Chronique locale.
47. Jeudi,
54e ANNÉE.
14 Juin 1894.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
A nos lecteurs.
La morale cléricale.
L'Harmonie communale.
Un faux bruit.
Chronique
de la tyrannie cléricale.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Nous prions instamment nos lecteurs de bien
vouloir remettre au bureau du Progrèstous les
timbres oblitérés et toutes les feuilles et mor
ceaux d'étain qu'ils pourraient recueillir.
Ces objets sont destinés une oeuvre philan
thropique.
-)X(o)X(-
Une révélation.
Je suis parvenu me procurer le nouveau
programme d'union de l'Association catholique
d'Ypres, les membres ne pouvant en avoir con
naissance.
Ce programme est simple et se résume en ces
trois mots
Religion, propriété, famille, mais il y a un
long mémoire interprétatif.
Pour la religion, il faut faire ressortir que
persécuter le pauvre, retenir le salaire de l'ou
vrier, opprimer la veuve et l'orphelin, ne sont
point les péchés que certains pensent surtout
Buivant les cas.
Pour la propriété, il faut expliquer combien
il est utile et avantageux de rajeunir les testa
ments comme celui de M. Godtschalck, surtout
quand ils sont faits au profit des pauvres.
Pour ce qui concerne la famille, conseiller
tout le monde de faire vœu de chasteté et d'entrer
au couvent. Ceux qui ne voudront pas suivre ce
conseil, devront être privés de moyens d'exis
tence, comme le cabaretier de S1 Pierre.
C'est d'après ce programme secret qu'agissent
les chefs catholiques.
Le savant rédacteur du Journal d'Ypres qui a
fait ses études l'Université de Louvain, où la
justice, le droit, la morale sont d'une nature
particulière, soutient que le brasseur, qui a mis
sur le pavé et privé de pain un père d'une fa
mille de six enfants, était justifié de le faire pour
défendre la propriété, la religion, la FAMILLE,
contre lessocialistes que le rédacteur éru-
dit porte sur le nez et qui lui servent justifier
toutes les vilénies commises par son parti envers
la classe ouvrière.
Mais cela ne prendra pas le corps électoral
nouveau sera ici comme ailleurs impitoyable
pour ces tartuffes.
Grand succès, Dimanche dernier, pour l'Har
monie communale qui se rendait au festival
d'Eessen.
A son départ comme son retour, il y avait
bien vingt personnes sur son parcours, mais cela
ne nous étonne guère, elle était escortée de Mons
Colaert, son président, qui avait sa gauche un
pianiste de deuxième ordre.
Lundi après-midi le télégraphe nous apprenait
que deux estrades érigées place S4 Jean, An
vers, pour les exercices des pompiers s'étaient
écroulées, entraînant dans leur chute tout le
monde qui s'y trouvait et occasionnant de graves
blessures, voire même la mort de plusieurs per
sonnes.
La nouvelle s'était répandue en ville avec une
vitesse Yî. Nos bons pompiers, partis le Samedi
avec 1800 fr. leurs frais de voyage prélevés
sur la caisse de grand'mère par la générosité iné
puisable de nos maîtresdevaient être bien mal
arrangésDans quel état devait se trouver
le plus gaillard des commandants, le séduisant
Ch. Baus, il devait avoir fait des prodiges pour
sauver ses hommes, lui qui n'avait pas hésité
traverser les mers et affronter mille dangers
pour aller, ses frais et par amour du
métier, éclairer de ses lumières les courageux
extincteurs de la blonde Albion Et son second,
Angloo, Gustave, pour les dames, lui qui, soit le
jour, soit la nuit, est le premier et le dernier sur
les lieux du péril La belle conduite qu'il a
tenue lors de l'incendie, rue du Verger, survenu
la nuit vers 11 heures, le courage, le sang-froid
dont il avait fait preuve en cette circonstance,
étaient une garantie de l'énergie qu'il devait
avoir déployée Anvers. Dommage que Yalentin
ne fût pas là, il aurait pu se dégourdir comme
Bruxelles, le jour jamais mémorable où il a
accueilli aveccordialité, quelques uns de
nos concitoyens. Et les bavardages d'aller leur
train Décidément les hommes la solde de
la volonté de la firme Surmont, Colaert
et Cie n'avaient pas de chance Il y a trois ans, la
musique communale avait pendant les courses,
la plaine d'amour, l'accident que tout Y'pres
connaît et qui lui a valu le surnom de Harmonie
des tumelaars, et aujourd'hui c'était le corps des
pompiers qui avait couru danger. Etait-ce un
mauvais présage pour les luttes électorales pro
chaines C'était de la guigne Les exagérations
se multipliaient l'infini M. Surmont allait
prendre le premier train pour aller constater de
visu les dégâts survenus ses chers concitoyens. M.
