Supplément au journal LE PROGRÈS, du 20 Septembre 1892. Inauguration du monument Vandenpeereboom Nous donnons ci-après les trois discours qui ont été prononcés, Dimanche dernier, l'occa sion de l'inauguration du monument Vanden peereboom. Discours de M. l'avocat Bossaert, Président de la Commission organisatrice du monument Vandenpeereboom. Il y aura tantôt neuf ans que, dans une fête mémorable, nous célébrions l'apparition du sep tième et dernier volume des Ypriana. Ce fut, il vous en souvient, une touchante manifestation de sympathie, de gratitude et de respect une ovation peu commune, laquelle prirent part tous les habitants de la cité quels que fussent leur rang et leur opinion politi que. Le vénérable auteur avait dépassé alors les soixante et onze ans il avait beaucoup vieilli aux travaux des dernières années, et il était devenu visible pour tous que la mort aurait bientôt raison de cette nature jadis si vivante et si robuste. x L'heure fatale ne tarda guère, en effet, sonner, et, aujourd'hui, l'homme éminent, si acclamé en 1883, repose depuis huit ans dans la paix du tombeau. Se3 funérailles, comme sa vie, ont été sim ples. Nul apparat ne les a accompagnées, et aucun discours n'a rappelé, pour en faire un texte de suprêmes éloges, les labeurs de cette existence si remplie et les services considérables rendus la chose publique. Ainsi, du reste,l'avait expressément ordonné le défunt soit qu'il ait écouté un sentiment de modestie qui fesait le fond de sa nature soit que, chrétien sincère et fervent, il n'ait point voulu qu'au moment suprême du passage de son âme de ce monde dans l'autre, les jugements des hommes vinssent 6e mêler au jugement de Dieu. x Mais ses nombreux amis, réduits ainsi un douloureux silence, ont cru devoir traduire leur attachement sa mémoire par un monument nouveau, qui, exposé aux regards du public, rappelât sans cesse aux générations futures, avec la reconnaissance des contemporains, tous les mérites du grand citoyen défunt et tous ses titres la gratitude de la postérité. Les villes comme les peuples s'honorent en honorant le souvenir de ceux qui les ont géné reusement servies et glorifiées. x Juste récompense pour ces hommes d'élite disparus, c'est la fois, pour ceux qui viennent après eux, une sollicitation permanente s'inspi rer de leur exemple, imiter leur dévouement et prendre leur rang dans la lutte pour le Bien. x Personne ne contestera qu'il ait été un des enfants les plus remarquables et les plus méri tants parmi tous ceux que la ville d'ipres a vus naître. Et pour nous qui avons été les témoins constants de sa vie, c'est, peine s'il est besoin de remémorer les grands et nombreux titres qu'il s'est acquis la reconnaissance et la vé- Jfération de tous les Yprois. x Né en 1800 douze, VANDENPEEREBOOM avait dix-huit ans quand éclata notre révolu tion. Il allait entrer dans sa jeunesse quand le pays entra dans son indépendance et, âme ouverte tous les nobles sentiments, il garda, ineffaçable et vivante, l'impression des idées de liberté, de tolérance et d'union qui, cette épo que mémorable, enflammèrent les esprits et les cœurs. x Placé dans de3 conditions de fortune et de liberté qui lui eussent permis de se ménager son gré une existence agréable et facile de ne prendre de la vie que ses aises et ses plaisirs Alphonse VANDENPEEREBOOM a préféré, dès la première heure, renoncer pour ainsi dire lui-même et se consacrer tout entier, sur le rude chemin du devoir, aux intérêts et au ser vice de ses concitoyens. C'est que, outre les don3 les plus précieux de l'intelligence, Dieu lui avait départi un cœur tout pétri de générosité et embrasé du plus profond amour pour sa ville natale. x Aimer la patrie et, plus spécialement, le clocher, n'est certes pas chose rare parmi le3 hommes. Mais, il faut le dire, ce sentiment ne se rencontre chez la plupart qu'à l'état latent, pour ne se manifester que dans les grandes oc casions aux jours de deuil aux moments de danger aux heures