52. Jeudi,
57e ANNÉE
V Juillet 1897.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Revision des listes électorales.
A propos d'enseignement.
Le bilan du cléricalisme.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
vires acqd1rit eundo.
A partir du premier Juillet prochain, les col
lèges échevinaux procéderont la revision an
nuelle des listes électorales pour les élections
tous les degrés.
Nous engageons vivement tous ceux de nos
amis qui, non encore inscrits sur les listes ou y
figurant avec un nombre de voix inférieur au
maximum, croiraient pouvoir réclamer contre
cette situation, s'adresser au bureau de l'Asso
ciation libérale, en cette ville.
Ypees, le 30 Juin 1897.
On n'a pas oublié les statistiques navrantes
dressées loccasion de la discussion du budget
de l'instruction publique.
Elles démontrent que plus de deux cent mille
enfants, en Belgique, ne reçoivent pas le bien
fait de l'instruction primaire.
Cela fait 200,000 petits vagabonds, 200,000
êtres condamnés pour la vie l'ignorance,
200,000 incapables, 200,000déclassés au milieu
de la concurrence des activités et des intelli
gences.
Cest un bilan épouvantable, qui fait honte
la Belgique. Et il n'est pas moins inquiétant
que déshonorant.
Nous avons, par une sorte d'impulsion de
générosité, donné le droit de vote tous les
citoyens avant même de les avoir instruits.
Et nous faisons en ce moment la cruelle ex
périence de 1 usage que fait de ce droit un corps
électoral dont le tiers est illettré.
Pendant que se poursuit cette expérience,
nous assistons passivement la croissance de
générations compactes de malheureux qui at
teindront leur majorité politique vingt-cinq
ans sans espoir de conquérir jamais leur ma
jorité intellectuelle.
C'est ces mineurs perpétuels que, par une
monstrueuse contradiction, nous abandonne
rons un jour le soin de gouverner le pays.
Nous savons bien qu'il est des gens toujours
prêts crier la banqueroute de l'instruction,
parce qu'elle ne suffit préserver ni des pas
sions ni de l'erreur.
Certes, elle n'est pas une panacée universelle
et souveraine elle n'est pas le remède toutes
les plaies sociales
Mais elle demeure un puissant levier de mo-
ralisation et de progrès.
Qu'on compare, au double point de vue du
bien-être matériel et de la moralité, l'Allema
gne l'Italie, l'Angleterre l'Espagne, et qu'on
nous dise si ce n'est pas parmi lès populations
ignorantes que sévissent le vice et la misère
Et qu'on nous dise, après cela, si ce n'est
pas un immense péril pour un pays démocra
tique et libre que de compter 200,000 enfants
qui grandiront dans l'ignorance et sont voués
ainsi dès leur jeune âge une irrémédiable
déchéance.
Nous devrions avoir un enseignement pri
maire généralise, fortement organisé, rendu
obligatoire.
Et nous devrions avoir, au-dessus de ces
écoles primaires, un enseignement des adultes
qui complète la formation intellectuelle de
1 adolescent, conserve et développe les connais
sances élémentaires, et arme puissamment nos
générations d'ouvriers et de paysans en vue de
la lutte pour l'existence.
iièlas, au heu de cela, nous avons un gou
vernement qui combat 1 idée de l'instruction
obligatoire, parce qu'il craint que la multipli
cation des écoles publiques,qui serait la consé
quence nécessaire de l adoption de ce régime,
ne fasse cesser la toute-puissante main-mise
exercée aujourd'hui par le clergé sur l'ensei
gnement du peuple.
Nous n'avons pas assez d'écoles primaires, et
journellement on en supprime.
Huit cents écoles dadultes ont été suppri
mées en dix ans.
Et près du tiers de nos enfants n'apprennent
ni lire ni écrire, et vagabondent par les
champs et les ruelles, proie facile des passions
mauvaises et des entraînements pernicieux.
Voilà comment, en Belgique, on prépare
l'avenir et comment on veille au salut du pays
et la moralisation du peuple.
Nous détachons d'un éloquent rapport pré
senté l'association libérale de Gand par son
secrétaire M. Logtenburg le passage suivant,
où la situation politique du pays est dépeinte
en traits saisissants
u Le gouvernement clérical s'appuie au sein
du Parlement sur une majorité considérable.
