i\° 31. Dimanche,
17 Avril 1892
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Un incident parlementaire
et un ministre... navré.
Chronique locale.
6 FRANCS PAR AN.
Ypres, le 16 Avril 1892.
Nous croyons devoir mettre sous les yeux de
nos lecteurs, d'après le texte du Compte rendu
analytique, l'incident provoqué dans la séance
de Mercredi par l'honorable M. Scoumanne
Tout cela n'est pas clair. (Etoile Belge.)
Non, assurément, cela n'est pas clair pas plus
que la fameuse affaire du retrait de notre batail
lon lors de nos dernières élections communales
de scandaleuse mémoire.
On nous demande, pour la troisième fois,
quand paraîtra le rapport de M. Breyne-Devos,
sur la crémation
Nous n'en savonB rien. Cependant nous ajou
tons que, si ce rapport se fait attendre, cela ne
nous étonne guère. Dans le camp clérical on
n'est pas très pressé quand il s'agit de rapports
et pour peu que M. Breyne-Devos s'inspire de
l'exemple de M. Desmet-de Naeyer, nous en
avons encore pour quelques mois attendre.
D'après ce qui transpire, M. Breyne-Devos
tient faire un historique complet de la ques
tion. Il est vrai, cela ne nous réjouit que tout
juste, car nous savons par expérience ce que
sont les faiseurs d'historiques; nous avons vu
des historiques d'un développement kilomé
trique et la question proprement dite traitée
en six lignes. Il en est en cela comme des let
tres, où le corps de lettre occupe un sixième
de page et tout le reste est occupé par le pos-
criptum, comme il est des dîners de deux plats
finissant en trois quarts d'heure, tandis que le
café avec le pousse-café Be prolonge bien avant
dans la nuit.
Mais enfin,puisque M. Breyne-Devos s'attache
avec une si belle ardeur l'historique de la cré
mation, il nous saura gré de lui venir en aide
par le petit bout de renseignement suivant dont
il pourra tirer son profit pour compléter son
travail qui ne saurait être trop riche en détails
variés.
C'est Tibulle qui parle, une vieille connaissan
ce de M. Breyne-Devos
o2e ANNÉE
LE PROG
ES
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
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m. scoumanne. En mars 1888, après le devis Tournay-
Brialmont, M. l'inspecteur-général du génie n'a t-il pas
écrit M. le ministre de la guerre Je sais que vous avez
trompé la Chambre... (Exclamations droite.) Pas volon
tairement
A droite Ah ah
m. scoumanne. Je sais que vous avez apporté la
Chambre des renseignements inexacts (nouvelles exclama
tions droite) et que les prix des dépenses seront dépassés.
Mais je me suis tu par patriotisme.
Je pose la question M. le ministre. (Bruit.)
m. le général pontus, ministre de la guerre. Vous pou
vez ne pas continuer. (Nouveau bruit.)
m woeste. Lisez la lettre.
m. scoumanne. Ce renseignement est-il exact (Le bruit
continue.)
m. le r.éxérai. pontus, ministre de la guerre. Vous n'a
vez pas le droit de poser des questions de ce genre. Le
renseignement est mensonger. (Applaudissements droite.)
m. eeman. Il sait bien ce qu'il apporte ici et il sait bien
pour qui il parle
m. scoumanne. M. le général Brialmont n'a-t-il pas pro
testé au moins contre les évaluations inférieures la réali
té que vous soumettiez la Chambre
m. woeste. Quelles évaluations
m. .scoumanne. Celle de 2 millions par fort, par exemple.
(Réclamations droite.) J'ai demandés'! l'on ne s'était pas
ou pour ne pas empêcher le vote de la Meuse.
m. de burlet, ministre de l'intérieur. Par patriotisme
m. scoumanne Soit
m. le général pontus, ministre delà guerre.Quelle mi
sérable défaite
m. scoumanne. On nous donne toute la correspondance
moins cette lettre. (Interruptions droite.)
m. woeste. Lisez la
m. scoumanne. Je demande si elle existe
A droite Lisez-la (bruit.)
m. le général pontus, ministre de la guerre. Non, elle
n'existe pas (Âh ah droite.J
m. scoumanne. Je ne comprends pas...
m. le général pontus, ministre de la guerre. Votre ren
seignement est mensonger. (Nouveaux applaudissements
droite.)
m. scoumanne. Donc, la lettre n'existe pas (Protes
tations sur les mêmes bancs).
m. eeman. Allez-vous recommencer le jeu de la lettre
de Nieter (Bruit.)
m. scoumanne. Oui ou non, la lettre existe-t-elle (Ex
clamations.)
m. woeste. Ne répondez pas, monsieur le ministre. (Le
bruit continue.)
m. le président. N'interrompez pas, messieurs, ou je
devrai vous rappeler l'ordre.
m. scoumanne. Il ne sera pas dit qu'on aura attaqué ici
un lieutenant général de l'armée belge sans qu'il se soit
trouvé quelqu'un pour le défendre, alors surtout que ceux
qui se sont abrités derrière son nom n'osent pas l'enten
dre Après tout ce qui a été dit son égard, le maintien
son poste de M. le général Brialmont est la fois votre
condamnation et sa justification (Très bien gauche.)
m. eeman. Quel pavé de l'Ours
m. scoumanne. Mais, encore une fois, je demande si la
lettre existe oui ou non '(Nouveau bruit droite
m. bara. La correspondance entière a-t-elle été produi
te?
