Supplément au Progrès d'Ypres du 28 Janvier 1894.
Revue agricole.
Le progrès.
La baisse du prix du blé.
A propos d'adjudication.
Un Jack ihe Ripper au Japon.
Coquilles.
La baisse du prix du blé provoque, en ce'moment,
les plaintes les plus vives de tous côtés, la dépres
sion des cours est signalée comme un phénomène éco
nomique d'une extrême importance. La valeur du bétail
est diminuée également. Voilà, certes, une situation
difficile, douloureuse et dont il est impossible, en effet,
de méconnaître la gravité.
Le prix moyen auquel l'hectolitre de froment est
tombé n'a été pratiqué que quatre fois depuis le com
mencement du siècle (1809, fr. 15-17 1822, fr.
15-49 1834, fr. 15-25 1835. fr. 15-35).
Deux fois seulement il a été inférieur encore ces
chiffres en 1850 et 1851, le blé n'a valu que fr.
15-32 et fr. 14-48 l'hectolitre. Depuis cette époque, le
cours le plus bas a été de fr. 16-74, en 1859.
Il est peu près certain que les droits actuels établis
en France depuis 1887 vont être modifiés. Sous l'in
fluence des idées qui font cours, c'est-à-dire pour ré
pondre aux désirs de ceux qui attribuent exclusivement
la concurrence étrangère l'affaissement des prix, le
droit de 5 fr. sera porté 7 ou 8 fr. Ce droit repré
sentera environ 50 pour cent du prix de la marchan
dise taxée. Quel sera l'effet d'un pareil régime En
s'appuyant sur les précédents historiques, on peut ad
mettre que le niveau moyen des prix du blé ne sera
pas sensiblement modifié.
11 est curieux, en effet, de constater qu'à plus d'un
demi-siècle d'intervalle on assiste aux mêmes varia
tions générales et persistantes du niveau des prix. La
baisse des cours provoque les mêmes plaintes, cause
les mêmes surprises, suggère les mêmes remèdes qu'à
une époque où l'on ne pouvait guère attribuer l'avilis
sement des prix aux arrivages de l'Australie, de l'Inde
ou des Etats Unis.
Dès les premières années de la Restauration, la
baisse du prix du blé se prononce bientôt même elle
s'accentue. Aussitôt, on l'attribue aux arrivages des
blés russes. La loi du 16 Juillet 1819 établit, en Fran
ce, le régime de l'échelle mobile. Les froments étran
gers seront désormais frappés d'un droit qui s'élèvera
mesure que le prix du blé français s'abaissera sur les
marchés régulateurs. L'importation est même prohibée
toutes les fois que les cours s'abaisseront au-dessous de
20 francs, de 18 francs, ou de 16 francs selon les ré
gions entre lesquelles le territoire français se trouve
divisé. Toutes les précautions semblent prises contre
l'ennemi redouté, contre la baisse dont on s'effraye. En
vérité, les blés russes n'arrivent plus, mais la baisse se
produit encore. Il y a mieux elle s'aggrave d'année
en année. Les cours pratiqués de 1820 1830 par
hectolitre de froment indiquent une baisse rapide et
persistante et cependant les importations sont insigni
fiantes. En voici la preuve
Ainsi en 1822 le prix du blé tombe 15 francs et
cependant il n'entre pas en France un millier d'hecto
litres de blé étranger. Pendant 5 années, de 1822
1827, les importations sont nulles et jamais les cours
n'étaient tombés aussi bas. Les entrées s'élèvent brus
quement en 1828 et surtout en 1829. Sans doute, les
prix vont s'abaisser encore. Il n'en est rien on les
voit remonter, au contraire, 22 francs. En est-il
autrement après 1830 Voit-On les prix se relever et
les importations décroître en même temps? Nulle
ment.
Sans doute, depuis 1830 jusqu'à 1833, les cours
sont plus élevés mais les importations augmentent en
meure temps. A quel inotout tombent-elles au-des-
sous d'un millier d'hectolitres C'est précisément au
moment où les cours s'affaissent brusquement et des
cendent jusqu'à 15 francs l'hectolitre.
Cette marche de prix présente de frappanles analo
gies avec celle que nous constatons de nos jours. A
cette époque, comme aujourd'hui, la dépression des
cours était très générale.
