Supplément au PROGRÈS D'YPRES du 29 Juin 1893
Yprois Attention Debout
Proposition de suppression du Collège communal, des Ecoles gardiennes
et d'une Ecole d'adultes.
Yprois, tous debout, l'œu
vre et vite! Demain II serait
trop tard
ATTENTAT
A L'INSTRUCTION PUBLIQUE.
Introduite insidieusement, signée par les ignares
qui ont nom Breyne, Boone, Begerem, Iweins d'Eeck-
houtte et Struye, cette audacieuse proposition, envisa
gée au seul point de vue des prétextes, des raisons
fausses et spécieuses ainsi que des chiffres absolument
erronés qui prétendent la motiver, serait déjà un
attrape-nigaud, une perfidie, une canaillerie
Mais, si, de plus, on songe son but la destruc
tion d'un établissement d'Instruction excellent, néces
saire, qui a rendu d'immenses services, qui en rend
encore et en rendrait beaucoup plus s'il n'était scanda
leusement combattu par ceux-là mêmes qui sont char
gés de le défendre, cette proposition est, vis-à-vis des
intérêts moraux et matériels de la ville, une incontes
table trahison, un véritable crime
Le nombre des élèves du Collège, disent ces amis
de l'ignorance, ces ennemis de l'Instruction du peuple,
ne justifie plus les dépenses. Et ils mentent cynique
ment, étalant sans pudeur des chiffres tout-à-fait
inexacts, effrontément fantaisistes, chiffres que ja
mais, nous les en défions, ils ne sauraient prouver
D'abord, quel droit avez-vous, tartufes, d'invoquer
une diminution du nombre d'élèves, vous qui, donnant
ainsi la mesure de votre honnêteté, de votre dignité,
avez laissé protester, sans vergogne, toutes vos falla
cieuses promesses électorales vous qui avez fait fail
lite la jésuitique et formelle assurance, exprimée en
maintes circonstances, de votre respect des opinions
des autres et de votre entier dévouement au collège
vous qui avez diffamé, avez menacé d'affamer, avez
tout fait enfin, pour en empêcher la prospérité, en
amoindrir la population
Puis, ce que, toujours honnêtes et loyaux, vous
vous gardez bien de dire et de publier, c'est l'interven
tion considérable de l'Etat dont le subside très élevé
et se chiffrant très haut, entre pour la plus grande
part dans le payement des frais du Collège communal.
Ce que encore, dans votre justice et votre impar
tialité habituelles, vous avez un soin tout particulier de
ne pas faire remarquer, point cependant capital et
décisif et qui est l'anéantissement même de votre argu
ment et de votre proposition, c'est que la presque
totalité des appointements des membres du personnel
du Collège reste en ville et que, par conséquent, ces
Messieurs, vu l'importance du subside de l'Etat, lais
sent plus Ypres que la ville ne leur donne.
Il est vrai que, chez vous, il en est de l'intérêt
général, comme de la franchise, de la sincérité et de
la loyauté Il compte si peu, quand il ne sert ni votre
fatale et désastreuse ambition, ni votre haine féroce
de l'Instruction et de la Lumière, ni votre soif insatia
ble de cléricalisation et de domination
Si votre attachement aux intérêts de la commune
est réel, si vos chiffres ne sont pas une duperie indi
gne, si vous n'obéissez pas servilement votre fanatis
me, prêt, coûte que coûte, toutes les ruines, toutes
les démolitions, toutes les destructions, pourquoi,
sans la moindre protestation, lésant ainsi l'Instruction
et le Commerce de vos concitoyens, avez-vous laissé
supprimer par vos amis du gouvernement, l'Athénée
dont le personnel nombreux et rétribué par l'Etat en
trait pour beaucoup dans la vie et la prospérité de la
ville
Aujourd'hui, n'ayant pas honte de prétexter d'élè
ves peu nombreux, ce qui est le fait de vos manœuvres
traîtresses et malpropres alléguant un embarras
financier que vous avez créé et dont vous seriez débar
rassés, ce qui est archi-faux trahissant impudemment
les intérêts supérieurs et sacrés de l'Instruction publi
que et populaire préférant, sans compter, satisfaire
les exigences sottes, déraisonnables et injustifiables,
ainsi que la vanité dispendieuse et ruineuse de quel
ques officiers de pompiers vous souciant peu des
frais, de la gêne et de l'embarras que vous allez occa
sionner plus d'un père de famille, ouvrier, artisan,
petit bourgeois ou fonctionnaire civil et militaire
prévoyant, sans doute, l'an prochain, la chute du
Gouvernement ainsi que la vôtre, ce qui serait un bon
heur ne voulant pas que, repris complètement par
l'Etat, le Collège, redevenu Athénée, ne fasse, alors
Ypres, l'affaire de tout le monde avec la seule et fai
ble majorité factice de 30 voix, malhonnêtement ac
quise engageant injustement et arbitrairement
l'avenir la veille d'élections toute prochaines, aux
quelles prendra part un corps électoral nouveau et
quintuplé aujourd'hui, disons-nous, obéissant au mot
d'ordre des curés, vos seuls inspirateurs, sans l'appui
du moindre mouvement d'opinion, brutalement et per
fidement, vous demandez la suppression du premier
établissement de la ville et de l'arrondissement, la
suppression de notre vieux Collège Communal, qui a
fait tant de bien et produit tant de brillants sujets
