Incident de Palais.
La R. P. Ypres.
Le meeting du 6 Mai.
Il faut ensuite que les intérêts des Wallons et
des Flamands soient sauvegardés sur le même
pied et de la même façon. Avec le régime ac
tuel, cela n'est pas possible. Il y a une tendance
marquée, de la part des provinces flamandes,
envoyer des députés catholiques la Chambre
de la part des provinces wallonnes, envoyer
des libéraux. Est-ce le moment, quand toutes les
grandes puissances Européennes ont les yeux
sur nous, d'affaiblir nos forces, d'amoindrir no
tre nationalité et nos sentiments de patriotisme
par des luttes intestines, par une dualité de
races
Que seront les élections de demain Personne
ne Je sait. Il est croire cependant que la majo
rité sera catholique. Quoiqu'il en soit, le danger
existe d'un côté comme de l'autre. Toutes les
questions sociales sont actuellement résolues
f>ar droite contre gauche. Cela n'existe pas ail-
eurs. Les exemples historiques sont là pour nous
démontrer qu'un parti n'est pas dangereux
quand il est représenté, mais qu'il le devient
quand il est frappé d'ostracisme Il faut que la
Chambre soit la photographie du pays. Nous
savons, Bruxelles, ce qu'il nous en coûte de ne
pas être représentés
L'orateur conjure ses amis, les conservateurs
de Flandre, de faire acte de générosité, de pa
triotisme, dans leur propre intérêt, dans l'inté
rêt de toutes les classes de la société, et d'aider
introduire cette réforme. Cette réforme sera
bienfaisante et féconde pour la Flandre comme
pour la Wallonnie, pour les grands centres com
me pour les campagnes, pour les propriétaires
comme pour les paysans, pour les industriels
comme pour les ouvriers Longs et chaleureux
applaudissements
Les résultats sont iniques.
Aux élections législatives de 1884, 27,930 suf
frages assuraient 50 sièges au parti clérical
22,117 en donnaient 2 aux libéraux.
Aux élections législatives de 1888, 24,165 clé
ricaux enlevaient 44 sièges 23,484 libéraux
n'en obtenaient que 2.
Dne situation tout aussi injuste a été faite aux
cléricaux, des élections précédentes.
Le maintien du système majoritaire sous l'em
pire du suffrage universel privera de toute re
présentation des minorités considérables.
Ces minorités, voyant que le droit de suffrage
n'est qu'un leurre et un mensonge pour elles, ne
seront que trop disposées recourir la violen
ce pour se faire entendre. Le nouveau corps
électoral sera autrement nerveux, impression
nable et passionné que le corps des électeurs
censitaires, portés par leurs intérêts personnels,
par leur tempérament et leur situation sociale,
respecter l'ordre et la tranquillité publics.
La Représentation Proportionnelle en permet
tant tous les partis politiques et toutes les
classes sociales de prendre part l'œuvre légis
lative, apparaît comme un élément de conserva
tion sociale.
Elle constitue en outre une sauvegarde pour
le maintien du régime parlementaire.
Celui-ci n'a de mérite et d'autorité aux yeux
de la foule, que s'il est loyalement et sincère
ment pratiqué.
Elle le condamnera comme elle a fait de tant
d'autres institutions sociales, politiques ou reli
gieuses, le jour où elle s'apercevra, qu'il n'est
que le produit de la fraude et de l'injustice.
Le discrédit qui atteindra le régime parle
mentaire, entraînera la ruine de la démocratie.
Il est un devoir de tous les libéraux, quel
que monde qu'ils appartiennent, de défendre la
K. P.
Ils doivent inscrire cette réforme en tête de
leur programme électoral de demain et n'ad
mettre comme candidats que ceux qui en sont
des partisans résolus et dévoués.
L'orateur ne pense pas que les Chambres ac
tuelles puissent encore voter la R. P. Il craint
qu'elles ne produisent une œuvre aussi incom
plète et aussi incohérente que la loi électorale.
