ASSOCIATION LIBÉRALE
AVIS TRÈS IMPORTANT.
i\° 88. Jeudi,
5 Novembre 1892
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Dimanche 6 Novembre 1892,
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
Le conflit des races.
L'AMOUR SILENCIEUX.
6 FRANCS PAR AN.
D'YPRES.
7 heures du soir,
au Café de ta BSourse^
RUE CARTON.
Revision du programme et du règlement.
Le Comité de l'Association libérale a l'hon
neur d'informer les intéressés que le cours de
préparation l'examen électoral s'ouvrira au
Café de la Bourse rue Carton, n° 19, le
LUNDI 7 NOVEMBRE 1892, 8 heures du soir.
Il engage vivement tous les jeunes gens, qui
ne possèdent pas encore le certificat, bien
vouloir se faire inscrire, en temps opportun,
chez M. A. Massclielein, rue Carton, n° 17, en
cette ville ou bien au nouveau local de l'Asso
ciation libérale, et suivre les leçons données
avec tout le zèle et la régularité possibles.
Ypres, le 2 Novembre 1892.
Un immense danger menace la nationalité
Belge il gît dans l'anlagonisme politique et la
complète opposition de mœurs, de tendances
et de doctrines qui divisent les Flamands et les
Wallons.
Un abîme sépare les deux races la juxtapo
sition desquelles la Belgique doit son existence.
I.
Abstraction faite du lirabant, les quatre pro
vinces du Nord forment un contraste analogue
celui qu'offraient jadis en France la Bretagne
et la Vendée.
L'origine de cette complète séparation, de
cette incurable division, est historique.
Au 16me siècle, c'est du côté de nos popula
tions Flamandes que se manifesta l'esprit d'in
dépendance et de progrès. Sans la mollesse de
nos provinces Wallonnes, la Belgique toute
entière eût victorieusement secoué le joug hon
teux de 1 Espagne.
Aujourd'hui, les rôles sont intervertis. C'est
du côté des Wallons que sont revenues la vita
lité et l'énergie c'est du côté des Flamands
que c'est accentuée, de jour en jour, la dégéné
rescence.
Comment expliquer le relèvement des uns et
l'abaissement des autres
Tandis que les prêtres Flamands traçaient un
cordon sanitaire et comme une muraille Chi
noise autour de leurs ouailles, pour les préser
ver du contacte d héresie Hollandaise, les Wal
lons, que la foi religiçusc ne séparait pas de
leurs congénères du Midi, participaient au vaste
mouvement d'idées qui entraînait la France
dans les voies du libéralisme.
La domination française ne fit qu'accentuer
cette situation.
Faut-il s'étonner, après cela, de la transfor
mation de nos campagnes Flamandes en une
Vendée Belge
Le terme n'a rien d'exagéré, si l'on lient
compte des résultats que voici
1) Plus d'administrations libérales, si ce n'est
dans quelques centres importants, Cand, An
vers, Ostende, Hassell.
2) Plus de conseils provinciaux libéraux
pas un députe libéral au conseil du Limbourg
quatre libéraux sur quatre-vingts dans le con
seil de la Flandre-Occidentale.
3) Sauf la députation d Ostende, plus de re
présentants libéraux Flamands dans les conseils
de la nation.
Quel contraste avec ce qui se passe et se con
state du côté des Wallons
Les communes libérales ne s'y comptent pas.
Deux conseils provinciaux, Liege et Hainaut,
sont libéraux aux trois-quarls dans les deux
autres, Luxembourg et Namur, des minorités
libérales importantes sont fournies autant par
les campagnes que par les villes. La députation
de la Wallonnie la Chambre compte 37 libé
raux contre 15 catholiques.
Sur le terrain de l'enseignement, quelle sai
sissante diversité entre nos deux tronçons na
tionaux
Les écoles primaires communales sont deux
fois plus nombreuses en Wallonnie qu'en Flan
dre, les écoles d'adultes huit fois, et les écoles
adoptées y sont d'un tiers en moins. Au 31 Dé
cembre 1888, la Flandre Orientale et la provin
ce de Liège, dont la population est numérique
ment la même, comptaient respectivement
28600 et 79000 élèves primaires. Le Limbourg,
qui compte 6,000 habitants de plus que le Lu
xembourg, avait 3086 élèves en moins. Quant
aux adultes, les quatre provinces méridionales
en opposaient 3777 aux 13000 des septentriona
les.
Partout s'affirme la supériorité intellectuelle
et morale du paysan Wallon sur le paysan Fla
mand.
