Souvenirs et constatations M0 12. Jeudi, 56e ANNÉE. 13 Février 1896. 6 FRANCS PAR AN. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Un peu d'honnêteté, s. v. p. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. ▼1res acycirit el'kdo BONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, ff. 6-00 Idem. Pour le restant du pays7-00 tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames la ligne, fr. 0-25. Insertions Judiciaires la ligue, un franc. Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Progrès Pour le r&ftant de la Belgique et de l'Etranger, également aux bureaux du journal LE PROGRÈS, On traite forfait. Ypres, le 12 Février 1896. Deux faits ont été mis en lumière, ces jours- ci, qui ont produit dans le pays une impression profonde on a dénoncé des actes de corrup tion politique, et le gouvernement a pris la défense des corrupteurs on a pu démontrer, preuve l'appui, que partout où il devrait agir en s'inspirant uniquement d'un intérêt de jus tice et d'équité, le gouvernement agissait, au contraire, avec un parti-pris révoltant. Ce sont de graves fautes, qui indiquent ou bien une grande perversité, ou bien une igno rance complète des exigences des temps où nous vivons. se faire respectér. Ce sont des actions indignes d'un gouverne ment qui se respecte et qui a la prétention de Nous ne sommes plus sous le régime du bon plaisir. L'autorité ne se fonde plus sur la vo lonté de quelques-uns pour conserver sa force, elle doit se borner n'exiger que ce qui est juste, moral, nécessaire. Pour se faire accepter, if faut qu'elle tienne scrupuleusement compte de ce fait, qu'au temps présent ils sont de plus en plus nombreux les nommes qui ont conscience de leurs droits in dividuels et qui veulent que ces droits soient sauvegardés. En méconnaissant cela, nos gouvernants re courent des procédés d'un autre âge. On dirait vraiment que nos dirigeants cléri caux en sont encore ignorer qu'il existe une morale sociale tout comme il y a une morale privée, et que les rapports de l'une avec l'autre sont étroits au point qu'elles se confondent souvent. L'Etal, ou plutôt les ministres qui le repré sentent n'ont pas plus le droit d'être immoraux ou malhonnêtes que le dernier des citoyens. Tel ministre pourtant qui, dans la vie privée, peut passer pour un type d'honneur, de droi ture et de loyauté, n'hésite pas recourir, en politique, des procèdes peu corrects. Il couvre des corrupteurs il obéit de mes quines rancunes de parti, oubliant tout fait que si un homme politique se doit son parti, ;e dévoûaient ne doit pas aller jusqu'au dés- lonneur Il faut absolument extirper des cerveaux umains cette idée qu'en politique on n'est pas bhgé d'agir avec autant de modération, de stice. de correction, de loyauté que dans la le privée. Il faut anéantir ce préjugé d'un autre âge, cepté avec d'autant plus de ferveur par nos cagots qu'il est un héritage de l'Eglise. ICest elle qui, au moyen-âge, prêcha aux masses asservies que tout était permis aux princes, puisqu'ils tenaient leur autorité de^ source divine. La soumission aveugle servait autant cette époque les intérêts des princes que ceux de l'Eglise elle-même. Aujourd'hui que les masses s'émancipent, que la conscience du peuple grandit et s'affirme, on peut compter de plus en plus sur les ci toyens pour qu'ils amènent les hommes politi ques respecter enfin fa morale et la justree. Ah 1 vous croyez, messieurs, que vous avan tagez votre parti en le faisant triompher et là par des moyens inavouables vous croyez que vous consolidez vos rangs en ne réservant vos faveurs qu vos amis et en foulant aux pieds tous les droits de ceux qui ne sont pas des vôtres. Continuez 1 Vous verrez tous les honnêtes gens s'unir contre vous et vous balayer au nom de la con science publique révoltée L'annee 1896 sera une aonée délections, d'élections législatives dans la moitié du pays, d'élections provinciales complétés ou partielles, suivant que le gouvernement accouche ou n'ac couche pas du projet de loi annonce depuis deux ans. Deux