27. Dimanche,
2 Avril 1893.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
La Revision.
En cas de troubles.
Aménités.
55e ANNÉE.
6 FRANCS PAR AN.
Enfin aboutirons-nous A lire les journaux, il
y a un désir unanime arriver une solution et
il semblerait que le noeud est près d'être défait,
et tout cela parce que M. Féron a déposé une
proposition au nom de la gauche extrême. Cette
proposition, en effet, est une concession la
quelle on ne se serait pas attendu il y a quelques
mois et qui prouve bien que l'intransigeance
n'est souvent pas aussi terrible qu'elle en a l'air,
et qu'il est avec elle, comme avec le ciel des
accommodements. Pour peu que l'intransi
geance de la droite se plie comme celle de la
gauche, et il n'en faudra plus beaucoup, pour
que l'entente s'établisse jusqu'au bout. Que
faut-il, maintenant que la gauche se contente de
25 ans d'âge et accorde la pluralité des votes,
que fasse la droite? Tout simplement qu'elle
abandonne le taux différentiel, et de cette ma
nière l'accord nous parait assuré, bien entendu
toute barrière absolue, au suffrage universel
étant supprimée, la loi électorale étant chargée
de réglementer les cas d'indignité.
On dit M. Beernaert assez disposé admettre
le vote plural. Nous n'en doutons pas et il est
trop malin pour ne pas s'y rallier. Et tous les ad
versaires du suffrage universel peuvent s'y rallier.
En effet que pourra le simple électeur, le petit,
l'électeur une voix, en présence de l'électeur
deux ou trois voix Si, comme on le dit, un
père de famille, aurait deux voix si, toujours
comme on le dit, un père de famille et en même
temps propriétaire d'une certaine catégorie, dis
posait de troix voix, cela ne serait-il pas de na
ture satisfaire les partisans obstinés de ce qu'ils
appellent le régime de l'ordre et de la paix Et
en quoi donc, ce nouveau régime électoral dé-
f>lacerait-il sensiblement les plateaux de la ba-
ance actuelle La majeure partie des nouveaux
électeurs, une voix, neutralisés par les molos
ses deux voix et presque complètement mis
au pied du mur par les mandarins trois voix,
cela pourrait-il encore effrayer les Frère et Neu-
jean? Et M. Woeste y verrait-il encore l'ordre
compromis, et tous les gros mots de danger
social, de démagogie, d'anarchisme et de socia
lisme, ne pourrait-on pas les reléguer daus le
troupeau des loups-garoux
Et tout le monde serait content, puisque les
Jansou et autres avancés s'en contentent, les
petits et les grands, les privilégiés et les non
privilégiés, les anciens et les nouveaux venus,
tous, tellement on a soif de sortir de l'impasse
où nous sommes et où l'on ne peut piétiner éter
nellement.
Et ce cadeau, vraiment royal, fait par
M. Féron aux droitiers, M. Beernaert trou
verait-il de la difficulté répondre par l'aban
don du taux différentiel Car, on ne saurait
s'en cacher, le taux différentiel, qu'est-ce
autre chose que la suprématie du rural sur
le citadin Et quand le chef du cabinet dit
que sans ce taux, les représentants seraient
gênés d'avouer leurs électeurs campagnards
que chacun d'eux ne vaut que le tiers d'un
électeur de ville, il nous prend tous pour
des gobe-mouches. En quoi,sans le taux différen
tiel, la situation respective des électeurs des
villes et de ceux de la campagne différerait- elle
de ce qu'elle est actuellement Est-ce que
maintenant on a le taux différentiel, et le rural
se considère-t-il comme ne valant que le tiers de
l'urbain? Trêve donc de ces mauvaises blagues
et cessons de nous leurrer de mots qui ne peu
vent trouver crédit que chez les avale-tout.
Et les circonscriptions électorales de M. Frère,
pourquoi ne les admettrait-on pas Peut-on
nier que les divisions, telles qu'elles existent,
soient mauvaises Grâce elles, les villes telles
que Gand, Anvers, essentiellement libérales,
n'ont pas l'ombre d'un représentant, et ce sont
les curés de campagne qui viennent les supplan
ter cela est-il juste, cela est-il rationnel? Et
nous-mêmes, et il n'y a pas d'immodestie
s'occuper de soi, pense-t-on que la justice soit
souverainement satisfaite de voir la ville
d'Ypres, essentiellement libérale malgré l'admi
nistration de contrebande qui nous régit, repré
sentée depuis une vingtaine d'années par des
doublures de M. Woeste? On parle si souvent
de justice sociale, de répartition équitable,
qu'on commence par faire disparaître celle dont
sont victimes tant de centres importants. Nos
adversaires, pour combattre le suffrage univer
sel, invoquent comme premier argument que
celui qui n'a rien ne peut faire la loi celui qui
possède que l'homme éduqné, instruit, ne peut
se laisser écraser par les pouilleux, les hurlu
berlus, les mastroquets, les socialistes, les collec
tivistes et les nihilistes de toute sorte, c'est un
argument qui a sou poids, mais est-ce que les
centres intellectuels doivent se mettre éternelle
ment sous le talon des incapables dont l'horizon
ne s'élève guère au-dessus du clocher de leur
village Qu'on répare cette iniquité, et on prou
vera que revision est synonyme d'amélioration.
