Tout pour les calotins L'Ami de l'Ordre et la Gazette de Liège di saient hier, que la droite navait accepté la transaction rçlative au référendum que sous le coup d'une menace d abdication du Roi. Au cours de la discussion du budget de l'agri culture, xM. Carlier, député de Mons, a signalé un fait curieux et édifiant. Il paraît qu'à Gram- mont, pour faire plaisir aux fabricants cléri caux d'allumettes phosphoriques, on a suspendu tout simplement pendant six mois l'execution de la loi interdisant les procédés de fabrication qui causent de graves maladies aux ouvriers. C'est le pendant de ce qui s'est passé il y a quelque temps Anvers, où Ion a suspendu également l'exécution de la loi sur le payement des salaires pour être agréable aux cabaretiers du port. La loi, c'est bon pour les libéraux. Joli régime, n'est-ce pas L'Etoile Belge qui depuis un certain temps publie des croquis la plume très remarqués, vient de donner un portrait fort ressemblant de M. Pantalon. Nos lecteurs le liront avec intérêt, nous n'en doutons pas, car c'est croqué sur le vif Silhouettes parlementaires. M. DE BURLET. L'un et l'autre, assurément. M. De Burlet,devenu ministre, nous rappelle la fable de la chatte métamorphosée en femme, qui ne peut s'empêcher de courir après les souris et de faire des excursions sur les gouttières. On le croyait un peu corrigé de ses allures de vibrion de petite ville, de tyranneau provincial, de dindonneau de chef-lieu de canton. Il rédige des Exposés de motifs aussi laborieux, aussi fastidieux, aussi fromageux que d'autres. Il pro nonce des discours aussi officiels, aussi macaroniques que ses collègues. Il parle des droits du pouvoir central avec vénération, des conseils de prud'hommes avec religion, de ses travaux avec admiration, et lui, qui n'a ni philosophie, ni littérature, ni d'études d'aucune sorte, il disserte de toutes choses avec la gravité du plus édenté des chanoines de l'archevêché de Malines. Mais ce n'est pas là sa vocation, et le naturel qu'il avait laissé depuis Mars 1891 date de son estam pille ministérielle revient avec la vitesse accoutu mée dans les cas de ce genre. Nous venons d'en avoir une preuve nouvelle dans cette discussion du budget de l'intérieur où il s'est, si joyeusement pour nous, attrapé avec un autre vibrion clérical de marque, Woeste le suave. Le naturel de M. De Burlet, c'est une morgue niaise, une vanité tranquille de paon ouvrant son éventail, un aplomb de coq d'inde, une susceptibilité irascible. Au ministère, M. De Burlet a inauguré, dans ses rapports avec ses fonctionnaires, un régime aussi nouveau qu'original. Il est venu là avec l'idée précon çue qu'on l'attendait comme une manière de Messie administratif, pour mettre la raison un peuple de chefs de bureau, jusqu'ici volontaires et indépendants. Cette mission de caporal schlague providentiel, il l'a acceptée et il la remplit. Ça a été longtemps, dans les milieux conservateurs, une tactique que de critiquer ce qu'on appelait les allures de quelques-uns des ministres libéraux de l'ancien cabinet, insuffisamment talons-rou ges on opposait leur manière simple, pratique, bon enfant, de traiter les affaires et de recevoir les gens, les grâces doucereuses, les manières exquises, les con fitures et les minauderies de faux bonshommes dont MM. Beernaert, de Chimay, De Bruyn, Lejeune acca blent solliciteurs et subordonnés. M. De Burlet s'y est pris autrement. Après d'inutiles efforts pour plier son naturel aux évolutions savam ment hypocrites de ses collègues, il a repris son an cienne manière, sa manière maïeur de Nivelles, hau taine mal embouchée, violente et vulgaire. Aujourd'hui, le ministère de l'intérieur est dirigé, mené, comme il ne l'a jamais été. A ses directeurs généraux, M. De Burlet reproche devant témoins de ne pas arriver l'heure réglementaire ses chefs de division, il leS me nace de révocation pour s'ouvrir l'appétit quant ses chefs de bureaux, ils déclarent que depuis M. Bruno Kervyn de Lettenhove qui a aujourd'hui retrouvé l'àme de Gilles li Muisis dans les ténèbres extérieures ils n'ont pas souvenance d'une porte de prison de manières aussi particulières que M. De Burlet. Les per sonnes se présentant aux audiences publiques, si nom breuses sous le principatde M. Thonissen, vieille mais douce bedolle, ont elles-mêmes apprécié leurs dépens les inimitables grâces du porc-épic de la Dodaine, et le nombre des requérants a ainsi notablement diminué. Nous ne pouvons que nous féliciter de la politique dauu- bienne de M. De Burlet. Nouvelle démonstration de cette vérité trop peu méditée, que sous le régime de la plupart des politiciens cléricaux, il y a un rustre qui sommeille. M. Mélot, une bonne