Souvenirs et constatations
M0 12. Jeudi,
56e ANNÉE.
13 Février 1896.
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Un peu d'honnêteté, s. v. p.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
▼1res acycirit el'kdo
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Ypres, le 12 Février 1896.
Deux faits ont été mis en lumière, ces jours-
ci, qui ont produit dans le pays une impression
profonde on a dénoncé des actes de corrup
tion politique, et le gouvernement a pris la
défense des corrupteurs on a pu démontrer,
preuve l'appui, que partout où il devrait agir
en s'inspirant uniquement d'un intérêt de jus
tice et d'équité, le gouvernement agissait, au
contraire, avec un parti-pris révoltant.
Ce sont de graves fautes, qui indiquent ou
bien une grande perversité, ou bien une igno
rance complète des exigences des temps où
nous vivons.
se faire respectér.
Ce sont des actions indignes d'un gouverne
ment qui se respecte et qui a la prétention de
Nous ne sommes plus sous le régime du bon
plaisir. L'autorité ne se fonde plus sur la vo
lonté de quelques-uns pour conserver sa
force, elle doit se borner n'exiger que ce qui
est juste, moral, nécessaire.
Pour se faire accepter, if faut qu'elle tienne
scrupuleusement compte de ce fait, qu'au temps
présent ils sont de plus en plus nombreux les
nommes qui ont conscience de leurs droits in
dividuels et qui veulent que ces droits soient
sauvegardés.
En méconnaissant cela, nos gouvernants re
courent des procédés d'un autre âge.
On dirait vraiment que nos dirigeants cléri
caux en sont encore ignorer qu'il existe une
morale sociale tout comme il y a une morale
privée, et que les rapports de l'une avec l'autre
sont étroits au point qu'elles se confondent
souvent.
L'Etal, ou plutôt les ministres qui le repré
sentent n'ont pas plus le droit d'être immoraux
ou malhonnêtes que le dernier des citoyens.
Tel ministre pourtant qui, dans la vie privée,
peut passer pour un type d'honneur, de droi
ture et de loyauté, n'hésite pas recourir, en
politique, des procèdes peu corrects.
Il couvre des corrupteurs il obéit de mes
quines rancunes de parti, oubliant tout fait
que si un homme politique se doit son parti,
;e dévoûaient ne doit pas aller jusqu'au dés-
lonneur
Il faut absolument extirper des cerveaux
umains cette idée qu'en politique on n'est pas
bhgé d'agir avec autant de modération, de
stice. de correction, de loyauté que dans la
le privée.
Il faut anéantir ce préjugé d'un autre âge,
cepté avec d'autant plus de ferveur par nos
cagots qu'il est un héritage de l'Eglise.
ICest elle qui, au moyen-âge, prêcha aux
masses asservies que tout était permis aux
princes, puisqu'ils tenaient leur autorité de^
source divine.
La soumission aveugle servait autant cette
époque les intérêts des princes que ceux de
l'Eglise elle-même.
Aujourd'hui que les masses s'émancipent,
que la conscience du peuple grandit et s'affirme,
on peut compter de plus en plus sur les ci
toyens pour qu'ils amènent les hommes politi
ques respecter enfin fa morale et la justree.
Ah 1 vous croyez, messieurs, que vous avan
tagez votre parti en le faisant triompher et
là par des moyens inavouables vous croyez
que vous consolidez vos rangs en ne réservant
vos faveurs qu vos amis et en foulant aux
pieds tous les droits de ceux qui ne sont pas
des vôtres.
Continuez 1
Vous verrez tous les honnêtes gens s'unir
contre vous et vous balayer au nom de la con
science publique révoltée
L'annee 1896 sera une aonée délections,
d'élections législatives dans la moitié du pays,
d'élections provinciales complétés ou partielles,
suivant que le gouvernement accouche ou n'ac
couche pas du projet de loi annonce depuis
deux ans.
Deux mots, ce propos, sur la situation de
nos divers partis.
Rappelons d'abord les caractères essentiels
des élections d'Octobre 1894, qui ont trans
formé la physionomie du Parlement.
