M
51e AVIVÉE.
25 Octobre 1891
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Une magistrale leçon.
l\° 86. Dimanche,
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Ypres, le 24 Octobre 1891.
L'éminent procureur général près notre Cour
de cassation continue, avec un viril courage et
une irrésistible érudition, venger les grands
principes de notre droit public des anatnèmes
du fanatisme et des attaques de la réaction.
Hier, c'était la Révolution française qu'il jus
tifiait des reproches de spoliation si bruyam
ment articulés contre elle par les cupides défen
seurs de la main-morte cléricale.
Aujourd'hui c'est la séparation complète et
radicale de l'Etat et des églises et la souverai
neté de l'Etat neutre et laïc dans le domaine
penence
raison.
que par
Entreprise louable autant que nécessaire,
courageuse autant qu'opportune, l'heure où la
Belgique est en réalité gouvernée par les évê-
ques et où les détenteurs de la puissance publi-
âue n'en sont plus compter leurs abdications
evant le clergé.
Sous un régime théoriquement caractérisé par
la souveraine indifférence de l'Etat l'endroit
des confessions religieuses, nous assistons la
Îraduelle invasion du dogme catholique et
'absorption, par l'église de toutes les forces
vives de la société.
L'école publique, depuis l'adoption des éta
blissements congréganistes, est devenue dans les
quatre-vingt-dix-neuf centièmes de nos commu
es, une succursale de la sacristie.
L'armée, depuis l'institution de l'aumônerie
militaire, est vouée l'ombrageuse surveillance
du clergé.
Les administrations publiques, depuis les in
croyables circulaires du père Boom, vont voir
fleurir le régime de la messe obligatoire et des
billets de confession.
Tout cela dans un pays où, suivant la pittores
que expression de J. B. Nothomb, il n'y a pas
plus de rapport entre l'Etat et la religion qu'en
tre l'Etat et la géométrie
C'est protester contre ces illégales dévia
tions, remettre en pleine lumière les principes
méconnus et le droit violé, que M. Mesdach de
Ter'-; Lra consacré sa mercuriale du- lr Octobre
dernier œuvre remarquable, empreinte de vi
goureuse logique et de civique fermeté.
Jamais censure plus énergique en sa laconique
sobriété n'a atteint nos maîtres, que celle qui se
dégage de ces substantielles paroles Eh fait
de croyances, le devoir du gouvernement gît
dans une neutralité complète la police-
âmes et des intelligences lui échappe. Ij
n ritable domaine de la religion est d;,
monde inaccessible aux puissances terres?
C'est la thèse libérale et rationaliste, tanl
fois condamnée par les papes et défendue co3
eux, tous les âges de l'histoire, par les gral
philosophes et les grands magistrats, apôtres'
la raison et du droit. M. Mesdach de Tqf Kit
prend rang avec et après eux, en combattant
en ce8 temps troublés, l'éternel combat de lu"
liberté de conscienca.'cotitre la théocratie.
Il ne lui ménage pas ses vérités, cette théo
cratie qu'on croyait vaincue, dont certains pi
tres électoraux se vantaient de pouvoir nous
débarrasser en un tour de mains et qui revit
sous nos yeux, tenace et insatiable. Dans une
page pleine de vigueur et d'éclat, M. Mesdach
fait le procès aux papes du moyen-âge, coupables
d'avoir substitué la théorie ultramontaine aux
enseignements de l'évangile et de la philosophie,
et d'avoir recouru, pour mieux courber le mon
de sous le joug de l'ambition ecclésiastique,
des supercheries éhontées, de criminelles fal
sifications. Ecoutons ces paroles vengeresses,
écho de l'impartiale et honnête histoire
Un coup d audace s'imposait, imminent,
inévitable, le plus effronté assurément dont
l'histoire ait gardé le souvenir. Il fallait s'en
prendre aux sources mêmes du droit, en alté-
rer la substance, mettre dans la bouche des
n apôtres et des premiers pontifes chrétiens des
maximes que 1 on savait n'en pas être sorties.
■n C'est ainsi que, sans toucher ni aux dogmes ni
la morale, les règles de la primitive église
firent place des théories pleines de surprises,
jusque là inconnues, mais indispensables
l'avènement de la monarchie pontificale. En
un trait de plume, le pontife suprême acquiert
plus d'autorité qu'il n'y en eût jamais. A au-
cune époque, le despotisme ne revêtit une
forme plus scandaleuse.