Colaert allait accompagner pour consoler 1 epére
de la Cité du malheur arrivé ses chers enfants.
M. Berghman courait déjà au commissariat de
police pour prévenir les agents de la force publi
que de se rendre, avec des civières et des bran
cards, l'arrivée du train qui ramenait les
blessés. M. le conseiller Boone, piqué par le
remords d'avoir mis autrefois la porte de chez
lui d'honnêtes pompiers qui venaient lui deman
der l'aumône pour les pauvres, se disposait
recevoir les blessés dans sa brasserie, les matelas
étaient déjà disposés, etc., etc., etc
Tout Ypres attendait avec anxiété le retour
de nos braves pompiers. La foule qui stationnait
la gare pour se rendre compte du désastre,
poussa des cris de joie en voyant descendre du
train, sans être endommagés, nos firemen qui titu
baient quelque peu, il est vrai, mais qui rassu
raient complètement leurs concitoyens. Ils
avaient vu de loin l'effondrement de deux estra
des.
Tout est bien qui finit bien, mais dorénavant
nous nous mettrons en garde contre les faux
bruits.
Dans un de nos villages flamands vivait une
nombreuse famille d'ouvriers, père, mère et
sept enfants. Ces gens étaient pauvres, mais
heureux la culture d'un lopin de terre, l'élève
du lapin et un travail opiniâtre de la mère sup
pléèrent au maigre salaire du père. Soudain un
grand malheur vint frapper cette famille mo
dèle. Le père fut enlevé par l'infiuenza en peu
de jours. La veuve et ses jeunes enfants éplorés,
soutenus par des voisins pauvres et charitables,
continuèrent vaillamment la lutte pour l'exis
tence, lorsqu'un nouveau malheur vint les at
teindre. La maladie du père n'avait pas permis
de payer ponctuellement le bail de la terre et le
propriétaire fit saisir et vendre les récoltes, con
sistant en un peu de légumes et des pommes de
terre. A peine la vente couvrit les frais de l'huis
sier.
Si la mère et ses pauvres orphelins ne sont
pas morts de faim et de froid l'hiver dernier,
ils le doivent la charité des voisins, aussi de
pauvres ouvriers.
Le propriétaire en cauée est un chef clérical,
grand ami, dit-il, des ouvriers et des cultiva
teurs. Un marchand d'esclaves aime et traite
mieux ses esclaves que ces chrétiens civilisés ne
traitent les populations qu'ils exploitent.
C'est licite, dira l'organe des grands proprié
taires catholiques.
Nous ne le contestons pas. Mais jeter une
nombreuse famille ouvrière dans la misère pour
un rien, cela est-il humain? Cela n'est-il pas
un abus de la richesse Une odieuse tyrannie
Il y a quelques jours, un ouvrier maçon,
Théophile D., travaillait dans un établissement
clérical une nouvelle construction importante.
Un chef du parti vint, sous prétexte de visiter
les travaux, inspecter les ouvriers. Qui êtes-
vous? dit-il au maçon. Je m'appelle Théo
phile D. et j'habite telle rue. Théophile D.
répète l'interrogateur. Je ne me rappelle pas ce
nom. Je ne l'ai pas encore vu. Vous n'êtes pas
du patronage, ni de la garde catholique
Non, fut la réponse je ne m'occupe pas de
politique. An il faudra cependant que vous
fassiez au moins partie de la garde catholique
où vous ne pourrez continuer travailler ici.
Je vais y réfléchir, fut la réponse.
Quelques jours après, l'inquisiteur revint la
charge pour avoir la réponse. Théophile répon
dit qu'il tenait sa liberté et qu'il aurait préféré
chercher du travail en France que de se laisser
museler comme un chien pour un morceau de
pain. Cette hère réponse fut punie par une mise
la porte immédiate.
Cela est légal, licite, et permis par le code
civil et par le code pénal, Journal d'Ypresmais
condamné pour touB les gens de cœur, par la
morale humaine et chrétienne.
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LE PROG
vires acquirit edhdo.
ABONNEMENT PAR AN; Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00
Idem. Pour le restant du pays7-00.
tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20.
INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-2o
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et 2, -ue de l'Enseignement, Bruxelles.