En Angleterre, par exemple, malgré l'existence des
lois céréales destinées relever le prix des grains,
on voyait le cours du froment s'abaisser rapidement.
Voici les variations de l'hectolitre partir de 1800
FR. C.
1800-1810. 36 41
1810-1820, 39 27
1820-1830, 25 70
1830-1840, 24 44
Depuis la période 1810-20 jusqu'à la décade
1830-40, la baisse s'élève 37 p. c.
En Prusse, le même phénomène pouvait être con
staté. Le tableau suivant se rapporte au prix du quin
tal de froment
FR. C.
1816-1820, 34 68
1820-1830, 21 56
1830-1840, 18 90
Cette dépréciation si générale et si sensible de la
principale céréale s'étendait l'avoine, l'orge, au
bétail. La conséquence naturelle et inévitable^de ce
phénomène avait été celle que nous constatons autour
de nous, c'est-à-dire la baisse des fermages et l'avilis
sement du prix des terres.
Autrefois, comme aujourd'hui, c'est probablement
l'accroissement du pouvoir d'achat des métaux pré
cieux que l'on doit attribuer les variations de prix dont
nous parlons plus haut. Il est hors de doute que, de
nos jours, la dépréciation extraordinaire de l'argent et
sa démonétisation ont produit une révolution monétaire
très grave et dont les conséquences se font sentir sur
le prix de toutes les marchandises. Les autres indus
tries ne se trouvent guère dans une position meilleure
que l'agriculture. Il n'y a que les salaires qui sont loin
de subir la même réduction que les cours des produits
agricoles
M. Jules Simon, dans le Petit Marseillaistrace
un tableau remarquable des progrès que ce
siècle a réalisés. Nous attirons l'attention sur les
idées qu'il exprime au sujet de la politique co
loniale et de la question de la marine
Les anciens peuples, qui étouffaient chez
eux, se disputent le monde nouveau. C'est qui
se découpera des empires dans ces populations
qu'on connaît peine et qui ne seront aisées ni
réduire, ni conduire. Le roi des Belges, se
rappelant que la petite Hollande a été grande
par ses colonies, a été l'un des premiers se faire
roi in partibus injidelium. Toutes les marines du
monde ont besoin de se renforcer pour la garde
des régions nouvellement acquises et pour les
services du transport.
11 ne leur suffit pas d'augmenter leur effectif
il faut le transformer de fond en comble.
Vous vous souvenez peut-être des savants et
curieux articles publiés par le prince de Join-
ville dans la Revue des Deux-Mondes. Il racontait
la fin de la navigation voiles. Notre flotte
roues était presque achevée, et paraissait tout
le monde une merveille, quand l'apparition de
l'hélice vint tout bouleverser. 11 fallut remiser
la flotte roues dans les arrière-bassins avant
qu'elle eût tenu la mer. Nos jeunes officiers ap
prirent trois métiers l'un après l'autre et chan
gèrent trois fois de genre de vie. La marine a
subi coup sur coup trois révolutions la révolu
tion scientifique, qui est de beaucoup la plus
considérable, la révolution politique, et la révo
lution économique. Elle diminue la grandeur
de la terre en facilitant les communications par
le moteur gaz, le m - teur électrique, le télégra
phe et le téléphone. Elle l'augmente en même
temps par la transformation de vastes déserts en
contrées civilisées ouvertes la science et l'in
dustrie.
Je le dis souvent et ne le dirai jamais assez le
XIXe siècle aura inauguré la démocratie et la
république, qui n'avaient été qu'essayées la fin
du siècle passé c'est sans doute une grande
révolution. Mais sa plus grande opération et sa
marque dans l'histoire sera la révolution scien
tifique qui se passe sous nos yeux, et dont la
postérité jugera mieux que nous la profondeur.
