.M0 69. Jeudi,
54e ANNÉE
30 Août 1894.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
A nos lecteurs.
La vérité.
L'ouvrier
devant la démocratie chrétienne
Les instituteurs.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSAIT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Nous prions instamment nos lecteurs de bien
vouloir remettre au bureau du Progrèstous les
timbres oblitérés et toutes les feuilles et mor
ceaux d etain qu'ils pourraient recueillir.
Ces objets sont destinés une œuvre philan
thropique.
Ypres, le 29 Août 1894.
Déjà la presse cléricale préparé et commence
la lutte électorale c'est dire que déjà elle tra
vestit la vérité et fait sa façon I histoire de la
revision constitutionnelle.
II importe de rétablir la réalité des faits en
résumant en quelques constatations indéniables
les étapes et les événements de la période ré
visionniste.
C'est M. Paul Janson qui a déposé la
Chambre la proposition de revision de la con
stitution. Puis la gauche, appuyee par le libé
ralisme de toutes nuances dans le pays entier,
a fait preuve d'une fermeté telle, qu'elle a ac
cule le gouvernement et sa majorité la né
cessité de subir la revision et obtenu la revision
malgré les fins de non-recevoir, les lenteurs,
les habiletés et les obstacles de toute nature
suscités par le parti catholique.
N'est-il pas vrai que nos maîtres n'ont cédé
que devant la pression de l'opinion publique et
dans les conditions qui démontrent leur égoïste
[irudence, mais ne laissent aucun doute sur
eurs sympathies pour les électeurs nouveaux
Est-il certain qu'après avoir, contraints et
forcés, admis le principe de l'extension du droit
de suffrage, ils se sont montres intransigeants
dans son application et l'ont restreint aux limi
tes les plus étroites par la loi électorale?
Irrémédiablement ignorant ou volontaire
ment sourd et aveugle serait celui qui nierait
l'opposition de la droite, l'obstructionnisme de
M. Woesle et il faudrait désespérer du bon sens
du Peuple Belge pour croire qu'il puisse attri
buer d'autres qu'aux libéraux le courant de
large et généreuse démocratie qui caractérise
l'orientation politique du pays.
Et si les cléricaux, disciples des jésuites,
n'hésitent pas s'affubler une fois de plus d'un
masque menteur, les électeurs nouveaux n'ou
blieront pas qu'ils nous doivent la vie politique
et se rangeront en masse autour de notre dra
peau.
Vous aurez beau mentir, ennemis séculaires
delà liberté, du progrès, de l'émancipation de
l'homme et des peuples, apôtres de la réaction
toujours militante et menaçante, vous qui révéz
d'asservir nouveau le monde votre tyranni-
que domination et de faire régner le cretiitisme
obligatoire, les citoyens Belges, cette fois pres-
qu'ègaux devant la loi, affranchis par l'instruc
tion et délivrés de la camisole de force que leur
impose l'étroilesse de vos doctrines, vous aban
donneront, et heureux vous serez s'ils préfèrent
des mots énergiques que l'histoire a conser
vés, le vers aimable du poète
Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille
Depuis la fameuse encyclique Rerum Nova-
rum qui fut le signal de la naissance socialiste
de l'Eglise, la démocratie chrétienne s'est étran
gement développée en Europe. La France
comme la Belgique assiste celte évolution,
non sans un scepticisme justifié. Un journal
parisien vient d'y consacrer un article qui s ap
plique merveilleusement au spectacle que nous
avons sous les yeux depuis deux ans et qui
prend, la veille des élections, un caractère
particulier
Quand un commerçant, dit notre confrère,
perd sa clientèle, il devient ingénieux, met au
rancart ses rossignols et ses vieux fonds de
magasin, renouvelle son étalage et tente de le
mettre d accord avec les modes du jour.
C'est le spectacle que l'Eglise, celte grande
maison de commerce, nous donne aujourd hui.»
Apres ce préambule peu respectueux, la
feuille étrangère examine les principes qui ont
dicte le mouvement et montre leur application
dans la pratique.
C'est surtout dans la pratique qu'il faut
voir les résultats de cette démocratie chré
tienne dont, sous la haute direction des Ram-
polla de l'entourage du pape, jouent si habile
ment les abbes Garnier de carrefours et de
réunions publiques.