Et cependant, c'est le paysan Flamand qui,
aujourd'hui règne en maître sur le pays. Les
bataillons ruraux, dans tout le pays Flamand,
étouffent le verdict électoral des villes et rédui
sent le libéralisme urbain l'impuissance et au
ANNÉE.
LE PROGRÈS
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
TIRES ACQUIRIT ECNDO.
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour le restant du pays7-00.
tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20.
INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25
Insertions Judiciaires la ligne, un franc.
Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Procrés Pour
le restant de la Belgique et de l'Etranger 1'Agence Rossel, 44, rue de la Madeleine,
«t i, rue de l'Enseignement, Bruxelles.
ORDRE DU JOUR
FEUILLETON.
II y a six ans, dans les environs delà place S'Sulpice.je
rencontrai un ami dont le costume, légèrement apprêté,
et l'affairement solennel me révélèrent ou semblèrent me
révéler l'invité une corvée, l'homme qui a l'ennui d'un
enterrement, le supplice d'un baptême, ou la curiosité
d'un mariage.
En m'apercevant, il poussa un cri de joie, un de ces
cris auxquels on ne peut se méprendre, qui sont moins
l'explosion de l'amitié que le soulagement d'une délivrance.
Je pensais que je le lirais d'embarras, que je lui don
nais sans doute un prétexte de ne pas continuer son che
min.
Mais non après m'avoir serré la main, il m'entraîna.
Ah mon cher, que je suis heureux de te rencon
trer Tu viens avec moi Tu vas voir la chose la plus sin
gulière
Je m'étais trompé c'était non pas un libérateur, mais
un témoin qu'il rcgreltait et qu'il guettait.
II m'avoua qu'il allait assister un mariage.
le le questionnai il me donna des explications qui ne
faisaient pas pressennr l'intérêt prodigieux de la cérémo
nie.
Un jeune teneur de livres épousait une jeune ouvrière.
Ils étaient de famille honnête, de conduite sage, lui assez
bien, elle assez gentille. Il n'y avait rien là d'extraordi
naire.
Tu verras tu verras me disait mon ami en se frot
tant les mains, tu n'as jamais rien vu de pareil.
Nous arrivâmes la mairie et, dans la salle des maria
ges, mon ami me désigna la noce qui devait nous émou
voir.
Au premier aspect, il n'apparaissait rien de pittoresque,
d'imposant ou de ridicule.
La mariée, simplement vêtue de blanc, un peu pâle
seulement, non de malaise, ni de poudre de riz, mais de
recueillement, avait de grands yeux bien ouverts dont elle
se servait pour nous regarder, modestement d'ailleurs,
nous, la s.tlle, les assistants auxquels elle souriait.
Quant au futur, il était d'agréable et placide physiono
mie, avec des yeux très ouverts également, auxquels il
faisait faire la même manœuvre que sa financée
Comme ce couple-là regarde dis-je mon ami.
A la façon de leurs invités vois plutôt
En effet, je constatai ce phénomène étrange tous les
gens qui étaient là, silencieux et immobiles, avaieDt des
regards qui élincelaient.
Est-ce que ce sont des magnétiseurs demandai-je.
Mon ami eut un rire aux éclats qu'il ne modéra pas,
mais qui ne fil pas faire un mouvement la famille, aux
invités et au couple lui-même.
Seul, le garçon de la mairie parut scandalisé il ne se
contenta pas d'un geste de réprimande, et il ajouta haute
voix
Ah Messieurs ce n'est pas bien.
On aurait dit que ma question et le rire qui lui avait
répondu étaient une double ofTensc, dont les intéressés
d'ailleurs, ne s'offensaient pas.
IL
M. le Maire
Le magistrat qui fait les unions et dont la conscience,
sinon la besogne, est si allégée depuis le divorce, fit son
entrée, majestueux, traversé de son écharpe. On dépêcha
les formalités. Je remarquai que M. le Maire mit une cer
taine lenteur, une précision particulière lire, d'une voix
forte, les articles injurieux du Code civil qui asservissent
la femme et qui mettent en doute la sincérité, la bonne
volonté, la délicatesse de l'homme.
Les époux, aux questions posées, répondirent chacun
leur tour, d'une voix qui m'étonna beaucoup, qui était
fort distincte, sans sonorité ils dirent Oui peu près
comme une poupée dit Papa, maman.
Le mystère commençait.
Je m'adressai une dame, qui était côté de moi, i
droite, et poliment, gracieusement, je lui demandai