Quand on songe que ces dures paroles éma
nent d'un catholique croyant et pratiquant, d'un
esprit profondément et. sincèrement religieux,
on ne peut s'empêcher de considérer cette aus
tère condamnation de l'infaillibilité romaine
comme l'arrêt définitif de la conscience et de
l'histoire.
Nous remercions M. Mesdach d'avoir, du haut
de son siège de magistrat et eu acquit des de
voirs de sa charge, dénoncé aux générations
contemporaines les vices et les abus, l'origine
criminelle et la monstrueuse illégitimité de ce
despotisme ecclésiastique toujours entier dans
§es doctrines et identique lui-même dans ses
visées et ses menaces nous le remercions
d'avoir tait écho la voix des grands magistrats
des 16e et 18e siècles, eu enseignant
Que l'infaillibilité pontificale repose sur un
faux manifeste
Que la suprématie du spirituel sur le tempo
rel, cette longue et funeste erreur du moyen-
âge, est contraire aux ensëignements de l'évan
gile autant qu'aux principes du droit
Que la domination du 'prêl\e aboutit l'into-
lérance, la tyrannie, aux piîes .excès des maî
tres ainsi qu'aux révoltes effrjbées des sujets.
fanatisme, IL
iteur les résume
ît. jues édits de
Philippe II, la
révocation
œt les mas-
Ids crir
de 1789. Autant la compression avait été vio
lente, autant la réaction fut formidable. C'est
une règle sans exception, dit M. Mesdach,
que les excès de toute révolution se mesurent
inévitablement au degré de mauvais gouverne-
ment qui l'a rendue nécessaire, n
Paroles profondes, qui sont la sommaire et
éloquente justification des représailles terribles
auxquelles s'emporta la révolution libératrice.
Malgré ses déviations inévitables et ses crimes
nécessaires, celle-ci demeure l'avènement du
droit, la résurrection de la loi, la réaction de la
justice. M. Mesdach en salue avec enthousiasme
la rayonnante aurore, et en rétablit les titres
l'éternelle reconnaissance du genre humain.
Les jours de justice sont arrivés. Le peuple
ne supporte plus d'être dominé par aucune au-
tre puissance que la sienne, moins encore par
le sacerdoce. L'élément théologique cesse de
faire autorité, d'avoir une force reconnue. Le
gouvernement est sans pouvoir pour imposer
des lois aux opinions qui peuvent être un sujet
de discussion entre les hommes. La fin de
n l'Etat, c'est la liberté.
Sut
Descendant aux applications, naguère encore
si contestées, du grand principe de sécularisa
tion universelle déposé dans nos lois par les con
stituants de 1789 et de 1830, l'éminent magistrat
fait honneur la jurisprudence Belge d'avoir
proclamé le caractère exclusivement civil, indé
pendant de toute ingérence religieuse, du ma
riage et de l'inhumation.
Le 4 Mars 1847, notre Cour de Cassation déci
dait que les ministres d'une communion reli
gieuse ne sont ni dépositaires ni agents de
l'autorité, qu'ils sont destitués de tout caractère
public, ne peuvent avoir avec leurs subordonnés
en religion que des rapports spirituels, et sont
sans compétence et sans pouvoir pour recevoir
des promesses de mariage, même entre étrangers
soumis, dans leur pays, la juridiction ecclé
siastique.
Par une longue série d'arrêts, rendus de 1872
1884. 'a même Cour a rendu les funérailles des
citoyens complètement indépendantes dos que
relles religieuses et des scrupules de conscience,
en écartant de nos cimetières toutes divisions
confessionnelles et toute surveillance ecclésias
tique.
Cette double jurieprudençe, M. Mesdgch a pu
l'affirmer, demeure inébranlable, et bien insensé
serait celui qui tenterait désormais de la battre
en brèche. Elle est. si bien Pexpressiorr de la
vérité légaie^oue le cléricalisme lui-Même a fini
par désarmas^
- '-V:Aprèà tapi d'âprêaffiteflits soulevés "par cette
passionnante question des cimetières, après tant
d'anathèmes et de malédictions, voilà le clergé
qui se met pratiquer, spontanément, la solu
tion recommandée par le libéralisme et toujours
déclarée contraire aux immuables et inviolables
lois de l'église. M. Mesdach le constate, et pro
fite de l'occasion pour faire la leçon aux fana
tiques
La lutte, dit-il, vient d'entrer dans une pé-
riode d'apaisement le calme renaît et des
concessions récentes, quoique bien tardives,
sont venues témoigner hautement qu'il n'est
de véritable conflit que par wweuglement de
ceux qui s'ottïtinent s'icq£t] du droit che-
min, n
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