52e ANNÉE.
15 Mars 1892
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
La nécessité d'amoindrir la
majorité cléricale.
CULTURE MARAÎCHÈRE.
Silhouettes parlementaires.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Ypres, le 12 Mars 1892.
Quel sera le résultat des prochaines élections
législatives Le corps électoral actuel va-t-il
renvoyer aux Chambres les catholiques avec
une écrasante majorité
Si nos maîtres ont les deux tiers des voix, ils
feront la revision de la Constitutionà leur guise,
c'est-à-dire exclusivement anti-libérale.
Que les électeurs ne l'oublient pas.
Les cléricaux commettront des abus de pou
voir et pousseront le pays aux extrêmes. Leur
intolérance suscitera les haines et les mécon
tentements, et un parti républicain ou plutôt
annexionniste, ne tardera pas se faire jour.
Il importe donc que lee censitaires, les gens
d'ordre réfléchissent et tâchent, par leur vote
intelligent d'amoindrir la majorité cléricale.
S'ils sont assez nombreux pour faire la revi
sion, comme ils l'entendent, il va de soi que le
système de l'occupation présenté par M. De
Smel, prévaudra. On sait que cette formule
électorale sera la mort du parti libéral, c'est-à-
dire la prépondérance absolue d'un parti sur
l'autre, ce qui sera un danger grave pour le
pays.
De tous les systèmes électoraux, celui-ci est
le plus détestable et le pire de tous notre pre
mier effort doit avoir pour but de l'écarter.
Et pour l'écarter, il faut envoyer aux Chant
bres constituantes le plus de libéraux possible,
au moins le tiers des membres avec une bonne
reserve.
Pour tout esprit sensé et de bonne foi, cela est
d'une évidence flagrante.
Au fond, il ne s'agit même pas de la question
du clérical et du libéral, que des hommes peu
clairvoyants estiment usee et vieillie il s'agit
de ne point compromettre tout notre édifice po
litique, l'ordre et la paix intérieure, et autre
chose encore peut être pour cela, il faut em
pêcher un parti de faire une constitution de
parti.
Voilà la question primordiale.
Et ceux-là seuls qui n'ont point le souci du
maintien de nos institutions, que les soulève
ments possibles du sentiment public n inquiè
tent pas, ceux-là seuls peuvent nier que le
premier devoir des libéraux doit être de rendre
impossible 1 adoption par les chambres consti
tuantes, du système de loccupation.
Quel est le second devoir des libéraux.
C est celui d'envoyer au Parlementconslituant
des hommescapableset loyaux, qui se rallieront
tel système qu'en âme et conscience ils esti
meront être le meilleur de notre pays.
De préférence, évidemment, ceux de ces
hommes qui leur paraissent le plus près de la
vérité politique.
Mais sans intransigeance, ni égoïsme, ni pré
tention d'aucune part.
Le souhait serait qu'on pût a lier au scrutin,
au mois de juin, avec une liste entière de can
didats ralliés au suffrage universel, parce que
l'homogénéité môme de cette liste prouverait
que le parti libéral tout entier serait en com
munauté d'idées sur la revision.
M. ALPHONSE NOTHOMB.
l\° 21. Dimanche,
LE PROG
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et 2, rue de l'Enseignement, Bruxelles.
FEUILLETON.
Dans toutes les voies du perfectionnement, tant matériel
que moral, celui qui n'avance pas recule.
La chose est facile comprendre.
Le progrès est comparable h un courant qui emporte les
humains. Celui qui résiste au courant ou laisse sa nacelle
amarrée la rive, se laisse distancer par tous ceux qui
l'accompagnaient ou suivaient.
Or, est-iI besoin de le dire le progrès s'étend
toutes les branches de l'activité humaine et aujourd'hui
plus que jamais il marche pas de géant.
De plus, la facilité toujours croissante des communica
tions ne cesse d'augmenter la valeur pratique des progrès
réalisés, principalement pour les progrès accomplis dans
toutes les industries de production.
A la tête des industries vient se placer l'agriculture,
dont la culture maraîchère est la jeune sœur.
Par ces temps de crise que traverse l'agriculture, l'on a
pensé, bon droit, que la culture maraîchère, pratiquée
en vue de l'exportation, apporterait un puissant secours
nos cultivateurs pour les aider traverser cette crise si
persistante et qui ne semble pas près de finir.
Un Aristide clérical mus est doue né. Leçon éternelle
et, vivante des grands et des petits, impeccable modèle
des générations venir, il se dresse, malgré l'affaisse
ment des caractères cliché numéro dix au milieu
de nous avec la superbe de l'obélisque de Victoria Em-
bankment.
Quand nous avions le Cid et Bernard, ces géants
De l'Espagne et du mondé allaient par les Gastilles
Honorant les vieillards et protégeant les filles.
C'étaientdes hommes forts et qui trouvaient moins lourds
Leur fer et leur acier, que vous votre velours.
i Placé au sein de celte riche terre de Flandre, appelée
jadis le grenier de la Belgique t. aux portes même des
grands centres industriels du nord de la France, directe
ment relié l'Angleterre avec ses immenses débouchés,
tels que les marchés de Londres, l'Arrondissement d'Ypres
semble particulièrement appelé recourir ce puissant
auxiliaire de l'agriculture, qu'on appelle la culture ma
raîchère.