Quoi qu'il en soit, il faut des concessions de
part et d'autre. Personne ne peut avoir la pré
tention d'imposer son système ne varietur, sur
tout qu'il s'agit de faire œuvre durable et
d'affirmer son patriotisme, en faisant en sorte
qu'un parti ne puisse établir pour toujours sa
suprématie sur l'autre. Le temps des longs dis
cours, qui n'ont- déjà que trop duré, est passé, il
ne faut plus que de la bonne volonté et un
amour sincère de clore l'ère d'agitation où le
pays s'épuise non sans danger pour la prospérité
générale.
En attendant que le gouvernement et la droite
aient pris une resolution, soit de se rallier
l'habitation sans le taux différentiel ce qui
devient improbablesoit de proposer un sys
tème reposant sur le vote plural tel qu'il a été
indiqué par divers indépendants, MM. Van den
Burg, dOultrcmont, etc., la politique n'oflre
qu'un demi-intérêt.
Les situations respectives des partis sont
connues leurs principaux orateurs ont parlé,
expose les idées dominantes de chaque fraction
en présence. La cause est entendue. Aussi la
discussion des articles ne menace-t-elle nulle
ment de se prolonger avant le vote des divers
systèmes présentés.
A moins d'événements imprévus, la semaine
prochaine ne se passera pas sans qu'une solution
ne soit intervenue d'une façon ou d'une autre.
Donc, que les impatients patientent encore
huit jours et ils seront fixés.
Dans les séances où Ion volera, la Chambre
présentera une animation extraordinaire. Pas
un député ne négligera d être son banc s'il
y avait des vides gauche, par suite de mala
die ou autrement, la proposition du gouverne
ment relative l'habitation avec taux différen
tiel pourrait très bien être votée par les deux
tiers des membres présents. Sans doute, le Sé
nat casserait ce vote, mais il en aurait produit
tout de même la plus mauvaise impression sur
le pays.
11 sera donc nécessaire que pas un membre
de l'opposition ne se dérobe ces jours-là son
devoir.
Après avoir voté lesarticles de la Charte nou
velle, la Chambre prendra ses vacances et lais
sera au Sénat la tâche de reviser son tour.
Ce ne sera donc qu'en Juin ou en Juillet,
après la promulgation des nouveaux textes con
stitutionnels, contresignés par le Roi, que nos
honorables, après avoir discuté et voté les bud
gets de la justice et des chemins de fer, laissés
en souffrance, sattelleront la loi électorale.
Elle aussi réclamera une longue discussion, qui
se prolongera jusqu'au 15 Août. On voit que la
session promet d être bien remplie et de donner
aux législateurs de l'ouvrage jusque par-dessus
la tête. Un mauvais plaisant ajouterait que nos
honorables prendront ainsi la revanche des
jours nombreux où ils n'ont rien fait. Une lé
gende
On a rapporté récemment, dit une feuille
bruxelloise, que les colonels des différents ré
giments en garnisou Bruxelles ont réuni leurs
officiers pour leur communiquer des instructions
concernant l'intervention de l'armee en cas de
troubles. Voici ce que nous avons appris ce
sujet les chefs de corps des troupes de la capi
tale ont réuni les chefs de bataillon et les com
mandants de compagnie placés sous leurs ordres
pour leur rappeler les circulaires qui traitent
de cet objet. Les colonels qui ont manifesté
leurs officiers le désir qu'ils ne parlent de cette
réunion leur ont fait diverses recommandations
tenues secrètes.
Henri Rochefort continue tripatouiller la
boue avec une sérénité de charretier en goguette.
Voici la fin d'un article aimable qn'il dedie M.
Constans, sa bête noire. Elle peint, non pas l'an
cien ministre de l'intérieur, mais Rochefort lui-
même, en le montrant dans l'insulte l'insnlteur
patenté par excellence
Il y a longtemps que nous l'avons affirmé et
on n'a pas voulu nous croire Constans n'a ja
mais été qu'un effronté de quinzième ordre. L'i
gnoble massacre de Fourmiesaété plus qu'un
abominable forfait ce fut une immense bêtise,
car rien n'était plus inutile que cet égorgement
sans motif et sans but.
LE PROGRÈS
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
vires acqu1rit ecmhj.
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Ypbes, le lr Avril 1893.