Ces élections donnèrent au parti clérical une
majorité écrasante.
Mais le grand vainqueur de la journée fut le
parti socialiste qui, sans représentation sous le
régime censitaire, obtenait d'emblée une tren
taine de députes.
A part M. Georges Lorand, dont l'élection
isolee Virton fut un succès personnel pour le
vaillant publiciste, le groupe progressiste-radi
cal n apparaissait au Parlement qu'à la suite
d'arbitrages ou de coalitions qui lui imposaient
la protection du socialisme. Ses chefs les plus
autorises étaient transportés l'arrière plan.
Paul Janson se voyait remisé au Sénat, Emile
Feron, après avoir échoue Bruxelles, se voyait
rebuté Thuin.
Si le parti collectiviste fut le grand vainqueur
d'Octobre 1894, le parti libéral en fut le grand
vaincu. Si écrasante était sa défaite, qu'il sem
blait jamais enterre. Celait qui célébrerait
ses funérailles. M. Woeslene négligeait aucune
occasion de verser des larmes de crocodiles sur
la tombe de cet adversaire anéanti M. Ans-
pach-Puissanl s'éclipsait plutôt que de rester
en butte aux sarcasmes des socialistes, et Ton
peut dire que le libéralisme, comme tel se
trouve destitué aujourd'hui de toute influence
parlementaire.
Telle est, sans conteste, la situation extérieu
re de nos partis, ne tenir compte que des
forces numériques et des groupements parle
mentaires.
Cléricalisme tout puissant, radico-socialistes
nombreux et militants, libéraux écrases, voilà
la surface des choses.
Mais si l'on a égard leurs dessous, leur
côté interne, aux mouvements de l'opinion pu
blique en dehors du Parlement, on constatera
des modifications très sensibles.
C'est tout d'abord l'amoindrissement du parti
clérical, 1 incontestable affaiblissement de son
prestige et de sa force morale.
Certes, le ministère a fait voter tout ce qu'il a
voulu,* même la créance Brouwne-de-Tiège,
mais il n'a pas eu le courage de faire passer
l'annexion du Congo et a dû subir le soufflet
qu'à cette occasion lui a infligé l'un des siens,
M. le comte de Mérode, démissionnant plutôt
que de laisser humilier la Couronne.
Second soufflet, celui de M. De Lantsheere,
président de la Chambre, descendant de son
siège plutôt que de souscrire la conception du
président poigne, autoritaire et partial, que
voulaient lui imposer la droite et le gouverne
ment.
Minorité et majorité sortent diminuées du
débat sur la loi électorale, loi couarde et piteu
sement réactionnaire, mutilant le suffrage
universel.
Minorité et majorité sortent diminuées du
débat sur le relèvement des tarifs douaniers,
si énergiquement et victorieusement combattu
par le président de la Chambre, M. beernaert,
se séparant avec éclat, en cette occasion, du
gros de son parti.
Même la loi scolaire, dont l episcopat se fait
gloire, a été pour le cléricalisme un affaiblisse
ment. Comme le prévoyait M. Bilaut, elle a
rendu jamais impossible l'apaisement du con
flit scolaire, plus exacerbé que jamais.
Enfin, il n'est pas jusqu'à la question mili
taire qui n'ait déconsidéré le ministère et sa
majorité. Elle a montré l'un et l'autre sacrifiant
impudemment des intérêts électoraux les in
térêts supérieurs de la défense nationale, en
couvrant de ridicule le ministre de la guerre.
Libre au parti clérical, après cela, de chan
ter victoire, parce qu'il a toujours la majorité.
Il est clair que cette majorité ne représente pas
l'opinion publique et qu'elle n'a rien fait pour
se relever aux yeux du pays.
A peine est-il besoin de mentionner ici les
démocrates chrétiens. A leur avènement, les
naïfs ont pu croire qu'une nouvelle personnalité
politique allait se manifester. L'illusion n'a pas
été longue. Voilà les démocrates chrétiens em
brigades et domestiqués, comme ils sont jugés
et jaugés. Et si I abbe Daens se permet encore,
de temps en temps, quelques explosions d'in-
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