55e ANNÉE.
12 Janvier 1895.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Le taux différentiel.
L'armée.
La revision.
l\° 4. Jeudi,
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Le taux différentiel de l'habitation, qui joue
dans les propositions de M. Beernaert un rôle
si important, est l'une des plus merveilleuses
trouvailles du cléricalisme en travail, pour
maintenir sa suprématie et garder le pouvoir.
C'est de la rouerie politique poussée jusqu'au
génie, le génie de Machiavel, bien entendu,
mais ça ne prendra pas. Déjà, M. Frère-Orban,
au sein de la commission révisionniste, en a
fait justice, et M. Janson l'ayant combattue
son tour, cette disposition jésuitique ne réunira
pas le quorum nécessaire.
Elle est condamnée...
Comment M. Beernaert a-t-il pu supposer
sérieusement que des libéraux seraient capa
bles de l'accepter
C'était les croire alors décidés au suicide...
En départageant entre trois catégories, sui
vant la population, la valeur cadastrale des
maisons, le chef du cabinet répartissait avec
une flagrante injustice les sources de l'électorat
et s'elo'gnait, dans un esprit de parti coupable,
de la base même de son système.
Avec l'habitation, suivant les déclarations
des feuilles cléricales, il voulait accorder le
droit de vote tout citoyen ayant un foyer,
c'esl-à-dirc un gîte convenable excluant toute
idée de vagabondage et par ricochet d'anar-
chisme.
Grâce au taux différentiel et ses ruses de
chiffres, la législation proposée reconnaît
chaque paysan ce foyer, mais le refuse la
plupart des citadins, soit parce qu'ils habitent
une maison d un taux inférieur la valeur
légale, soit parce qu ils ne sont que les sous-
locataires d'une maison de rapport. Il mène,
comme nous l'avons déjà dit, au suffrage géné
ral des paysans, c est-à-dire injustice dans
la répartition du droit électoral, l'arbitraire
dans la confection des listes, la création d'un
{irivilègeen faveur de l'élément rural, afin de
avoriser surtout les paysans flamands.
Rien de plus partial, de mieux en rapport
avec l'esprit de parti.
Heureusement les cléricaux, désarmés, faute
des deux tiers, ne pourront pas nous imposer
ce diabolique taux différentiel. Il ira retrouver
l'ancien projet Malou et autres filouteries du
même acabit.
C'est grand dommage pour l'auteur de cette
jolie machine de guerre il l'avait soignée
avec de véritables tendresses de père. Et voilà
qu'il faut la remiser avant qu'elle n'ait fonc
tionné contre les libéraux. Triste I Plaignons
Onésiphore-Beernaert, cet inventeur dégommé,
et l auteur du brevet, M. de Smet-do Naeyer,
le rapporteur qui ne rapporte pas.
Le journal l'Escaut soutient mordicus son
système du volontariat pour recruter l'armée
belge.
Qu'on fasse un essai s'écrie—t—il. Mais on
ne le fera pas, parce qu'on aime singer les
grands voisins en jouant la puissance milt-
taire.
Qui donc, en Belgique, aime jouer la
puissance militaire? Personne
La Belgique a le devoir de faire régner l'or
dre chez elle et de défendre l'entrée du pays
un envahisseur, dût-elle être écrasée par le
nombre des ennemis.
Voilà tout Et c'est pour pouvoir se mettre
l'abri de dangers possibles que les militaris
tes demandent une armée nationale bien or
ganisée. Quand on n'est pas d humeur défen
dre le bien national, on n'est pas digne de le
posséder.
Est-ce que les Suisses sont des militaris
tes Jouent-ils la grande puissance en
armant tous les citoyens valides Est-ce que
leur nation armée n'a pas eu déjà l'occasion
de montrer qu'au besoin elle défendrait vigou
reusement le sol et les libertés suisses
Cette rengaine du volontariat n'a-t-elie pas
assez duré
Nous avons eu beau demander aux partisans
de ce système 1° quelle armée il donnerait
2° ce que cette armée coûterait il n'a pas été
possible d'obtenir une réponse claire et précise.
On s'est toujours contenté de considérations
vagues qui n'élucidaient rien du tout.
L'armée nationale, avec le service général,
serait une école de patriotisme pour nos jeunes
gens. Elle donnerait réfléchir aux envahis
seurs. Elle dégrossirait les paysans et les ou
vriers. Et notre industrie, notre agriculture, ne
souffriraient pas plus qu'en Allemagne, en
France et en Suisse parce que tous nos jeunes
gens seraient soldats pendant une année.