On va, en sept jours, en Amérique on transmet
la pensée, et même la voix, de Paris New-
York: en quelques heures on éclaire et on
meut avec du charbon, avec l'électricité -, on
renverse les plus hautes murailles avec la méli-
nite. On conquiert aussi la vie. La longueur
moyenne de la vie est augmentée. Pasteur, qui
a déjà vaincu la rage, est la tête d'une phalan-
Îe qui vaincra la diphtérie et la tuberculose,
anssen passe une partie de son temps dans la
lune. Nous n'avons rien envier l'empire il
envoyait chaque jour des bulletins de victoire,
qui n'étaient, après tout, que des bulletins de
désastre. Combien il faut préférer les bulletins
de Pasteur, de Bertrand, de Berthelot, de Koch,
malgré son malheur
Le tribunal de commerce de Bruxelles a rendu
un jugement intéressant tous ceux qui partici
pent aux adjudications publiques.
L'imprimeur Mertens, adjudicataire de tra
vaux d'impression pour le compte de l'Etat, les
faisait exécuter par un de ses collègues, M. Van
Assche. Cet arrangement avait fait entre eux
l'objet d'une convention par laquelle M. Van
Assche s'interdisait de soumissionner pour les
lots d'adjudication dont M. Mertens lui confiait
l'impression. Une clause pénale de 10,000 francs
était stipulée pour toute infraction au contrat.
M. Van Assche, ayant enfreint la défense con
tractuelle, se vit assigné en payement de la
clause pénale. Il arguait de la liberté de l'indus
trie en général et des adjudications en particu
lier. Mais le tribunal lui a répondu que la liberté
de l'industrie n'était pas en cause, puisque, sauf
le point très spécial visé par la convention des
parties, M. Van Assche restait libre d'exercer
son industrie comme il l'entendait.
Il serait inadmissible, ajoute le jugement,
qu'au mépris du contrat. M. Van Assche, que
M. Mertens a mis au courant de ses affaires, de
ses secrets, de sa clientèle, pût en profiter pour
soumissionner contre lui dans des adjudications
publiques. M. Van Assche a été condamné
payer la clause pénale de dix mille francs.
Le Japon a, lui aussi, son Jacques l'Even-
treur. Seulement on connaît son nom et on tient
sa personne sous les verrous, tandis que l'anony
me auteur des crimes et mutilations de White-
chapel court encore.
Kobayachi Mitsuyn était venu, l'année der
nière, se loger dans un garni bon marché. Il
passait son temps parcourir les rues, tantôt
comme barbier, tantôt comme prêtre errant,
tantôt comme mendiant sourd-muet. Sous ses
divers déguisements il put examiner loisir
l'intérieur de plusieurs maisons qu'il dévalisait
ensuite la nuit. Non content de voler, il s'amu
sait étrangler et mutiller les femmes qu'il
rancontrait dans des endroits isolés.
On a relevé contre lui trois chefs d'accusation
mais en juger par le nombre beaucoup plus
considérable des femmes trouvées assassinées sur
le théâtre de ses opérations, Kobayachi devait
avoir des complices.
En attendant de les découvrir, on l'a con
damné, lui, être exécuté, sans tenir compte de
ses prières et du singulier plaidoyer par lequel il
a tâché d'attendrir ses juges, leur représentant
que la coutume d'ouvrir le ventre, soi ou aux
autres, est un des rares vestiges subsistant du
bon vieux temps, dans le glorieux empire mika-
donal.
Le chapitre des coquilles est inépuisable.
Dans une gazette du XVIIIe siècle on lisait Le roi
Louis XV est depuis huit jours au château de Fontaine
bleau hier, il s'est pendu (perdu) dans la forêt.
Scholl rappelait récemment sa surprise en lisant sous
une de ses chroniques C'est La Fontaine père tl
avait écrit C'est la fantaisie pure.
L'imprimerie Claye gardait sous verre une coquille qui
méritait d'être mise sous cloche. Sur la première épreuve
envoyée Mm* de Girardin, au lieu de La joie fait
peur, une interversion de lettres faisait La joie fait
puer.
L'une des plus lourdes coquilles est celle de l'archipel
de 600 kil. Vous vous demandez ce que c'est qu'un
archipel de ce poids-là c'est l'archipel de Cook Le
typographe avait lu 600 k. et, pour compléter l'ex
pression, il avait ajouté il.
On trouve dans un journal agréable au gouvernement
cette coquille qui déplut fort M. Guizot Messieurs, lui
faisait-on dire, je suis au bout de mes farces.