Cette majorité il la possède depuis des années,
et il semble assuré de la conserver, docile,
pendant bien des années encore,
a II n'a compter dans le pays avec aucune
opposition d'intérêts locaux sa force lui per
met de dédaigner toute coalition d'intérêts
S rivés. Il jouit, on peut le dire, d'une liberté
'allures qu'aucun gouvernement n'a connue,
dans ce pays, avant lui. Rien ne vient entraver
sa liberté d'action; aucune opposition, aucune
volonté, ni dans le pays, ni dans le Parlement,
ne peut empêcher ni lé vote, ni l'exécution
de ses projets.
Il semble, MM., qu'en de telles conditions,
les oeuvres, les lois fécondes pour le pays dus
sent abonder.
Qu'ont fait cependant le gouvernement clé
rical et sa majorité? Quelles sont leurs œu
vres Quelles sont les réformes qu'ils ont ac
complies pour le bien du pays
n Aucune réponse ne saurait être donnée ces
questions. Et l'on peut dire en toute vérité
ique si jamais gouvernement n'a eu autant de
liberté, autant de puissance que celui-ci, ja-
mais non plus les sessions du Parlement n'ont
été aussi vides et aussi stériles
En présence d'une situation qui commandait
des résolutions viriles, toute l'activité de ce
gouvernement et de cette majorité s'est dé
pensée satisfaire les prétentions et les inté
rêts du clergé, et les appétits de plus en plus
exigeants du parti clérical.
Supprimer des écoles, distribuer pleines
mains l'argent du trésor public aux fabriques
d'églises et aux couvents, peupler l'enseigne
ment, l'administration, la magistrature de
créatures dociles au clergé. Voilà son œuvre
la seule dont il puisse se targuer
Pas un jour ne se passe, sans que le Moni
teur ne vienne révéler ou quelque suppression
d'école ou quelque largesse aux œuvres cléri
cales.
Et il ne se passe guère de semaines, sans que
quelque nomination dans la magistrature, faite
au mépris des droits les mieux établis, au mé
pris de toute hiérarchie, vienne faire scandale
parmi nos adversaires eux-mêmes, chez tous
ceux qui ont gardé quelque souci, nous ne di
rons pas même de l'indépendance de la justice,
mais de l'intelligence et du respect de la ma
gistrature.
Satisfaire en tout le clergé, c'est cela que
nos ministres, les plus médiocres que le
pays ait connus bornent leur activité. Et
pendant qu'ils s'absorbent dans cette tâche,
les intérêts les plus pressants, les plus élevés
du pays sont abandonnés ou sacrifies.
Au premier rang de ces intérêts, les plus
honteusement sacrifiés sont ceux de notre dé
fense nationale.
n Jamais, depuis que notre pays a conquis son
indépendance, la réforme de notre état mili
taire n'a été aussi nécessaire et aussi urgente.
La paix entre les grandes puissances de
l'Europe peut chaque instant être troublée.
Elle vient d'être menacée plus gravement
peut-être qu'on ne se l'imagine. Et qui sait si
la menace est dissipée
Que cette paix si fragile soit rompue, et la
guerre mettra en œuvre des forces, en matériel
et en hommes, inconnues jusqu'à ce jour elle
mettra en présence des armées qui concentre
ront en elles tout ce que les pays auxquels
elles appartiennent ont de virilité, de courage
et d'ardent patriotisme.
Et c'est sur nos frontières que cette guerre
se déchaînera.
n Que pareille situation soit pour l'indépen
dance de notre pays pleine de dangers qu elle
doive imposer notre patriotisme de lourds et
grands devoirs, qui serait assez lâche ou assez
fou pour le contester
Le peuple entier sait que la sécurité du pays
exige une augmentation de notre effectif mili
taire il sait que pour être la hauteur de sa
mission notre armée doit être recrutée par le
service personnel. Il est prêt subir ces sacri
fices. Seul, le gouvernement n'entend pas sacri
fier ses préoccupations égoïstes et ses craintes
électorales.
LE PROGRÈS
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00
Idem. Pour le restant du pays7-00
tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, 51.
INSERTIONS Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames la ligne, fr. 0-25
Insertions Judiciaires la ligne, un franc.
Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Progrès Pour
je restant de la Belgique et de l'Etranger, également aux bureaux du journal LE PROGRES.
On traite forfait.