m. scoumanne. Non, on ne l'a pas produite entière
(Protestations droite.,)
m. le général pontus, ministre de la guerre. Vous dites
ce qui n'est pas
m. scoumanne. Je parle d'une lettre de mars 1888, où
M. le général Brialmont disait qu'il sacrifiait sa réputation
d'ingénieur dans l'intérêt de la défense nationale, afin de
permettre le vote des fortifications.
m. le général pontus, ministre de la guerre. Non
m. bara. M. Ancion nous a dit tantôt que toute la cor-
respodance avait été produite et qu'il l'avait lue. Or, un
membre de l'opposition, M. Scoumanne, vient d'affirmer
qu'il va une lettre du mois de mars 1888 et qu'elle ne
figure pas au dossier... (Exclamations droite.,)
m. le général pontus, ministre de la guerre. M. Scou
manne n'a pas affirmé qu'elle existait il a demandé si
elle existait et je lui ai répandu catégoriquement Non
m. bara. M. Scoumannea dit qu'elle était connue de
toute l'armée il devait donc supposer qu'elle existait. Je
me place dans l'hypothèse où cette lettre existe...
m. eeman. On vous dit qu'elle n'existe pas.
m. bara. S'il existait une lettre, le gouvernement devait
la produire. Réclamer M. Scoumanne la lecture de cette
lettre, c'est absurde
m. de burlet, ministre de l'intérieur. Il en a cité des
termes...
m. bara. Donc elle existeJ (Brait.
m. eeman. C'est encore une fois la lettre de Nieter
m. bara. Nous devons donc admettre, sur la foi du gou
vernement et de la section centrale, que la correspondance
entière a été produite
m. le général pontus, ministre de la guerre. La lettre
n'existe pas
m. de rurlet, ministre de l'intérieur. C'est la dixième
fois que M. le général Pontus le dit.
m. bara. Dans le tumulte nous n'avons pas entendu
m. magis. On a parlé du renseignement et non pas de la
lettre (Le bruit persiste.
m. eeman. M. le ministre de la guerre s'est expliqué
deux fois de suite.
m. magis. Votre attitude est scandaleuse vous voulez
étouffer le débat.
m. le président. Veuillez donc cesser ces nombreuses
interruptions.
m. bara. Il est donc établi que la lettre dont a parlé M.
Scoumanne n'existe pas et il est acquis aussi que la Cham
bre a eu toute la correspondance.
Chez les Romains, lorsqu'un malade avoit rendu
les derniers soupirs, et que les plus proches parens lui
a voient fermé les yeux, tous ceux qui étoient dans la
maison appeloient plusieurs fois le défunt par son nom,
et haute voix. C'étoit, sans doute, un adieu qu'ils lui
faisoient car il n'est pas probable que cette cérémonie
fût établie, comme le disent quelques Auteurs, pour le
réveiller, en cas qu'il fût simplement en léthargie ce
moyen eût été insuffisant et inutile. Quoi qu'il en soit,
le mort ne répondant point, on le lavoit avec de l'eau
chaude, on le parfumoit, et on lui mettoit uue robe
blanche. Dans cet état, on le plaçoit sur le seuil de la
porte, les pieds tournés du côté de la rue, et, en signe
de deuil, on plantoit un cyprès auprès de la maison.
Le mort restoit ainsi exposé l'espace de sept jours,
pendant que les parens alloient dans le Temple de la
Déesse Libitine acheter toutes les choses nécessaires
aux funérailles. Les sept jours étant accomplis, le corps
étoit porté au bûcher, si le défunt avoit demandé d'être
brûlé, ou bien au lieu de la sépulture, s'il avoit désiré
d'être enterré.
Le convoi marchoit en cet ordre Un Joueur de
flûte précédoit le cercueil, faisant entendre des airs
lugubres, auxquels il mêloit quelquefois les louanges du
défunt. Le mort paroissoit ensuite, porté dans un cer
cueil découvert par ses parens, ou par de certaines
gens, qui faisoient ce métier, et qu'on appelloit Vespil-
lones. Si le défunt étoit de grande distinction, recom-
mandable par les charges qu'il avoit occupés et par les
secours qu'il avoit rendus la patrie, les Sénateurs et
les Magistrats lui rendoient eux-mêmes ce devoir. Il
étoit placé sur un lit orné d'un drap de pourpre, et Ton
portoit devant lui les marques de sa dignité, les dé
pouilles qu'il avoit remportées sur l'ennemi, les images
de ses ancêtres en cire, en un mot tous les monuments
de sa gloire. Ses affranchis suivoient le lit funèbre,
portant le bonnet qu'ils avoient reçu arec la liberté
venoient ensuite les parens et les amis du défunt. Ses
fils avoient la tête couverte d'un voile. Ses filles avoient
la tête nue, les cheveux épars, et portoient des robes
blanches.
Au rapport de Plutarque, des Pleureuses gagées
faisoient retenir les airs de leurs lamentations. Le con
voi s'arrêtoit sur la grande place de Rome, si le défunt
étoit une personne de distinction, et, là, un de ses
parens prononçoit l'éloge funèbre après quoi, Ton
continuoit la marche jusqu'au bûcher. On y plaçoit le
corps, on Tarrosoit de liqueurs précieuses, et on avoit
soin de lui mettre dans la bouche une pièce de monnoie
qu'il devoit donner Caron pour le paiement de son
passage. Ensuite les plus proches parens tenant der
rière eux un flambeau, et tournant le dos au bûcher, y
metfoient le feu. Lorsque la flamme commençoit
s'élever, ils y jettoient les habits, les armes da défunt,
enfin tout ce qui lui avoit été cher pendant la vie. Le
corps étant brûlé, on renfermoit soigneusement dans
une urne ses cendres et ses os, après les avoir lavés