,
peine de payer vingt-cinq francs par chaque jour de re
tard
Quid des dépens
Jugement.
Vu l'exploit d'assignation en date du vingt-un Octobre
mil-huit-cent-quatre-vingt-dix, tendant ce que le défen
deur soit condamné payer, au demandeur, la somme de
trois mille francs, peine de s'y voir contraindre, même
par corps, et des insertions du jugement de condamna
tion dans son propre journal, titre de dommages-inté
rêts, pour préjudice causé par la publication, par la voie
de la presse, d'un article calomnieux ou diffamatoire, por
tant atteinte l'honneur du demandeur
Attendu que le passage incriminé, formant un paragra
phe d'un article intitulé un peu de tout et publié
dans le numéro du Jeudi deux Octobre miKbuit-cent-
niL^Iro-Tlipi" PrAlfrixi t. ll'Ynroc rmiiw.
"'li'ÉiTT'" r "'lllfilir'"f" Progrès-» d'Ypres, omfr»
mence par ces mots Messieurs'les marchands de meu
bles ne sont pas mieux favorisés que les autres et se
termine par les suivants <i nous ne savons si ce jour-là,
on a ri, rue au Beurre, numéro cinquante-deux
Attendu qu'il y est livré au public comme fait tellement
avéré qu'il est déjà connu de beaucoup d'yprois, que le
demandeur, ayant voulu se procurer un nouvel et riche
ameublement de salon, s'est rendu, Bruxelles, chez un
fabricant de meubles, et qu'après avoir fait choix d'uft fort
beau mobilier, et le prix étant convenu, il s'est fait passer
pour marchand de meubles, Ypres, et a obtenu une
commission de quinze pour cent sur le prix de facture,
tout en promettant d'être un bon client
Attendu que si, dans la ngueur des termes dans les
quels le fait est qualifié, il serait permis de voir une impu
tation d'escroquerie, il est difficile d'admettre que l'auteur
de l'article incriminé ait, dans les circonstances où la
publication a eu lieu, visé, réellement, pareille imputa
tion, mais qu'il ne saurait être douteux qu'il a voulu nuire
au défendeur, en l'accusant d'un fait que tout homme de
sens el d'honneur devait considérer comme étant d'une
grande indélicatesse
Attendu que le défendeur, en vue d'amoindrir la respon
sabilité qui pèse sur lui du chef de la publication de l'ar
ticle dont s'agit, fait valoir que le demandeur Fraeys est,
Ypres, un homme politique catholique, dont le nom,
d'après les journaux des plus autorisés de son parti, avait
été prononcé pour une candidature au conseil communal
l'élection prochaine du 19 Octobre mil-huit-cent-quatre-
vingt-dix, et qu'en publiant le fait dont le demandeur
s'est triïuvé offensé, il a eu en vue, non point de porter at
teinte l'honorabilité de l'homme privé, mais simplement
de combattre la candidature de l'homme politique, en
cherchant faire tomber celui-ci, sous le ridicule
Attendu que si en fait, il est vrai, qu'au moment où
l'article du deux Octobre a paru, le nom du demandeur
avait été signalé, dans certains journaux catholiques,
comme étant celui d'un candidat possible ou probable
l'élection communale du dix-neuf Octobre, el que, si, en
droit, il est certain qu'aux époques de luttes électorales,
il faut user d'une certaine indulgence vis-à-vi&des organes
de la presse, et excuser jusqu'à un certain poiÀi, les écarts
de langage nés de la surexcitation passagère qui s'empare
de toutes les forces de la société taises en mouvement, e'
de l'allure passionnég. que prennent les discussior&poM-
ques des candidatures, cette indulgence ne signait être
poussée jusqu'au point de légitimer des attaque# qui-ne se
rappor' nV-aucunement aux actes dé la vie publique et.qui
ne de raison d'être ni d'autre but que de
portst STlCTtaè a l'honorabilité, la délicatesse, la con
sidération de l'homme privé.