Ce qu'il importe de faire aujourd'hui, c'est de
gagner le nouveau corps électoral la cause de
la R. P. Applaudissements
L'orateur pense, au contraire, que les grandes
majorités sont un danger pour un pays. L'histoire
le démontre. Et cela Re comprend. Quand la
majorité est excessive, le pouvoir doit le sui
vre, et l'on aboutit fatalement faire des lois de
parti. Le gouvernement peut avoir les meilleures
intentions du monde, il est débordé par la majo
rité. Au moment où l'on a inscrit dans notre
constitution le principe du Suffrage Universel,
on a oublié d'y inscrire le principe de la Repré
sentation Proportionnelle l'un est le couronne
ment de l'autre. En demandant cette réforme ce
n'est pas une grâce que nous sollicitons, c'est un
acte de justice. Tous les pouvoirs émanent de
la nation dit l'art. 25 de la Constitution. Avec
le système majoritaire actuel, ce principe fon
damental est une lettre morte. A quoi bon pro
clamer que tous les pouvoirs émanent de la
nation, si la moitié de la nation n'a rien dire
Nous devons obtenir la réforme que nous de
mandons, maintenant, pendant cette session, si
non ceux qui seront élus diraient j'y suis, j'y
reste.
Ils ne consentiraient plus voter la R. P. de
peur de perdre leur mandat. Bruyants applau
dissements).
Le Meeting, tenu aujourd'hui, 6 Mai 1894,
Ypres,
Ayant entendu MM. Lepoutre, représentant
progressiste Theodor indépendant A.
Thooris, libéral A. de Smet, progressiste
flamand
Constate que la R. P. est reconnue par tous
les partis comme le seul système juste et équi-
table
n Emet le vœu de voir la Chambre voter la
n R. P. au cours de la présente session.
Cet ordre du jour est voté l'UNANIMITÉ.
Un tonnerre d'applaudissements ébranle la
salle.
Acclamations
Ajoutons que le fait d'avoir vu réunis en as
semblée publique toutes les classes sociales, les
citoyens de tous les partis, dans un but commun:
le salut de la Patrieest un fait unique dans
nos annales. C'est un événement heureux qui fait
espérer une ère nouvelle de concorde, de justice
et d'apaisement
L'incident Laguerre a pris au Palais de Justice
de Paris les proportions d'un événement. La
salle de la 11* chambre correctionnelle était
bondée d'avocats.
Avant l'audience, M® Laguerre, en robe, se
promenait dans la salle des Pas-Perdus en com
pagnie de M8 Millaud, avoué.
L'affaire dans laquelle M* Laguerre devait
plaider a été appelée 2 heures.
M® Laguerre est présent. Le substitut Pezon se
lève et dépose des conclusions pour s'opposer
ce que M® Laguerre prenne la parole.
Le ministère public soutient qu'un avocat rayé
par un barreau ne peut, alors même qu'il a été
inscrit un autre Ibarreau, plaider devant les
juges dont ressort le barreau qui l'a rayé.
A mon avis, dit le substitut, la robe dont un
avocat est revêtu lui est arrachée tout jamais
quand une fois il a été rayé disciplinairement
d'un tableau quelconque.
Après le dépôt des conclusions de son avoué,
M6 Laguerre prend la parole
Je viens simplement revendiquer devant
vous mon droit, rien que mon droit, mais tout
mon droit.
n Jamais je n'ai été rayé pour infraction
l'honneur et la délicatesse, en dépit de ce
qu'avance le bâtonnier.
Aussi je vous demande de m'autoriser con
tinuer une profession que j'aime que j'ai, je
crois, bien servie d'en vivre, ce qui est je crois
très honorable; de continuer enfin une profession
pour laquelle je suis allé l'école de droit, pour
laquelle mes parents ont fait des sacrifices. Je
m'abrite derrière la loi.
n Je vous demande de ne pas vous associer
une œuvre de basse rancune.