pâte; trop longtemps mitonnée dans sa soupière namuroise, était blond. M. De Burlet est grand, noir et sec. Il a le visage crispé de l'homme qui se brosse les dents, le nez tuberculeux d'un abbé napolitain, l'élégance frelatée d'un monsieur en demi toilette qui vient de la province se faire habiller la Belle-Jardinière. Des tendances certaines, évidentes, une maladie de foie. Aussi, chez lui, cet organe sé créteur a une importance énorme. Selon que ses hypo- condres s'affectent ou se dégagent, M. De Burlet, in strument docile, s'excite ou s'apaise. Esclave de sa bile, soumis son fiel, tantôt il résiste aux objurga tions de M. Woeste, tantôt il supprime cinquante trai tements d'attente avant son déjeuner. Nous sommes aujourd'hui la merci du pancréas de M. De Burlet, et l'huile de foie de Burlet deviendra un jour un pro duit pharmaceutique de rang distingué. Comme orateur, M. De Burlet ne fait pas mal entre M. Tack et M. Reynaert. Il ferait même oublier aisé ment M. Raemdonck qui fut stagiaire de M. Bau- sart n'était le crin-crin très désagréable, la sour dine en anche de hautbois, aquilin autant que turges cent, et qui accompagne avec énergie et persistance, la fanfare de son maître. Cette criarde chanson nivel- loise nous rappelle ces crépitements produits l'automne sur la terre durcie toute couverte de gousses qu'on écrase, ou ces cris, longs et lugubres, que poussent au printemps les vieux éperviers en mal d'amour, lorsque, allanguis et désespérés, ils décrivent leurs éternels cir cuits au-dessus des grands bois de nos Ardennes. C'est aussi, par une comparaison plus simple, la pie-grièche commune. M. De Burlet a déjà eu divers incidents dans sa car rière accidentée. Né en 1844, il se fit élire conseiller communal Nivelles en 1872, renversa l'administra tion que présidait M. Paradis et fut nommé bourgmes tre par M. Delcour, en septembre 1872. C'est pen dant cette période qu'il lança les ukases qui lui assurent une place éminente parmi les meilleurs grotesques manifestés depuis 1830 allongement du pantalon des écuyères, (1) rétablissement de la censure préalable pour les pièces de théâtre jouer Nivelles, ferme tures des cafés 10 heures. En cette même année, 1872, il se présenta aux élections provinciales pre mier pantalon. En 1880, il tàta d'une candidature par lementaire: deuxième pantalon. En mai 1884, il essaya d'une candidature provinciale Jodoigne troisième pantalon. Enfin, en juiu 1884, avec un programme qu'il faut retenir, et grâce l'escroquerie électorale générale, il arriva la Chambre. Dans une déclaration politique du 3 juin 1884, M. De Burlet condamnait les projets sur la réstrve nationale et annonçait aux agri culteurs nivellois que, s'il était nommé, il prenait l'en gagement de proposer immédiatement le rétablisse ment d'un droit modéré l'entrée des grains. Anti militariste, protectionniste, M. De Burlet fait vraiment réjouissante figure côté de M. Beernaert, le libre- échangiste double échappement et le militariste deux fins. En juin 1888, M. llenricot se chargea de rendre M. De Burlet ses études de chorégraphie comparée. N'oublions pas que le ministre actuel a été condamné en janvier 1884 cent francs d'amende pour violation du décret de prairial sur les inhumations qu'il fut, de 1880 1884, le président de la fameuse Ligue nationale pour le redressement des griefs qu'en 1886, après les sermons de Nivelles d'un prédicateur étranger qui avait signalé les dangers que les bosquets (1) Voici, en quelques mots, et ad perpetuam memoriam, l'histoire exacte du Pantalon. C'était en 1872. Un cir que dirigé par MM. Lalanne et Bourgeois s'était installé Nivelles sur le champ de foire qui se tient en octobre. Ce cirque comptait plusieurs écuyères, assez court-vêtues selon l'ordonnance et les nécessités de leur profession, mais sans rien de choquant ou d'extraordinaire. Un beau jour, les directeurs du cirque reçurent du bourgmestre l'ordre de revêtir leurs écuyères et acrobates de larges pan talons en molleton blanc, descendant jusqu'au dessous du genou. Ce que MM. Lalanne et Bourgeois s'empressèrent de faire pour ne pas quitter Nivelles, une ville excellente pour les cirques, paraît-il. Depuis, bien des cirques se sont installés sur les bords de la Dodaine. Jamais plus, M. Pantalon n'a osé récidiver et renouveler son exhilarant ukase. de la Dodaine pouvaient présenter pour la morale pu blique, M. De Burlet fit détail peu connu éclair- cir ou raser les taillis ombreux qui couvraient les bords de la gentille rivière dans la traversée du Parc. Gran diose n'est-il pas vrai Malgré ces signes non équivoques d'un cléricalisme quatre-vingts degrés Réaumur, il a toujours existé, entre les politiques