mots, ce propos, sur la situation de nos divers partis. Rappelons d'abord les caractères essentiels des élections d'Octobre 1894, qui ont trans formé la physionomie du Parlement. Ces élections donnèrent au parti clérical une majorité écrasante. Mais le grand vainqueur de la journée fut le parti socialiste qui, sans représentation sous le régime censitaire, obtenait d'emblée une tren taine de députes. A part M. Georges Lorand, dont l'élection isolee Virton fut un succès personnel pour le vaillant publiciste, le groupe progressiste-radi cal n apparaissait au Parlement qu'à la suite d'arbitrages ou de coalitions qui lui imposaient la protection du socialisme. Ses chefs les plus autorises étaient transportés l'arrière plan. Paul Janson se voyait remisé au Sénat, Emile Feron, après avoir échoue Bruxelles, se voyait rebuté Thuin. Si le parti collectiviste fut le grand vainqueur d'Octobre 1894, le parti libéral en fut le grand vaincu. Si écrasante était sa défaite, qu'il sem blait jamais enterre. Celait qui célébrerait ses funérailles. M. Woeslene négligeait aucune occasion de verser des larmes de crocodiles sur la tombe de cet adversaire anéanti M. Ans- pach-Puissanl s'éclipsait plutôt que de rester en butte aux sarcasmes des socialistes, et Ton peut dire que le libéralisme, comme tel se trouve destitué aujourd'hui de toute influence parlementaire. Telle est, sans conteste, la situation extérieu re de nos partis, ne tenir compte que des forces numériques et des groupements parle mentaires. Cléricalisme tout puissant, radico-socialistes nombreux et militants, libéraux écrases, voilà la surface des choses. Mais si l'on a égard leurs dessous, leur côté interne, aux mouvements de l'opinion pu blique en dehors du Parlement, on constatera des modifications très sensibles. C'est tout d'abord l'amoindrissement du parti clérical, 1 incontestable affaiblissement de son prestige et de sa force morale. Certes, le ministère a fait voter tout ce qu'il a voulu,* même la créance Brouwne-de-Tiège, mais il n'a pas eu le courage de faire passer l'annexion du Congo et a dû subir le soufflet qu'à cette occasion lui a infligé l'un des siens, M. le comte de Mérode, démissionnant plutôt que de laisser humilier la Couronne. Second soufflet, celui de M. De Lantsheere, président de la Chambre, descendant de son siège plutôt que de souscrire la conception du président poigne, autoritaire et partial, que voulaient lui imposer la droite et le gouverne ment. Minorité et majorité sortent diminuées du débat sur la loi électorale, loi couarde et piteu sement réactionnaire, mutilant le suffrage universel. Minorité et majorité sortent diminuées du débat sur le relèvement des tarifs douaniers, si énergiquement et victorieusement combattu par le président de la Chambre, M. beernaert, se séparant avec éclat, en cette occasion, du gros de son parti. Même la loi scolaire, dont l episcopat se fait gloire, a été pour le cléricalisme un affaiblisse ment. Comme le prévoyait M. Bilaut, elle a rendu jamais impossible l'apaisement du con flit scolaire, plus exacerbé que jamais. Enfin, il n'est pas jusqu'à la question mili taire qui n'ait déconsidéré le ministère et sa majorité. Elle a montré l'un et l'autre sacrifiant impudemment des intérêts électoraux les in térêts supérieurs de la défense nationale, en couvrant de ridicule le ministre de la guerre. Libre au parti clérical, après cela, de chan ter victoire, parce qu'il a toujours la majorité. Il est clair que cette majorité ne représente pas l'opinion publique et qu'elle n'a rien fait pour se relever aux yeux du pays. A peine est-il besoin de mentionner ici les démocrates chrétiens. A leur avènement, les naïfs ont pu croire qu'une nouvelle personnalité politique allait se manifester. L'illusion n'a pas été longue. Voilà les démocrates chrétiens em brigades et domestiqués, comme ils sont jugés et jaugés. Et si I abbe Daens se permet encore, de temps en temps, quelques explosions d'in- LE 4< 4e

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