RéparationJudiciaire. i M0 62. Dimanche, 54e ANNÉE. 5 Août 1804 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. 6 FRANCS PAR AN. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. Nous, LÉOPOLD DEUX, Roi des Belges, A tous présents et venir, faisons savoir Le Tribunal de première Instance, séant Ypres, Flandre Occidentale, a prononcé le juge ment suivant En cause de: Monsieur Achille TH1EBAULT, commis au Parquet d'Ypres, demandeur, repré senté par Maître BOSSAERT Contre Monsieur Brunon CALLEWAERT, imprimeur, défendeur, représenté par Maître COLAERT. Après une inutile tentative de conciliation, la cause fut introduite par exploit d'ajournement du ministère de l'Huissier HOF, Ypres, en date du onze Novembre mil huit cent nonante-trois, et régulièrement portée l'audience du vingt- quatre Novembre, où Maître Bossaert, pour le demandeur, prit les conclusions suivantes, fai sant suffisamment connaître le point de fait et le point de droit Attendu que dans le Journal d'Ypres nu méro du vingt-cinq Octobre dernier, dont un exemplaire, produit au litige, a été dûment en registré la date du vingt-huit Octobre dernier, volume cinquante, folio trois, numéro un, au Bureau de cette ville, dans un long article, sous le titre Les illustrations du Progrès com mençant par les mots Le trio est complet et finissant par ceux-ci la vente se fait au profit de l'œuvre le demandeur a été diffamé, vili pendé de la plus outrageuse et de la plus scan daleuse façon que, notamment, il y est traité de caricaturiste inepte, bête et infâme de vidangeur de forban du crayon, le plus vil que la terre ait porté d'individu qui se per met, au bassin de natation ou ailleurs, des scan dales journaliers de morale indépendante de personnage qu'on ne peut plus diffamer et qui, lui-même, estime son honneur un franc cin quante centimes, ce qui est encore de trop Attendu que, bien que le demandeur ne soit Sas nommé, il ne saurait y avoir le moindre oute sur les intentions de l'auteur de l'article incriminé, lequel a voulu désigner, et a désigné de fait, de telle manière que personne n'a pu s'y méprendre et ne s'y est mépris, le demandeur comme étant l'ignoble personnage visé et décrit Attendu que le défendeur, en sa qualité d'im primeur-éditeur du journal en question, est responsable des diffamations hautement dom mageables susrelevées vu les articles treize cent quatre-vingt deux du code civil, dix-huit de la Constitution Belge et onze du décret du vingt Juillet mil huit cent trente-un Par ces motifs, le demandeur conclut ce qu'il plaise au Tribunal dire que l'article susvisé est diffamatoire et dommageable au premier chef en conséquence, condamner le défendeur payer au demandeur une somme de vingt-cinq mille francs, titre de réparation, avec faculté d'en employer trois mille en insertions dans dix journaux son choix, lui, demandeur; con damner en sus le défendeur aux intérêts j udici- aire3 et aux dépens, le tout par jugement exécu toire par provision, nonobstant opposition ou appel, sans caution et par voie de contrainte par corps. Maître Colaert, pour le défendeur, répondit Attendu que le défendeur ne méconnaît pas que ce soit le demandeur qui est visé dans l'ar ticle incriminé, mais qu'il prétend que cet arti cle a été inséré dans le journal pendant son absence et son insu, comme l'insu de la ré daction qui, dès le numéro suivant, a protesté contre cet article et a expliqué de quelle façon il a pu être inséré dans le journal Attendu que le demandeur ne justifie pas d'un dommage quelconque et que, d'ailleurs, il n'a pu subir aucun dommage, étant donné que la rétractation de l'article a été absolue, le jour nal déclarant, au surplus, que les attaques ren fermées dans l'article incriminé étaient injustes; Par ces motifs, plaise au Tribunal dire pour droit que l'article en question n'est pas dom mageable et débouter le demandeur de ses fins avec dépens. A une audience subséquente, Maître Bossaert répliqua dans les termes suivants aux conclu sions de la partie défenderesse Attendu que la prétendue rétractation, invo quée par le défendeur, n'a été qu'un pauvre ex- Ïiédient, qu'on a cru habile, pour atténuer, dans a mesure du possible, ce qu'il y avait de visi blement grave et odieux dans l'article incrimi né que lo défendeur, responsable de cet article, ne pouvant en nier le caractère haute ment diffamatoire, ni méconnaître qu'il eût en vue la personne du demandeur, a essayé de se tirer d affaire l'aide d'une explication dont l'invraisemblance et l'absurdité sautent aux yeux, et laquelle personne n'a cru, ni pu croire que cette explication n'est, tout prendre,qu'une moquerie et non une réparation; que, alors même d'ailleurs qu'elle eût tendu revêtir ce dernier caractère, encore elle ne pouvait suffire détruire l'effet causé par la diffamation dont plainte qu'il n'est pas dis cutable, au surplus, que le débordement d'inju res et de calomnies relevé n'ait dû