Et pourtant, il faut bien le dire, nous sommes loin d'en
être là. Bien au contraire, nous sommes tributaires, pour
les produits maraîchers, de divers centres horticoles de
Belgique et de l'étranger.
Et cela .non-seulement pour les légumes de primeur,
mais môme pour les produits de saison dont un certain
nombre exceptionnellement, il est vrai, nous font
partiellement défaut.
Loin donc de pouvoir songer alimenter les marchés
étrangers, nous ne parvenons pas même alimenter le
nôtre, principalement en ce qui coucerne les primeurs et
les légumes de choix.
C'est une première constatation que nous tenions
faire.
En second lieu, il ne faut pas perdre de vue que pour
pouvoir songer une exportation plus ou moins éloignée,
il faut pouvoir produire d'autant meilleur compte que le
débouché est plus distant ou plus couru, ou bien s'arran
ger de façon s'assurer sur les marchés étrangers la fa-
l.e Cid et Bernard, dont les- exemplaires se faisaient
rares, sont ressuscites cette semaine, en Brabant,
Bruxelles, en la personne de M. Alphonse Nothoinb,
un Ruy Gomez qui, au lieu d'aller Zamora, a cru
pendant longtemps plus simple de passer la caisse de
M. Langrand-Dumonceau. Ce père des Gracques en
disponibilité, aujourd'hui ennuyeux, sépulcral et raseur,
a subitement trouvé une note nouvelle et de l'emploi
pour ses vieux jours. II est devenu l'homme-bronze,
l'Aristide clérical. Jusqu'ici, il faisait partie la Cham
bre de ce groupe spécial de droitiers ébréehés, piqués
des vers, dangereux et compromettants, où MM. Core-
mans, feu Delaet, Beeckman, De Malander, De Decker
l'huilier jouaient les premiers rôles, que les ci
seaux, les pots-de-vin, les teinturiers de Eenaix et le
négoce leur ont réservés. On a eu beau endosser M.
Nothomb l'habit brodé de ministre d'Etat, le charger
de la spécialité des oraisons funèbres parlementaires,
le nommer président du Cercle catholique de Bruxel
les on lui apercevait toujours une marque qui rappe
lait les mystères aujourd'hui oubliés du Crédit foncier
international, du Vindobona, de Tour-et-Taxis et au
tres inventions de la vaste usine d'escroqueries fondée
par les cléricaux de la précédente génération.
Dans le parti conservateur, depuis ces temps funes
tes, M. Nothomb a toujours eu une situation embar
rassée. On le sentait oiseau de mauvais augure on lui
en voulait de ne pas se retirer Pétange pour chasser
le sanglier, et en même temps, on regrettait de ne pou
voir utiliser sa grande et vive intelligence, ses dons
aussi précieux que rares. Le scrutin de juin 1884 avait
été un commencement de restauration, de nettoyage
pour lui. Il s'était réacclimaté-avec le mouvement par
lementaire il lui avait été permis de parler au nom de
son parti, de rentrer un peu dans le train-train des
honnêtes gens. Mais cette marque, ce sigue dont nous
parlions tantôt se voyait toujours, et ce Taciturne
désabusé semblait encore enveloppé de cette brume
spéciale ceux pour qui les bilans de société anonyme
n'ont pas été secourables. Les temps troublés, révision
nistes, héroïques que nous traversons ont semblé lui
offrir uneoccasion exceptionnelle pour frapper un grand
coup, un coup cornélien, qui émut les populations récal
citrantes et lui valût de définitives lettres d'amnistie.
Et, de même que sa nomination au ministère de la jus
tice a paru M. Lejeune une réhabilitation heureuse,
après des incidents aussi désagréables que retentissants,
veur du public par la supériorité des produits qu'on lui
présente.
Sommes-nous dans ces conditions de succès Personne
ne le soutiendra.
Certes, un certain nombre de débouchés, et des plus
importants, nous sont accessibles sans frais disproportion
nés avec le bénéfice réalisable.
Mais précisément voilà le hic. Dans les conditions ac
tuelles, avec le peu d'importance de nos installations ma-
raîchères^ et surtout avec les procédés vicieux de culture
en usage ici, nous ne pouvons produire assez bon comp
te pour réaliser les bénéfices dont il s'agit.
Ce n'est pas cependant que notre sol manque de fertilité
nos légumes de saison les plus faciles culliver jouis
sent d'une excellente réputation ce n'est pas non plus
que cette fertilité soit coûteuse entretenir, grâce
l'importance de l'élevage, l'engrais naturel est ici très-
abondant que la main d'oeuvre soit trop chère, les
salaires des ouvriers agricoles sont peu élevés, et la famil
le du cultivateur, souvent nombreuse, fournit une grosse
part de la besogne que uos cultivateurs reculent de
vant la difficulté ou le travail, population laborieuse
par excellence, âpre au travail, persévérante dans ses ef
forts, elle est même de venir bout des entreprises les
plus vastes et les plus difficiles.
Qu'est-ce dont qui la retient ou qui paralyse ses efforts!
(A suivre).