Le Patriote n'est pas précisément le plus
amène et le plus charitable des confrères mais
c'est égal je ne puis m'empècher de m atten
drir sur son sort.
Non seulement il n'est pas l'objet d'égards
bien respectueux de la part de la presse libé
rale, mais dans la presse cléricale mémo,
laquelle il appartient, on n'a pour lui que des
rebuffades méprisantes.
Le Journal de Bruxelles affecte de l'ignorer
le Tirailleur le bouscule le Courrier de
Bruxelles ne perd pas une occasion de l'acca
bler de ses dédains les plus blessants (il lui
disait carrément, lautre jour encore Vous
n'êtes qu'une boutique Et voici qu'à son
tour, l'Avenir socialorgane des jeunes catho
liques, patronnés par M. Nolhomb, lui décoche
des coups de pieds dans le derrière.
Le Patriote ayant blagué avec la finesse et la
légèreté qui lui sont coulumières le dernier
meeting de la Cour de Bruxellesprésidé par
M. Nothomb, IAvenir social riposte
Nous reconnaissons volontiers qu'en cette cir
constance, il a su se maintenir la hauteur de la
réputation de vulgarité et de sotte méchanceté
que ses antécédents lui ont justement méritée.
Etc.
L'atlrapade est dure, venant de coréligion-
naires
Le Patriote n'a qu'un seul admirateur dans
toute la presse catholique classée. C'est l'Ami de
l Ordre... Et encore I Chronique
L'an dernier, cette époque, dans un discours
officiel, le président de la Chambre des repré
sentants baptisait l'année 1892 en l'appelant
l'année de la revision.
L'année 1892 s'en est allée rejoindre ses
aînées, et la revision n'est encore qu ébauchée.
Depuis le jour où, sur l'affirmation qu'il fallait
reviser, les Chambres se sont dissoutes, la
question n'a pas fait un pas.
Il semble même que nous soyons plus éloi
gnés que jamais de cette solution simple, hon
nête, égalitaire et définitive, qui est dans les
vœux de tous les révisionnistes sincères.
Le Gouvernement, qui devrait avoir hâte
d'en finir, qui devrait prendre cœur de don
ner l opinion publique les satisfactions qu'elle
exige de plus en plus impérieusement, semble
animé du seul désir de ruser avec la revision
et de compromettre la grande réforme dont
l'heure a sonné.
Le voilà qui, après s'être complu en des len
teurs calculées et n avoir apporte au pays, au
lieu de solutions, que de perpétuels ajourne
ments, vient de répondre aux mises en de
meure de la nation par un véritable défi.
Car il nous est impossible de qualifier autre
ment lolla-podrida réactionnaire que, sous
prétexte de progrès démocratique, il vient de
soumettre aux délibérations du Parlement.
C'est une mixture de propriété, d'occupation
et de capacitariat où revivent tous les abus
dont la revision devait, semble-t-il, définitive
ment tarir la source le privilège foncier avec
ses injustices, le cens avec ses fraudes, l'examen
capacitaire avec ses difficultés pratiques.
Il nest pas jusqu'au cens différentiel des
villes et des campagnes, qui florissait avant
1848 et que le souffle démocratique d'alors
avait, irrésistiblement emporté, qui ne revive
dans le projet ministériel.
Le système de l'occupation, que tout le
monde pouvait croire définitivement aban
donné, y revit avec ses distinctions arbitraires,
ses présomptions mensongères et ses inextrica
bles complications.
Il y revit, considérablement renforcé dans
un sens aristocratique. Alors que le rapporteur
de la section centrale, M. De Smet de Naeyer,
accordait le droit de vote tous les habitants
des villes occupant un immeuble d'une valeur
de 2000 fr., M. Beernaert élève 2400 fr. ce
minimum.
LE PROGRÈS
tires acquir1t ecndo.
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour le restant du pays7-00.
tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20.
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le restant de la Belgique et de l'Etranger 1'Agence Kossel, 44, rue de la Madeleine,
et 2, rue de l'Enseignemenl, Bruxelles.
Ypbes, le 11 Janvier 1893.
Zwanze-Meeting C'est le mot du Patriote. Il
eût fallu ne pas connaître les habitudes du ro
quet de la rue Léopold pour lui demander une
appréciation loyale ou simplement décente.