avoir pour résultat de porter une grave atteinte l'honneur du demandeur, et que c'est même une injure nouvelle que de prétendre le contraire Pour tous ces motifs encore, le demandeur dé clare persister dans ses tins introductives. Tous ces écrits dûment signifiés d'avoué avoué. A l'audience du seize Février mil huit cent nonante-quatre, parties développèrent leurs moyens, et, celle du vingt-trois même mois, Monsieur le Procureur du Roi fut entendu en son avis. Le Tribunal retint la cause en délibéré. En droit toire l'article incriminé est-il diffama- Y oire et dommageable pour le demandeur Y ,-t-il lieu, par suite, de lui allouer les fins de sa demande Quid des dépens Sur quoi délibérant Attendu que l'action tend faire déclarer dif famatoire et dommageable, au premier chef, pour le demandeur, un article paru dans le Journal d'Ypresnuméro du vingt-cinq Octobre mil huit cent nonante-trois, sous le titre Les illustrations du Progrès commençant par les mots le trio est complet et finissant par ceux-ci: «la vente se fait au profit de l'œuvre et, par suite, faire condamner le défendeur payer au demandeur une somme de vingt-cinq mille francs titre de réparation, avec faculté, pour ce dernier, d'employer trois mille francs en insertions dans dix journaux, son choix, du j ugement intervenir faire condamner, en sus, e défendeur aux dépens le tout exécutoire par voie de contrainte par corps, par provision, non obstant ou appel, et sans caution Attendu que, bien que le demandeur ne soit pas nommé dans l'article ci-dessus visé, il ne saurait y avoir le moindre doute sur les inten tions de son auteur, lequel a voulu désigner et a désigné le demandeur de manière que personne n'a pu s'y méprendre et ne s'y est mépris, étant donné surtout que,par jugement du Tribunal de Eremière Instance d Ypres, du deux Décembre mil uit cent nonante deux, confirmé en appel, par ar rêt de la Cour d'appel de Gand du premier Juillet mil huit cent nonante-trois, il avait été jugé dé finitivement que le demandeur avait été suffi samment désigné dans les articles qui avaient donné lieu aux poursuites dans cette première affaire Achille Thiebault contre Edouard Froi dure Attendu, au surplus, que le défendeur en la cause actuelle ne méconnaît point que ce soit le demandeur qui est visé dans l'article incriminé Attendu que, l'auteur de l'article étant in connu, le défendeur, en sa qualité d'imprimeur- éditeur du Journal d'Ypresest responsable du dommage causé Au fond Attendu que, dans l'article incriminé, le de mandeur a été diffamé et insulté de la façon la plus scandaleuse que, notamment, il y est dé signé comme le dessinateur de charges, d'une infamie et d'un bête faire désabonner, l'un après l'autre, les derniers fidèles, gens fort peu scrupuleux et difficiles cependant, de l'igno- ble torchon, le Toekomst qu'il y est traité de vidangeur que n'hésita pas renvoyer de son atelier, le dit Toekomst du plus vil forban du crayon que la terre ait porté D'individu dont les scandales, qu'il se permet journellement, au bassin de natation, au café, ou ailleurs, sont connus des lecteurs du jour- nal, pour avoir dû, tout au moius, en entendre parler, s'ils n'en ont pas été témoins d'in- dividu dont les colonnes du journal se refusent détailler tous les exploits de morale indé- pendante De personnage qu'on ne peut plus diffamer et qui, lui-même estime sou non- neur un franc cinquante centimes, ce qui est encore de trop Attendu, au surplus, que tout l'article, en deux colonnes du journal, n'est qu'un tissu d'in jures d'une grossièreté, soulever d'indigna tion toute nature honnête tel point, que le défendeur n'a pu trouver d'autre moyen de dé fense que de répudier le factum diffamatoire, et de prétendre qu il a été inséré dans le journal pendant son absence et son insu, comme l'in su de la rédaction Attendu que le fait du diffamateur est d'au-, tant plus grave que, pour dépeindre sa victime et avilir son honneur, il se moque, en la tronquant, de la réparation judiciaire obteuue par le de mandeur dans l'affaire en diffamation suivie contre Edouard Froidure en mil huit cent no- nante-deux-mil huit cent nonante-trois, et qu'il lance, par dessus tout, l'outrage la justice qui a vengé l'honneur de la victime, en la qualifiant d'aveugle propos de sa sentence Attendu qu'il suit de ce qui précède, de même qu'il résulte du mépris de tout droit affiché par LE PROGRÈS VIRES 4CÇCI81T EONDO. ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00. Idem. Pour le restant du pays7-00. tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25= Insertions Judiciaires la ligne, un franc. Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Procrês Pour le restant de la Belgique et de l'Etranger I'Agence Rossel, 44, rue de la Madeleine, et rue de l'Enseignement, Bruxelles. III Ml I II ■IIIIMI. ITIII

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Le Progrès (1841-1914) | 1894 | | pagina 1