Attendu que le fait, tel qu'il est articulé charge du
demandeur, ne pouvait évidemmeut se rapporter aucun
acte de la vie publique du demandeur, comme homme
politique, et que l'auteur de l'article incriminé ne pouvait
avoir d'autre but que de blesser le demandeur en son
honneur et sa délicatesse, et de le déconsidérer dans l'es
time de ses concitoyens
Attendu conséquemment, que le défendeur a posé, vis-
à-vis du demandeur, un acte tout au moins moralement
dommageable, dont il est tenu de réparer le préjudice,
d'où suit que la demande est, évidemment, fondée
En ce qui concerne l'appréciation de ce préjudice et
l'évaluation pécuniaire du dommage causé
Attendu qu'il n'appert aucunement que le demandeur
ait, par la publication de l'article incriminé, subi un pré
judice matériel quelconque
Attendu qu'à raison des limites restreintes de la publi
cation du journal le Progrès d'Ypres, l'on ne peut ad
mettre que le dommage moral, souffert par le demandeur,
ait été considérable, et que son honneur ait subi une grave
atteinte r
Attendu que le dommage moral sera suffisamment répa
ré par les condamnations ci-après prononcées.
Par ces motifs, Le Tribunal, ouï Monsieur Bergbman,
Procureur du Roi, en son avis conforme, dit pour droit,
que l'article incriminé est diffamatoire, et a causé au de
mandeur un dommage moral que le défendeur est tenu de
réparer en conséquence condamne le défendeur payer
au demandeur la somme de trois cents francs qoi sera ap
pliquée par le demandeur, des insertions du présent
jugement dans le Journal d'Ypres et dans le Toe-
komst condamme en outre le défendeur insérer le
prédit jugement dans le Progrès d'Ypres, en tête du
journal, dans les deux numéros qui suivront la significa
tion du jugement, peine de payer vingt-cinq francs, par
chaque jour de retard condamne le défendeur aux dé
pens, liquidés pour la partie demanderesse la somme
de cent-six francs quatre-vingt-huit centimes, non com
pris les frais d'expédition, de signification et de mise
exécution du présent jugement et dit n'y avoir lieu
autoriser la contrainte par corps en vue de l'exécution du
présent jugement.
Ainsi fait, jbgé et prononcé en audience publique civile"
du Tribunal de première instance, séant Ypres, Flandre
occidentale, du dix-huit Mars mil-huit-cent-quatre-vingty;
onze
Présents Messieurs hveins, Président, Ollevier, Juge;
Courouble, Juge suppléant, les titulaires empêchés, Du-
mortier, substitut du Procureur du Roi, et Tyberghein,
greffier
(Signé) J. IVVEINS et Alfred TYBERGHEIN.
Mandons et ordonnons tous huissier,- ce requis, de
mettre le présent jugement exécution; nos procureurs- -
généraux et nos procureurs près les tribunaux de pre-
mière instance d'y tenir la main et a tous commandants
et officiers de la force publique d'y prêter main-forte lors-
qu'ils en seront légalement requis.
En foi de quoi le présent jugement a été sigpd
du sceau du Tribunal. -
Pour expédition délivrée la demande de Maître Sobry»
avoué du demandeur.
Le Greffier du Tribunal,
(S.) Alfred TYBERGHEIN.
Enregistré dix rôles et deux renvois Ypres, le sept
Avril 1800 quatre-vingt-onze, vol. 120, fol. 69 c. 5. Reçu
pour droit de greffe 20 francs et pour droit d'enregiitre-
ment 8-88 francs. Total vingt-huit francs quatre-vingt-
huit centimes. Le Receveur (s.) EogaerT. Rég. n* 4486.
Coût. Timbres 6-50. Enregisir. 28-88. Tôt. fr. 35-38 C.
Sons dtflitftfliousffisons dans YÊloile Belge