S° M» Jeudi,
57e ANNÉE.
3 Juin 1897
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
A V i s.
La réforme électorale.
Calomnie démasquée.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
On traite forfait.
Le Comité de l'Association libérale
d'Ypres a décidé de se faire représenter
la manifestation nationale qui se tien
dra Bruxelles le 13 Juin prochain.
Les membres de l'Association qui dési
reraient se joindre au Comité sont priés
de faire parvenir leur adhésion avant le
10 Juin prochain chez ill. Arthur Salomé,
Café du Saumon, Ypres.
Le départ pour Bruxelles est fixé au 13
Juin, 8 h. du matin.
Interpellé au Sénat sur ses intentions au sujet
d'une réforme électorale proclamée nécessaire,
depuis trois ans, par tous les hommes du Gou
vernement, le ministère s'est dérobé. Il a dé
claré qu'il n avait, pour le moment, ni propo
sitions faire ni préférences manifester, et
que les élections législatives de Juillet 1898
s'accompliraient encore sous le régime du
scrutin de liste, sans représentation proportion
nelle ni découpage des arrondissements.
Plus tard, peut-être, vers 1900, songera-t-on
diviser le trop vaste arrondissement de
Bruxelles.
Et cependant le mal est patent et la situation
grosse de périls. La représentation nationale
est faussée, et le suffrage universel est devenu
la proie des partis extrêmes, sans compensation
ni contre-poids. Le parti libéral, ce facteur
essentiel de tout gouvernement constitution
nel, malgré les centaines de mille voix qui
l'appuient dans le pays, n'est plus représente
la Chambre.
C'est un malheur, disait M. Beernaert en
1895.
C'est un événement regrettable, dit encore
M. Schollaert en 1897.
Mais ni M. Beernaert ni M. Schollaert ne
feront rien pour modifier cette iniquité.
Le ministère ne voit qu'une chose, l'avantage
actuel que lui procure l'injustice régnante.
Le suffrage universel, avec le scrutin de liste,
lui a donne une majorité cléricale comme il
n'y en a jamais eu en Belgique.
Dès lors, pourquoi innover Ne suffit-il pas
nos gouvernants de détenir le pouvoir, de
n'avoir aucun contrôle sérieux subir, aucune
opposition redoutable rencontrer Et n'est-
ce pas un régime excellent, que celui qui per
met aux créatures de l'épiscopat de cléricaliser
1 enseignement, la magistrature, l'administra
tion, et d'appeler tous leurs frères et amis la
curée des places et des honneurs
Si nos ministres, au lieu de n'être que des
politiciens, étaient des hommes d Etat si
côté de l'ambition politique qui les égare, ils
avaient quelque dévouement aux institutions
du pays s'ils savaient, en législateurs pré
voyants, sacrifier les avantages actuels aux
nécessités de demain, ils ne laisseraient pas se
perpétuer le déséquilibre parlementaire et l'in
juste écrasement des minorités dont nous som
mes les témoins.
Notre régime électoral tue l'esprit public il
sème dans le pays l'indifférence et la désaffec
tion il favorise les coalitions immorales il
prépare le désordre et l'anarchie.
Voilà ce que ne veulent pas voir les singu
liers conservateurs qui le suffrage universel
des masses ignorantes a confié les destinées du
pays.
Ces hommes, que la grandeur de leur mission
gouvernementale devrait élever au-dessus des
préoccupations égoïstes et des mesquins cal
culs de l'esprit de parti, ne songent, dans le
délire de leur toute puissance, qu'à exacerber
encore les monstruosités du régime actuel.
ils sont disposés, disent-ils, diviser l'arron
dissement de Bruxelles. Pourquoi seulement
Bruxelles et pas Liège, Gand, Anvers, Charle-
roi, Mons et Louvain Si l'écrasement des vil
les par les campagnes ou des campagnes par
les villes est absurde et injuste, ne Lest-il pas
partout, et si les cléricaux de Wolverlhem et
de Lennick doivent perdre le droit de dicter
leurs volontés l'agglomération Bruxelloise,
pourquoi Gand et Anvers devraient-ils subir la
loi des électeurs de Nazareth et de Brecht, et
pourquoi les libéraux de Mons et de Liège de
vraient-ils demeurer inféodés aux socialistes
de Pâturages et de Seraing
Pourquoi Mais parce que le ministère veut
empêcher, tout prix, la formation d'une op
position libérale puissante, capable de prendre
en mains les rênes du pouvoir au jour d'un re
virement d'opinion. Parce que la réforme élec
torale, si elle se fait, doit n'être dans ses
intentions qu'un nouveau et scandaleux coup
de parti.
