Réparation Judiciaire.
67. Dimanche,
55e ANNÉE.
20 Août 1895
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Nous, LÉOPOLDII, Roi des Belges,
A tous présents et venir, faisons savoir
La Cour d'appel de Gand, lre chambre civile,
a rendu l'arrêt suivant
En cause de
M. Edouard FROIDURE, sans profession, do
micilié àYpres, défendeur en lre instance, appe
lant d'un jugement du Tribunal de lre instance
d'Ypres du 2 Décembre 1892, enregistré, et in
timé sur appel incident, ayant pour avoué M.
Bouckaert, plaidant M. Begerem, avocat.
Contre
M. Achille THIEBAULT,employé auParquet
de M. le Procureur du Roi, Ypres, domicilié
Ypres, demandeur en lre instance, intimé sur
appel principal et appelant incidemment, ayant
pour avoué M. Fierens, plaidant M. Baertsoen,
avocat.
Sur assignation donnée devant le Tribunal de
lr< instance d'Ypres M. Edouard Froidure,
la requête de M. Achille Thiebault, ce par ex
ploit enregistré du 19 Avril 1892, intervint
après débats contradictoires la date du 2 Dé
cembre 1892, un jugement qui a été levé et si
gnifié, dont les qualités et les motifs sont tenus
comme reproduits ici, parties s'y référant, et
dont le dispositif est conçu comme suit
Le Tribunal, ouï M. Dumortier, substitut du
Procureur du Roi en son avis sur la contrainte
par corps, Dit pour droit que la lettre signée
Edouard Froidure, insérée au Journal d'Ypres
n° du 23 Mars 1892.et commençant par ces mots:
Yous voudrez bien, j'en suis sûret se
terminant par ceux-ci Surtout lorsqu'à rai-
son de certaines fonctions publiques on a,
n jadis, porté un sabre et dont le défendeur se
reconnaît l'auteur, est inj urieuse et diffamatoire
au premier chef Dit que le demandeur y est
suffisamment désigné pour que la publication de
la dite lettre porte atteinte son honneur et
compromette sa position et par cela même
qu'elle est hautement dommageable pour le
demandeur
En conséquence et vu l'article 1382 du Code
civil, condamne le défendeur payer au deman
deur une somme de huit cents francs, dont six
cents seront employés par le demandeur en in
sertions dans trois journaux son choix, aux
intérêts judiciaires et aux dépens de l'instance
liquidés pour la partie de M. Bossaert, la som
me de fr. 113-28 c. et pour la partie de M. Co-
laert la somme de fr. 60-15 c. non compris les
frais d'expédition, de signification et de mise
exécution du présent jugement.
Et vu l'article 3 de la loi du 27 Juillet 1871
Attendu que si la condamnation prononcée
peut donner lieu application de la contrainte
Dit n'y avoir lieu de déclarer le présent juge
ment exécutoire par voie de contrainte corpo
relle.
C'est de ce jugement que M. Edouard Froi
dure interjeta appel par exploit du lr Février
1893, avec assignation devant la Cour d'appel de
Gand et constitution d'avoué de M. Bouckaert.
M. Fierens se constitua avoué pour l'intimé.
La cause fut régulièrement introduite devant
la Cour, distribuée la Ie Chambre civile et y
déclarée ordinaire.
Parties posèrent qualités l'audience du 19
Mai 1893. M. Bouckaert, pour l'appelant, prit et
déposa un écrit de conclusions qui avait été si
gnifié le 9 Mai 1893, par lequel, pour les motifs
y déduits, tenus pour reproduits ici, il conclut
Plaise la Cour, recevoir l'appel et y lésant
droit, mettre le jugement a quo néant; émen-
dant et fesant ce que le premier juge aurait dû
faire, déclarer l'intimé non recevable en son ac
tion, l'eu débouter et le condamner aux dépens
des deux instances.
En ordre très subsidiaire Plaise la Cour re
cevoir l'appel et y fesant droit, mettre néant
le jugement dont appel. Emendant et faisantes
que le premier j uge aurait dû faire, dire et dé
clarer pour droit que, moyennant l'insertion de
l'arrêt intervenir dans un journal de la ville
d'Ypres, au choix de l'intimé, mais sans que le
coût de cette insertion puisse dépasser la somme
de 100 francs, l'appelant sera libéré des fins de
la demande. En conséquence, déclarer l'intimé
non plus avant fondé en ses fins et conclusions
et le condamner aux dépens de l'instance d'ap
pel.
M. Fierens, pour l'intimé, prit et déposa égale
ment un écrit de conclusions qui avait été signi
fié le 13 Mai 1893 et par lequel il conclut
Par les motifs du lr juge, tons autres déve
lopper ou suppléer d'office.
