AVIS. A nos lecteurs. Libéraux et paysans. La justice des hommes. 55. Jeudi, 54e ANNÉE., 12 Juillet 1894. 6 FRANCS PAR AN. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. Nous prions instamment nos lecteurs de bien vouloir remettre au bureau du Progrèstous les timbres oblitérés et toutes les feuilles et mor ceaux d'étain qu'ils pourraient recueillir. Ces objets sont destinés une œuvre philan thropique. Le Comité de l'Association libérale engage vivement ses amis politiques qui recevraient notification de leur radiation des listes provisoires, ou notifica- calion de la réduction du nom bre de leurs votes, transmettre sans retard la copie de cette notification au Secrétariat de l'Association, Café du Saumon. Un laps de temps très-limité est accordé aux requérants pour formuler et déposer leurs re cours. Les intéressés sont donc invi tés ne pas perdre de temps. Le parti libéral n'a rien fait juscju ici pour les classes agricoles. Cela se clame aujourd'hui dans tous les journaux de sacristie, et cela va servir de boniment aux pitres bien pensant qui pré pareront les élections d'Octobre. Ce qui est vrai, c'est que parmi les libéraux qui sont libre-échangistes, et qui ne croient pas que c'est en frappant d'un impôt la tartine plus ou moins margarinée, et la tasse de café de l'ouvrier que l'on sauvera l'agriculture. Et on reproche systématiquement tous les libéraux de partager ces idées économiques. Mais ce qui ne l'est pas moins, c'est que les classes rurales doivent au libéralisme les mesu res qui ont le plus contribué leur assurer la rémunération de leurs efforts. En abolissant les octrois, le parti a supprimé )rès de cinq millions de taxes nuisibles aux iaysans et débarrassé les populations rurales de a rançon qu'elles payaient aux villes. C'est encore le parti libéral qui a provoqué la création des chemins de fer vicinaux et pro curé aux populations agricoles les inestimables avantages que procure la proximité des voies ferrées. II s'est efforcé aussi de faire pénétrer le crédit dans les campagnes. La loi du 15 Avril 1884, élaborée par M. Graux, a autorisé la caisse d'épargne faire des avances de fonds aux cul tivateurs et a dégagé le capital de l'agriculture des entraves qui jusqualors l'avaient frappé d'indisponibilité. Cette tentative s'est heurtée la répugnance des paysans pour les emprunts. Elle devait avoir pour corollaire, pour adjuvant indispen sable, le développement de 1 instruction dans les campagnes. Or, l'on sait que ce développement, si large ment inauguré parle ministère de 1879, a été brutalement interrompu et annihilé par le re tour des cléricaux au pouvoir en 1884. Il est vrai que les cléricaux ont créé un mi nistère de l'agriculture. Mais le véritable ministère de l'agriculture était celui de l'instruction publique. Et celui-là, nos maîtres l'ont supprimé. Ce que le nouveau corps électoral n'oublierà pas. Nous ne sommes plus si éloigné du grand jour où le peuple belge, désormais détenteur du droit de vote, fera entendre son verdict. II se souvien dra de tout le mal que dix ans de domination cléricale ont causé au pays tout entier. En arrivant au pouvoir, nos adversaires an noncèrent urbi et orbi la fin du favoritisme et l'avènement de la répartition équitable des fonctions publiques et on n'a jamais constaté plus de partialité dans les différentes adminis trations. Beaucoup des nouveaux élus aux pla ces d'inspecteurs de l'enseignement ont été choisis parmi les cléricaux et préférablemenl dans les rangs des renégats et des déserteurs de l'enseignement officiel. Les catholiques ont feint de s'apitoyer sur le triste sort des ouvriers et notamment sur la si tuation de ceux qui étaient obligés de passer par le cabaret pour régler leurs salaires. Ils ont fabriqué unè loi illusoire pour réprimer cet abus, mais ils en ont arrête l'exécution dès qu'ils se sont aperçus qu'un intérêt clérical pouvait en être lésé. C'est encore sous prétexte de venir en aide la classe des travailleurs qu'on a décidé le dé grèvement de certaines catégories d'habita tions et, de fait, ce dégrèvement n'a servi en son temps qu'à frustrer de l'electorat censitaire les plus méritants et les plus économes