de triomphe. x Chez VANDENPEEREBOOM, il était con stamment en éveil et formait le principal, si pas le seul mobile de son incessante activité. x Comme il l'a dit lui-même dans cette tou chante allocution du 30 Septembre 1883 glo- x rifier la ville d'Ypres qu'il avait toujours x considérée et chérie l'égal d'une mère et se x dévouer au bonheur de ses concitoyens, ont été x la préoccupation permanente et la passion do- x minante de sa vie. x x A peine eut-il achevé de solides études aux Universités de Paris, Bologne et Louvain conquis le diplôme de docteur en droit et fait, au ministère qu'il devait diriger plus tard, un bout de stage administratif, que VANDENPEE REBOOM revint dans sa chère ville d'Ypres, et se mit, avec une ardeur passionnée, fouiller no3 vieilles archives et s'instruire de tout ce qui pouvait se rattacher l'origine, l'histoire et aux gloires de la cité. x Bien que son éducation eût été toute fran çaise, selon la mode ou la manie de l'époque, VANDENPEEREBOOM, né flamand, avait gar dé l'empreinte de la race. x Son caractère était flamand son esprit aussi l'un, franc, loyal, accueillant, familier, généreux l'autre, calme, réfléchi, pondéré, conciliant et juste. x Encore qu'il fût de son temps, il aimait au possible les choses du passé nos vieilles mœurs, nos vieilles coutumes, le vieil art, nos vieux monuments. Il n'aimait pas moins la vieille langue maternelle. x Bourgeois de haute allure, il savait frayer avec tous les rangs, depuis les plus élevés jus qu'aux plus humbles, marchant de pair avec les grands, se mêlant aux petits, sans déroger ja mais, ni compromettre, d'aucun côté, une dignité simple et aimable qui, chez lui, était aussi un don de naissance. x II avait, du reste, son ascendance morale et se rattachait en droite ligne ces fermes et in trépides magistrats, amis de la liberté, qui, aux siècles dont il a retracé l'histoire, défendirent si vaillamment les droits et élevèrent si haut le renom de la commune d'Ypres. x Un tel homme, peut-on dire, était lui- même né magistrat, prédestiné monter aux premières charges et occuper le premier rang. x Aussi ses concitoyens ne s'y trompèrent-ils point. Discernant bientôt ses aptitudes et ses mérites, ils l'envoyèrent siéger dans le Conseil de la ville où, la même aunée encore, il fût re vêtu des fonctions de premier échevin. x Quelques années plus tard, il fut élu Repré sentant la presque unanimité des voix de l'arrondissement. x Au moment de son entrée au Conseil, il y avait, tant dans l'ordre matériel que dans l'or dre moral, beaucoup et de grandes choses faire. x Le nouveau magistrat devint quasi de suite l'âme de l'Administration. Il mit partout la main l'œuvre et réalisa rapidement des amé liorations considérables dans toutes les branches des différents services. x Rien de tout ce qui pouvait contribuer la prospérité et l'honneur de la ville ne demeura étranger sa vive et profonde sollicitude. x Mais ce qui lui tenait le plus au cœur, ce fut, d'une part, l'enseignement populaire et, d'autre part, la restauration et la décoration de nos vieux monuments. x Comme tous les hommes vraiment généreux, VANDENPEEREBOOM aimait le peuple non de cet amour simulé et factice qui s'exhale en sonores et pompeuses paroles mais de cette affection sincère, vraie, profonde, qui se traduit par des actes de réel, visible et constant dé vouement. Tels, notamment, ce dévouement et cette affection apparurent durant les années cala- miteuses de 1845 1848, où l'ardente charité de l'homme privé et le zèle prévoyant du magistrat furent l'unisson pour préserver notre classe ouvrière de la terrible crise alimentaire qui sévit cette époque. Et comment., aussi, n'eut-il pas aimé, le peuple, lui, qui n'a point dédaigné d'en être issu Qui a tiré même quelque satisfaction, si pas quelque orgueil, d'être un des arrière petits- fils de ce maître chaudronnier qui, en 1692, façonna un nouveau dragon pour le beffroi des Halles Trait de caractère, bien propre, Mes