Plaise la Cour confirmer le jugement dont
appel, en tant qu'il a décidé que la lettre liti
gieuse signée Edouard Froidure, insérée au
Journal dYpres, n° du 23 Mars 1892, est inju
rieuse et diffamatoire au premier chef que l'in
timé y est suffisamment désigné pour que la
publication de la dite lettre porte atteinte son
honneur et compromette sa position, et que par
cela même elle est hautement dommageable
pour le demandeur.
Mais attendu que la condamnation 800 francs
de dommages-intérêts, dont 600 employer en
insertions, est hors de proportion avec la hau
teur réelle du dommage causé et de la répara
tion accorder l'intimé
Par ces motifs
Plaise la Cour recevoir sur ce point l'appel
incident de l'intimé et, faisant ce que le premier
juge eut dû faire, condamner l'appelant payer
l'intimé, titre de réparation, la somme de
5,000 francs avec faculté, pour le requérant,d'en
employer 1,000 pour insertions en trois journaux
de son choix le condamner en outre aux intérêts
judiciaires et aux dépens des deux instances.
A l'audience du 24 Juin 1893, les conseils des
parties développèrent les moyens l'appui de
leurs conclusions respectives, dans lesquelles les
avoués déclarèrent persister et la Cour, après
avoir entendu M. le Premier Avocat général de
Gamond en son avis et après en avoir délibéré,
prononça l'audience du lr Juillet 1893, l'arrêt
suivant
Attendu qu'il conste suffisance du droit, des
faits et circonstances acquises au procès, que
l'article inséré dans le n° du 23 MarB 1892 du
Journal d Ypres sous la signature de Edouard
Froidure, contenait des indications d'âge et de
position sociale suffisantes pour faire naître dans
la pensée d'un grand nombre de lecteurs la con
viction que la personne visée était bien l'intimé;
Que les explications données par l'appelant
dans le n° du 13 Avril suivant, loin de tendre
dissiper le3 incertitudes, ont eu plutôt pour but
et certainement pour effet de mieux indiquer
encore la personne de l'intimé
Attendu que l'article incriminé est injurieux,
diffamatoire et dommageable pour ce dernier
Attendu, toutefois, que le dommage matériel
n'a pas la gravité que l'intimé lui attribue,
puisqu'il ne conste point que l'article incriminé
ait eu pour but et que, dans la réalité, il n'a pas
eu pour effet, de nuire l'intimé dans l'emploi
qu'il occupe
Que, eu égard ces considérations, le dom
mage causé sera suffisamment réparé par les
condamnations ci-dessous
Attendu qu'il n'y a point lieu de déclarer le
présent arrêt exécutoire par voie de contrainte
par corps
Par ces motifs, ouï M. de Gamond, Premier
Avocat Général en son avis conforme sur la con
trainte par corps, statuant sur les appels prin
cipal et incident écartant comme non fondées
toutes autres fins, conclusions et ofires de
preuve Déclare injurieux et dommageable l'ar
ticle du Journal d Ypres susvisé en conséquence,
et émendant, dans cette limite le jugement a
quo, condamne Froidure Edouard payer
Thiebault Achille, titre de dommages-intérêts,
la somme de deux cents francs avec les intérêts
judiciaires partir du jour de la demande et les
dépens des deux instances, taxés, ceux d'appel,
la somme de 193 francs non compris le coût de
l'expédition ni de la signification du présent
arrêt.
Autorise le dit Thiebault publier le présent
arrêt, avec ses motifs et son dispositif, dans deux
journaux de son choix, aux frais de l'appelant
et jusqu'à concurrence de 400 francs, récupéra
bles sur simple production des quittances d'im
primeurs.
Met le jugement néant pour le surplus.
Ainsi fait et prononcé en audience publique
de la Cour d'appel de Gand, lre Chambre civile,
le premier Juillet 1880 treize
Présents Messieurs Coevoet, Premier Prési
dent Heiderscheidt, VanMaele, Roels,De Cock,
conseillers de Gamond, Premier Avocat Géné
ral De Smet, Greffier.
(signé) Ed. Coevoet, Joseph De Smet.
Mandons et ordonnons tous huissiers ce re
quis de mettre le présent arrêt exécution
A nos Procureurs Généraux et nos Procureurs
près les tribunaux de 1™ Instance d'y tenir la
main
A tous Commandants et officiers de la force
publique d'y prêter main forte lorsqu'ils en se
ront légalement requis
En foi de quoi le présent arrêt a été signé et
Bcellé du sceau de la Cour.
Pour grosse conforme, délivrée M. Fierens,
avoué de la partie intimée.
Pr le Greffier en chef (signé) P. Mortelmans.
Enregistré 12 rôles, 1 renvoi, Gand, le 31
Juillet 1893, vol. 300, fol. 59, casel. Reçu
enregistrement 7 francs, greffe, 48 francs, total
cinquante-cinq francs.
Le Receveur (signé) Van Themsche.
Pour copie
E. Fierens.
LE PROGRÈS
vires acqcihit EVNUO.
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Idem. Pour le restant du pays7-00.
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