Nous connaissons quelques-unes de ces
maisons industrielles dont les chefs suivent,
mot pour mot, les instructions des encycliques
papales et des publications catholiques.
Jamais plus abominable tyrannie ne pesa
sur des êtres humains que dans ces maisons
chrétiennes, où la pensee est encore plus en
chaînée que le corps est asservi.
Si le salaire n'y est pas supérieur celui
des autres maisons similaires, en revanche les
obligations y sont plus nombreuses, et quelles
obligations I Ce n'est pas un homme, l'ouvrier
de la démocratie chrétienne, c'est la chose du
patron, auquel il appartient corps et àme, lui,
sa femme et ses enfants.
Obligation d'aller la messe, confesse,
d'assister toutes les cérémonies religieuses,
d'écouter les pieux sermons des prédicateurs
attachés l'établissement. Obligation pour le
ménage d'envoyer les enfants aux écoles con-
gréganistes organisées par la direction. Obli
gation de cacher sa pensée, de surveiller ses
lectures, de peser ses mots et de voiler son re
gard.
A tout cela s'ajoute un effroyable espion
nage, qui suit l'ouvrier jusque dans son inté
rieur et le signale la vengeance patronale s il
soulève un seul instant le masque qu'il a dû
s'appliquer sur le visage en entrant dans la
sainte maison.
Et c'est cette organisation, destructive de
toute liberté et de toute dignité, que lEglise
ose nous présenter, sous le nom de démocratie,
comme solution de la question sociale.
Les ouvriers libéraux ne se laisseront pas
prendre cette glu, et sachant ce que vaut
cette démocratie chrétienne en similor, ils op
poseront un sourire sceptique aux belles décla
mations des cléricaux. El ils feront bien, car
l'Eglise a tout simplement retapé son ancien
fonds de commerce et tenté d'escroquer le pu
blic en lui présentant du vieux comme du
neuf.
Heureusement la malice est connue, et les
victimes de celte escroquerie ne seront guère
nombreuses.
Le devoir des libéraux, dans la grande lutte
qu'ils vont entreprendre, est de penser aux
victimes des cléricaux, aux instituteurs qu'il
s'agit d'arracher leurs persécuteurs, en empê
chant la ruine de l'enseignement officiel.
Après dix ans de régime clérical, des gens,
qui ne méritent pas dappartenir notre parti,
ont oublié, sous la botte de nos maîtres, les
conséquences de la loi scolaire de 4884.
A plusieurs reprises cependant A1. Bara, l'é-
minent ministre d'Etat, citant chiffres et statis
tiques, a montré les suites navrantes de la
persécution scolaire et flétri dans plusieurs
discours la Chambre ceux qui n'avaient pas
hésité, pour satisfaire leurs rancunes politiques,
fermer les écoles, chasser les instituteurs et
les remplacer par des ignorants, malheureux
sans diplôme, qui donnaient l'instruction dans
les écoles congréganistes.
il a appuyé alors son argumentation substan
tielle de documents pris dans la paperasserie
officielle. Et que disaient-ils?
Que depuis le renversement du cabinet libé
ral, millequarante-sepl instituteurs avaient été
mis en traitement d'attente et quinze cents
chassés brutalement, odieusement, sans traite
ment aucun.
Trois mille huit cent seize instituteurs ont eu
leur traitement réduit.
Enfin, dix ans après l'année nefaste, désirez-
vous savoir combien il y a d'instituteurs et ins
titutrices en disponibilité pour suppression
d'emploi, souffrant les tortures de la faim et les
angoisses de la misère
Cinq cent quatre-vingt l
Cette persécution inouïe,qui a atteint tant de
braves et honnêtes citoyens, coupables d'avoir
eu foi dans l'Etat en choisissant une situation
qu'ils avaient acquise par leurs éludes et leur
intelligence, ne crie-t-elle pas vengeance?
Les électeurs ne feront-ils pas un effort su
prême pour faire cesser cette monstrueuse
injustice et débarrasser le pays des réaction
naires et des persécuteurs
Les instituteurs qui nont pas perdu leurs
fonctions au lendemain de l'application de la
loi Woeste et Jacobs en 1884, aux mains d'un
LE PROGRÈS
vires acquir1t ecndo.
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