Nous sommes dans un pays de scepticisme,
dans le pays de Diderot et de Voltaire les dieux
s'en vont, mais il reste encore quelque chose la
justice.
Je crois encore la justice. Et je place avec
confiance sous l'égide de la loi ma juste cause.
Après une demi heure de délibération, la 11®
chambre rend son jugement aux termes duquel
interdiction est faite M® Laguerre de plaider
devant le tribunal de la Seine.
Ce jugement est très discuté dans le monde du
barreau, et cela se comprend.
Le motif de l'interdiction est que Mtr® Laguer
re, alors que, passé quelques années, il était
directeur du journal La Presse a fait acte de
commerce en créant ou en signant des billets
ordre.
Or Mtr« Laguerre a fait honneur sa signature
et il n'y a eu ni protêts ni dupes.
Beau succès que celui de Dimanche passé
Les orateurs, arrivés midi, ont été reçus la
gare par la Commission au grand complet.
Conduits d'abord l'Hôtel de Ville, ils y ont
rencontré M. le Bourgmestre qui, avec une
courtoisie que nous ne voulons taire, leur a fait
les honneurs de la Maison et des Halles.
A trois heures fixes (l'exactitude devant être
la politesse de tout le monde) a commencé la
séance dans la Salle de Théâtre archi-comble,
et où des gens de tous les partis se serraient
coude coude pour entendre la bonne parole.
On remarque la présence de M. le Bourg
mestre.
Après un court exposé du but de la réunion
par M. P.Vermeulen, promoteur du mouvement
et Président de l'assemblée, M. de Smet (pro
gressiste flamand) a pris le premier la parole
en flamand après lui, M. Theodor (conserva
teur indépendant) en français ensuite M.
Thooris (libéral) encore en flamand et, enfin, M.
Lepoutre (député progressiste de Bruxelles),
aussi en français
Tour tour ces Messieurs ont démontré l'in
justice et l'absurdité du système majoritaire et
l'urgente nécessité d'introduire, surtout aujour
d'hui, en présence du droit de suffrage élargi, le
système seul équitable, seul rationnel de la R. P.
Lequel des quatre orateurs a le mieux parlé,
il serait bien difficile de le dire. Chacun d'eux
sans doute a traité la question suivant son tem
pérament personnel et, quelque peu aussi, sui
vant ses opinions mais tous y ont apporté la
même conviction, le même accent de sincérité,
la même clarté, la même éloquence.
Aussi, tous ont-ils été également applaudis et
mérité de l'être.
Comme conclusion solennelle de la séance, M.
le Président, après avoir vivement remercié les
généreux orateurs qui étaient venus de loin ap
porter la R. P. le concours de leurs talents, a
présenté l'assemblée un or<
près conçu comme suit
ordre du jour peu
M. A. Thoorisavocat Bruges, libéral.
Les libéraux des Flandres sont unanimes con
damner le système majoritaire.
M. Lepoutredéputé de Bruxelles, progressiste.
Les objections qu'on fait contre la Représenta
tion Proportionnelle sont nombreuses. Parmi
elles il en est une qu'il importe de relever avec
la R. P. il n'y a pas moyen d'avoir une majorité,
sans laquelle il n'est pas possible d'avoir un
gouvernement. Or un gouvernement doit être
stable.
M. Vermeulen, après avoir demandé si personne
dans l'auditoire ne désirait prendre la parole,
propose l'assemblée de voter l'ordre du jour
suivant
M. Vermeulen, an nom de l'assemblée entière,
remercie chaleureusement les orateurs venus de
Bruxelles et de Bruges, sacrifiant le repos du
Dimanche, pour faire œuvre patriotique. Il pro
pose l'assemblée de leur témoigner sa recon
naissance en appuyant l'Association Réformiste
dans ses efforts. Messieurs les orateurs rapporte
ront leurs amis de Bruxelles l'assurance qu'il
sera formé une section réformiste Ypres, com
prenant des partisans catholiques et libéraux.
(La Justice.)