parmi la classe laborieuse. Heureusement, justice est faite moitié, ils auront accès aux urnes comme les autres, ces braves travailleurs. Les cléricaux ont proclamé la défense natio nale un intérêt de premier ordre mais les actes n'ont pas répondu aux paroles et il a fallu qu'un catholique lui-même vienne lancer aux siens ce sanglant reproche Mieux vaut servir son pays que son parti. Quand les ultramon- tains étaient opposition, ils faisaient des dis cours indignés contre les charges militaires et maintenant qu'ils sont au pouvoir, ils ont porté la durée du service de 8 13 ans. Il est vrai que les aumôniers sont là et que l'armée, est placée sous la haute surveillance de l'épiscopat. Aux industriels, les catholiques ont promis des travaux publics profusion M. Beernaert promettait plus de travaux en six mois que les libéraux n'en avaient exécutés en huit ans. Ils n'ont rien fait. La troupe des sans-travail aug mente de jour en jour et le pays est dans le ma rasme. Il ont créé le département de l'agriculture qui a produit, quoi Rien, sinon des places pour les créatures de nos maîtres. Nous avons la confiance dans le nouveau corps électoral pour endiguer les flots montants d'un cléricalisme effréné, menaçant d'engloutir tout, jusqu'à nos libertés les plus chères. Le sujet qui fait l'objet de notre article d'au jourd'hui n'est pas neuf". D'autres avant nous, et avec plus d'autorité, ont maintes fois, plaidant éloquemment une cause juste, démontré que l'exécution capitale constitue pour le XIXe siè cle, non-seulement un sanglant anachronisme, mais que cette peine sera la honte éternelle d'un siècle où le progrès et la-civilisation semblent être arrivés l'apogée de ce que le génie humain peut concevoir. Nous eussions préféré ne pas toucher ce triste sujet mais, quand nous sentons toute l'horreur qui se dégage de l'atroce exécution des six anarchistes fusillés il y a quelques jours Barcelone quand nous voyons que l'elfroyable mort de ces malheureux est, pour certains in dustriels qui ne sentent pas le rouge de la honte leur couvrir le front, un moyen de faire ar gent en publiant dans leurs journaux des gravures représentant d'une façon plus ou moins exacte la scène de carnage laquelle cette exé cution, qui dépasse en horreur la mort par le couperet, a donné lieu quand nous voyons ainsi spéculer sur les passions malsaines des différen tes couches de la société, nous sommes envahis par deux sentiments bien distincts: un sentiment de colère contre la société qui croit faire justice et ne commet qu'un crime, un sentiment de pitié pour les égarés qui ont expié si cruellement leur crime ou leur folie. Loin de nous la pensée de chercher atténuer l'action criminelle de ceux qui se livrent contre les hommes et les choses des attentats que l'or ganisation sociale actuelle, toute parsemée d'in justices et d'iniquités, ne saurait cependant justifier. Jamais un crime ne justifie un crime. Et la réprobation, l'indignation universelles que soulèvent ces attentats, dont l'horreur et l'infa mie dépassent l'horizon do l'imagination la plus ébranlée, la plus pervertie, sont telles, que celui qui se croit digne de porter le nom d'homme se refuse croire qu'il existe de par le monde des êtres assez méchants, assez féroces et assez lâches pour se livrer froidement, en pleine possession de leurs facultés mentales, des actes qui, s'ils ne relèvent de la brute, relèvent, sans hésitation possible, de la plus terrifiante folie. Oui, pour l'honneur de l'humanité, nous eus sions voulu ignorer et ces actions infâmes et ces répressions égalant en sauvagerie et en hideur la monstruosité de l'attentat. LE PROG vires acqcir1t edmdo. ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00. Idem. Pour le restant du pays7-00. tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25 Insertions Judiciaires la ligne, un franc. Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Progrès Pour le restant de la Belgique et de l'Etranger I'Agence Rossel, 44, rue de la Madeleine, al 2, rue de l'Enseignement, Bruxelles. Ypres, le 11 Juillet 1894.

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Le Progrès (1841-1914) | 1894 | | pagina 1