Mais là ne devait pas s'arrêter votre désir de ren
versement
Une institution indispensable, populaire au plus
haut point, extrêmement bienfaisante, répondant un
besoin indéniable, d'une incontestable importance et
d'une utilité reconnue, les Ecoles gardiennes, aurait
dû, nous semble-t-il, trouver grâce devant votre des
potisme et votre intolérance
Malgré leur vogue, leurs énormes services et leur
nombreuse population, votre fanatisme en propose
brusquement la destruction! Votre but? Démolition
de l'enseignement primaire, officiel et laïque obliga-
gation de fréquenter vos écoles, abrutissement et as
servissement du peuple Le crime de ces établisse
ments modèles est d'être la pépinière des Ecoles
communales dont vous avez juré la mort Il n'en fal
lait pas plus c'en était trop
Grâce cette obligeante et humaine sollicitude
administrative, beaucoup de parents, cela vous est bien
égal d'ailleurs, seront obligés de tenir chez eux leurs
enfants. D'autres, dupés par les paroles onctueuses et
mielleuses, les promesses séduisantes et fallacieuses
dont vous avez le secret, exploités vilement dans leur
crédulité et dans leur misère, ce qui est un crime,
victimes d'une coupable intimidation et d'une persécu
tion honteuse, se trouveront sans doute dans la triste
et malheureuse nécessité de s'adresser, chose que leur
cœur réprouve, des nonnettes, ignorantes de l'esprit
de famille, des nécessités sociales, dont l'unique pré
occupation est de fausser, de crétiniser, d'étouffer le
cerveau des jeunes élèves qui leur sont confiés, et
dont la façon d'élever et d'instruire a pour résultat de
sacrifier et de compromettre l'avenir de leurs victimes
et de les vouer irrémédiablement la superstition, au
bigotisme, au fanatisme
Ce n'est pas tout encore Votre esprit de parti
réclamait d'autres sacrifices
Nous avons des Ecoles d'Adultes dont le but est
admirable, humain, dont les résultats sont féconds
Aux fils de l'ouvrier, du petit bourgeois qui n'ont
pas eu, comme vous, l'avantage et le bonheur de faire
des études supérieures et complètes, elles permettent
non seulement de conserver les connaissances reçues
sur les bancs de l'Ecole primaire, mais d'en acquérir
de nouvelles, aujourd'hui où elles sont si nécessaires
pour les rudes combats de la vie
Ces Ecoles ne servent ni vos vues, ni votre rage
de dominer, qui veut de grands holocaustes, fussent-ils
faits des larmes, du sang et du bonheur du peuple
Comme les prétextes ne manquent jamais, vous
en trouvez, vous proposez d'en supprimer une, et,
sans raison plausible et admissible, cette Ecole d'adul
tes est allée rejoindre notre vieux Collège Communal et
nos belles Ecoles gardiennes, dans votre sinistre projet
de suppression
Eh bien Messieurs, l'exploit que vous projetez,
l'attentat que vous voulez perpétrer est, nous le répé
tons, une honte, une ignominie, une indignité il con
stitue une félonie, un scandale, un abus d'autorité
criant et révoltant, un coup de parti odieux et crimi
nel
Si, dès maintenant, on ne vous arrête, demain
vous trouverez un prétexte pour obtenir l'anéantisse
ment de l'Ecole moyenne et de nos superbes Ecoles
primaires qui vous gênent
Si un jour vous croyez que la garnison de la ville,
dont, en certaine circonstance, le Député et Conseiller
Communal Struye, a réclamé le retrait et l'éloigne-
ment, disant qu'elle était une cause de décadence et
de démoralisation pour la ville si un jour vous croyez
que la garnison, l'Ecole d'Equitation vous offusquent,
froissent votre fanatisme, blessent votre ambition,
votre esprit de domination et vos intérêts électoraux,
vous ne serez tranquilles et contents tant que vous
n'aurez obtenu leur disparition.
Avant dix ans, si on ne se réveille, si on ne réagit,
si on vous laisse faire, la vieille cité libre et indépen
dante u'Ypres deviendra un désert, une vaste nécro
pole
Ne souffrez pas que l'araignée cléricale tende da
vantage sa toile meurtrière, délétère et asphyxiante
sur votre ville
Allez-vous dégénérer? Serez-vous sans dignité?
Permettrez-vous qu'un enseignement qui est votre
gloire reconnue, qui a été établi, développé, vaillam
ment et courageusement soutenu par vos pères, soit
désormais sacrifié la bêtise, la stupidité, la bar
barie, au vandalisme des Breyne-Devos, des Begerem,
des Boone, des Iweins d'Eeckhoutte, aux idées réac
tionnaires, ambitieuses et moyennagesques des comé
diens et des étrangers Surmont et Colaert, Pimbéci-
lité, au bigotisme, au fanatisme d'un Struye
Avec une docilité d'esclaves, par une coupable
faiblesse et dans une lâche indifférence, laisserez-vous
ces ennemis du peuple qu'ils veulent asservir, ces gens
malhonnêtes et menteurs, ces partisans de l'éteignoir,
leur instrument de domination et' d'exploitation, exécu
ter cyniquement et en toute sécurité leur entreprise
d'anéantissement de toute vie et de tout mouvement
dans votre ville, achever tranquillement et impuné
ment leur œuvre d'encapucinement et de destruction
scolaire
Laisserez-vous porter atteinte votre plus pré
cieuse liberté la liberté de conscience