Le parti clérical, qui est le parti de l'igno
rance, accumule contre l'enseignement public
les sophismes et les calomnies.
Et ses défenseurs s'en vont, ramassant dans
les journaux et les revues, pour nous les jeter
la tête, les citations tronquées et les statistiques
incomplètes.
Tel M. Woeste, le pape laïc de la droite,
s'efforçanlde démontrer que, depuis la laïcisa
tion de instruction publique en France,la cri
minalité infanliïe a augmenté dans de sérieuses
proportions. D'où la conclusion, prônée par les
cagots, que l'enseignement laïc est une peste,
qu'il faut le supprimer et replacer toutes les
écoles sous la haute et morale direction des
petits-frères.
11 a été démontré, pièces en mains, que les
statistiques citées par M. Woeste avaient été
dénaturées, que les sources auxquelles il avait
puisé sont apocryphes et que les racontars dont
il s'est fait le complaisant écho n'ont pas plus
de valeur que les élucubrations et les diable
ries de Léo Taxil, désormais célébrés dans
l'histoire de la fumisterie.
Oui, la criminalité infantile a augmenté en
France, mais cette progression avait commencé
dès avant l'introduction de l'enseignement laie
et celui-ci n'y est pour rien.
En Angleterre aussi, où cependant l'ensei
gnement n'est pas laïc, le même phénomène
s'est produit. Le nombre des mineurs de seize
ans condamnés pour crime ou délit n'a fait
qu'y croître. Il en est de même partout, en
Allemagne et en Italie comme chez nous. Cette
recrudescence de criminalité lient des causes
multiples, sur lesquelles l'enseignement de
meure malheureusement sans influence.
D ailleurs, s'il était vrai que la neutralité
scolaire pousse la criminalité, comment se
fait-il que, dans notre propre pays, ce soient
précisément les régions les plus soumises au
clergé, les arrondissements où on a supprimé
le plus d'ccoles, qui fournissent aux statistiques
criminelles leurs plus gros chiffres Qu'on
compare ce point de vue les Flandres et le
Hainaut.
La plupart des récidivistes sont des déclassés
de la campagne. La statistique criminelle Alle
mande constate qu'en Prusse la criminalité dé
passe la moyenne dans les régions où sévit la
féodalité agraire, tandis qu'elle est sensible
ment moindre dans les régions industrielles.
Ce qui demeure vrai, en dépit de tous les
sophismes, c'est qu'à mesure que le niveau in
tellectuel s'élève, la criminalité diminue.
La statistique Française démontre que la
majeure partie des condamnés étaient des il
lettrés les uns sortaient de la rue, les autres
n'avaient été qu'effleurés par l'enseignement.
Voilà pourquoi, si l'on veut sérieusement
que le niveau de la moralité publique s'élève,
il faut décréter l'instruction obligatoire et assu
rer tous les enfants le bienfait d'une instruc
tion primaire complète.
La statistique démontre et tout le monde
reconnaît, qu'il y a en Belgique deux cent
mille enfants qui ne reçoivent aucune instruc
tion. N'est-ce pas désolant, et se conçoit-il que
l'on tarde plus longtemps appliquer cette
situation désastreuse le seul remède qu'elle
comporte
Hélas, oui, cela se conçoit. M. Woeste et
l'armée qu'il dirige ont intérêt, pour consolider
leur domination, maintenir et favoriser
l'ignorance.
Cela n'est—il pas évident, pour quiconque
veut se donner la peine d'ouvrir les yeux
LE PROGRÈS
vihes acyuirit ecndo.
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Idem. Pour le restant du pays7-00
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Le Comité.
Ypres, le 2 Juin 1897.