sieurs, ajouter au mérite de l'homme et notre admiration pour lui x Aimant le peuple, VANDENPEEREBOOM devait vouloir son relèvement par l'instruction. Depuis le jour où je suis entré dans la vie pu- x blique, proféra-t-il dans son mémorable dis- x cours aux séances de la Chambre des 26 ot 27 x Mars 1868, j'ai toujours considéré la question x de l'enseignement populaire comme la plus x importante des questions résoudre sans re- x tard, x x Instruire les humbles n'est point œuvre mince et banale. x Ce n'est pas seulement leur apprendre lire, écrire et calculer c'est faire leur éducation dans le sens vrai et pratique du mot c'est les élever dans des idées d'ordre, d'épargne, de mo ralité surtout leur inculquer le sentiment de leurs devoirs correspondant aux droits des au tres les façonner, pour tout dire, une sérieuse et nécessaire discipline de vie sans laquelle l'in struction n'est, pour les pauvres comme pour les riches, qu'un instrument plus nuisible qu'utile et, en somme, qu'un dangereux et funeste pré sent. x Ainsi l'entendait le nouvel échevin tous ses efforts tendirent ce résultat et, grâce son im pulsion, notre ancienne Loye devint uno des meilleures écoles du pays, école d'où sont sortis d'innombrables artisans estimés et qui, pour beaucoup d'enfants du peuple, a été un point de départ vers des carrières plus relevées. x Une sollicitude semblable couvrit, comme on sait, l'Institution Royale de Messines dont, durant près d'un quart de siècle, notre ancien magistrat fut le Président paternel et adoré. x Et, noton3-le en passant, ce fut en grande partie ce généreux souci d'éducation et de mo- ralisation populaires qu'il dut cette popularité de bon aloi qui l'entoura sa vie entière et s'atta che encore sa mémoire. x A côté de la restauration de l'onseignement tous les degrés, VANDENPEEREBOOM pour suivit, avec une ardeur et une persévérance égales, la restauration et l'embellissement de nos'anciens monuments pour lesquels il profes sait un véritable culte, culte mi-parti d'amour passionné pour l'art et d'amour passionné pour la gloire de la cité. x Tout n'est pas fait, sans doute, dans cet or dre d'intérêt supérieur et, malheureusement, il est plus d'un travail considérable recommen cer. x Mais les imperfections et les mécomptes, dont l'ancien magistrat a souffert plus que per sonne, ne sauraient, pour une part si minime qu'elle soit, lui être reprochés. x La pleine responsabilité de3 déceptions s'en va d'autres. A lui seul reviennent, tout entiers, et l'honneur de l'entreprise et les magnifiques résultats obtenus. x Ceux de la génération actuelle, qui ne voient que ces résultats auxquels le regard s'habitue, ne se figurent point, ne peuvent se figurer, ce qu'il a fallu employer de persévérante volonté, rodiguer de dévouement, mettre en œuvre d'in- uence personnelle et de talent, pour en arriver réaliser ces réparations et ces embellissements qui ont étendu au loin la réputation artistique de notre ville. s Ce n'était point assez, en effet, des bonnes dispositions du Conseil communal pour y réus sir. Des travaux do cette importance dépassant les ressources des villes, il fallait obtenir l'aide du Gouvernement, lui-même dépendant de la Représentation nationale. x Or, au sein de celle-ci, s'était levée, comme beaucoup d'entre vous le savent, une forte op position contre l'œuvre des peintures murales. x C'est de haute lutte que les partisans de ce mode de glorification du passé par l'art durent emporter le succès de leur cause. x VANDENPEEREBOOM, notre dévoué Re présentant, prit une part brillante aux discus sions de la Chambre sur cet objet. Dans un discours prononcé le 25 Février 1862, il s'éleva aux considérations les plus hautes sur la mission de l'art pictural comme moyen d'instruire les Messieurs x Et qui, Messieurs, plus qu'ALPHONSE VAN DENPEEREBOOM, fut digne de cet hommage, de cet honneur posthume

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Le Progrès (1841-1914) | 1892 | | pagina 3