du douar De Burlet et M. Woeste, une singulière antipathie que les discussions sur le fa meux crédit réclamé par le député d'Alost en faveur des écoles libres adoptables ont mis cette semaine en core en évidence. C'est M. Woeste qui, en juin 1884, a empêché feu M. Alexandre De Burlet, avocat Bru xelles, de figurer sur la liste clérico-indépendante c'est aussi M Woeste qui a imposé M. Mélot comme ministre de l'intérieur, lorsque M. Devolder, ayant été évacué la Société Générale, M. Beernaert voulait déjà s'adjoindre l'ancien député de Nivelles. Nous devons ajouter que les De Burlet se sont arrangés de manière se venger assez agréablement de M. Woeste. Grâce leur influence aux chemins de fer vicinaux, le dépu té d'Alost se voit refuser depuis longtemps sa ligne vicinale de Schepdael vers Ninove qu'il réclame tous les échos d'alentour. C'est aussi feu M A. De Burlet qui, souvent aidé de la prose fraternelle du ministre actuel, a taillé quelques bonnes croupières l'Eminen- ce verte dans le Progrèsl'ancien organe clérical-indé pendant de Bruxelles. Rappelons ces lignes énergiques qui démasquaient, en avril 1887, les sourdes et peu propres manigances du député d'Alost dans l'affaire De Malander. Parlant de la démission donnée alors par M. Devolder de son mandatée député d'Audenaerde, M. De Burlet disait dans le Progrès Le ministre qui avait commis une faute, l'a rachetée. C'est oublié il sort grandi, cet honnête homme, du piège tendu sa bonne foi, et, certes, on ne F y reprendra plus. Un peu faible et terne jusqu'ici, le voilà rendu l'énergie, lui-même, et nous ne conseillons plus M. Woeste de s'y frotter. Fini, M Woeste, le temps des collabo rations et des tutelles trop chèrement payées Cette masse puissante et flottante qui a fait 1884, est fidèle encore un ministère qu'elle sait prudent et loyal, et elle le soutiendra contre tous les genres de conspira tions d'aujourd'hui et de demain. Ce sont ces articles et ces t pieds dans le plat que M. Woeste n'a pas encore oubliés et pardonnés. M. De Burlet est-il de Burlet ou Burlet tout court, comme M. Thomas ou M. Gribouille Question qui n'a d'autre importance, que de prendre une fois de plus les cléricaux en flagrant délit de vanité notoire, Dans la Liste des titres de noblesse, chevalerie et autres marques d'honneur, accordées par les souverains des Pays-Bas, de 1659 1792 et publiées chez l'édi teur Ermens, Bruxelles, en 1784, nous lisons le passage suivant Lettres patentes de noblesse avec couronne sur l'heaume et supports, en faveur de Lambert Burlet, avocat au grand Conseil, expédiées le 15 aviil 1763. En 1852, Gérard-Antoine-Joseph Burletfils du précédent, obtint du Roi Léopoll 1er, reconnaissance de noblesse, toujours avec heaume et supports. Le père ou ministre de l'intérieur actuel, Joseph-Dieudonné-Villars Burletné Perwez en 1811, décédé Nivelles en 1879, avait épousé Ixel- les, en 1840, M11® Louise Dugniolle. M. Joseph Burlet était agent de la Banque nationale Nivelles. Il eut pour fils aîné feu Alexandre-Louis-Villars de Burlet avocat, qui épousa la fille de M. Smoldqrs, député de Louvain. Ses trois autres fils furent M. de Burlet, in génieur, aujourd'hui directeur de la Société des chemins de fer vicinaux, qui a épousé M11® Nopener, fille d'un notaire de Saint-Gérard M. Paul de Burletdocteur en droit, qui a épousé M11® de Noidans-Calf enfin M. Jules de Burlet, le ministre, né Ixelles en 1844. Il épousa en premières noces M11® Julia Van Put, fille de l'ancien bourgmestre d'Anvers et, en secondes noces M11® Verhaegen, petite-fille du fondateur de l'université libre de Bruxelles. Il eut du premier lit trois fils et une fille, et du second mariage deux filles et un fils, ce dernier né en 1886. Jusqu'en 1881, tout ce monde, avec heaume et supports, s'appelle Burlet tout court. Depuis, le de aux allusions nobiliaires fait son appari tion. Dans cetintervalle, M. Jules et les siens, auraient- ils obtenu d'ajouter leur nom, très prolétaire, très gnouf-gnouf. cette petite particule qui ne fait de tort personne? Celanous est bien égal, puisqu'il y a toujours le heaume et les supports. Mais ce serait assez inté ressant savoir tout de même. Pour terminer, la suggestive petite liste des places et prébendes que M. De Burlet a fait allouer aux goé lands de sa famille qui, depuis 1884, ont plongé vers le budget. Feu son frère Alexandre fut nommé avocat au département des chemins de fer un autre l'ingénieur est devenu directeur général des vicinaux son beau-frère, M. Paul Verhagen, après avoir été secré- t aire-volant aux ministères de l'agriculture et des finan-

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Le Progrès (1841-1914) | 1892 | | pagina 2