Agitation aux Indes.
En vacances.
64. Jeudi,
57e ANNÉE
12 Août 1807
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
yibes acqcirit eundo
On traite forfait.
Ypres, le 11 Août 1897.
Les bienfaits
du gouvernement clérical.
Proloclioii agricole rebours.
Les cléricaux sont les protecteurs nés de
l'agriculture, sinon ses exploiteurs.
Ils la comblent de leurs bienfaits. Leur solli
citude va surtout au bétail, dont les maladies
contagieuses les ont servis admirablement.
On les a vus successivement accueillir ou
prohiber le bétail hollandais, et le malheur a
voulu que les mesures prises ont servi presque
toujours favoriser les intérêts des grands
éleveurs et rarement ceux du fermier.
Brusquement on a ouvert, puis fermé nos
frontières.
On a restreint certains bureaux l'entrée
des bêtes cornes. On les a soumises des
épreuves plus ou moins concluantes dans des
baraquements rapidement installés la fron
tière, chers deniers.
Le résultat immédiat a été une augmentation
très sensible du prix du bétail maigre acheté
par les fermiers.
En même temps on a permis ^expédition du
bétail gras de Hollande dans certains grands
abattoirs du pays, près des marchés régulateurs
du prix de la viande en Belgique. Conséquen
ce notable diminution du prix do bétail gras
que les fermiers ont vendre.
Ainsi, grâce l'intelligente sollicitude du
gouvernement pour l'agriculture, nos fermiers
paient cher le bétail maigre et vendent bon
marché le bétail gras.
Ce sont les mesures gouvernementales qui
ont provoqué et maintiennent l'étrange ano
malie que nous constatons en Belgique entre le
prix du bétail gras et celui du bétail maigre.
Toutes les fautes se paient en matière éco
nomique, et ce sont malheureusement les fer
miers qui doivent solder les erreurs du gouver
nement clérical.
Et pour comble de malechance, on nous
assure qu'on vient de constater la stomatite
aphteuse en pleine Flandre, Lampernisse
La contagion viendrait de Hollande et menace
la prospérité de ce pays de pâturages, ayant
tant de confiance dans des représentants et
ministres cléricaux qui s'occupent si peu de lui I
Le traité de commerce
anglo-belge.
Un nouveau ministre de la guerre
Entre l'Angleterre et la Belgique, le tarif
actuel ne sera probablement pas changé, et le
nouveau traité de commerce restera conforme
l'ancien. Mais de par la situation nouvelle
qu'il va créer, notre gouvernement sera obligé
de négocier avec toutes les colonies indépen
dantes anglaises. Au lieu d'avoir un seul traité,
nous en aurons plusieurs, plus ou moins favo
rables, suivant le chiffre des exportations de
ces colonies en Belgique.
Les négociations se prolongeront donc pen
dant plusieurs mois et exigeront de nos diplo
mates autant d habileté que de prudence.
D ici la solution définitive, on ne pourra en
vérité apprécier les conséquences de la dénon
ciation du traite faite par I Angleterre.
Le mieux, n'est-ce point d'attendre patiem
ment sans trop broyer de noir? Qui sait si le
nouveau traité, peu de choses près, ne vau
dra pas l'ancien
Les colonies anglaises pourront nous faire des
conditions qu'elles ne feront pas i Allemagne
si celle-ci, aux mains des agrariens, ne consent
pas la suppression, ou tout au moins la
diminution, de certains droits d'entrée.
Un journal annonce que M. Vandenpeere-
boom ne tardera pas abandonner le départe
ment de la guerre où il sera remplacé par le
lieulenanl-general Bocquet. G est possible.
Quand le H. P. a pris l'intérim de la succes
sion Brassine, il a annonce que sitôt le projet
de loi sur la garde civique voté, il s'en irait.
Ce projet est bien près de l'être au Sénat
comme la Chambre.
M. Vandenpeereboom ne sera pas regretté
par les fonctionnaires du département, et
quant au pays, il sera soulagé, l'indigne altitu
de du ministre lors de l'inauguration du mo
nument Rogier ayant soulevé contre lui les
plus modérés.
Ce qui n'empêchera pas le général Bocquet
d'avoir un rôle très difficile jouer. Ardent
partisan du service personnel, va-t-il en dé
serter la cause
Il semblait qu'après cette magnifique manifes
tation de force dont le jubilé de la Reine avait
fourni l'occasion, le développement de la puis
sance anglaise ne pût être entravé ou contrarié
que par des événements fortuits et négligeables.
Or, c'est précisément depuis que le monde entier
a été mis même de contempler les instruments
formidables de lasuprématie de l'Empire britan
nique, que des déboires, légers sans doute mais
cuisants, viennent rappeler aux ministres de la
reine Victoria que même les dominations les
mieux assises ne sont jamais assurées de leurs
lendemains.
C'est notamment une révolte aux Indes, assez
sérieuse pour que le gouvernement anglais pren
ne soin d'en dissimuler partiellement la gravité
en maquillant les dépêches qui en relatent les in
cidents. Sans doute, cette révolte sera vaincue,
étouffée dans des flots de sang, comme celle des
cipayés car les Anglais, si prompts se ré
pandre en prédications humanitaires lorsqu'il
s'agit de critiquer les actes de gouvernement
chez autrui, sont féroces et implacables lorsqu'il
s'agit de leur intérêt.
Mais cette insurrection montre que l'empire
britannique, dont M. Chamberlain rêve l'unifi
cation l'instar de l'empire romain, n'est pas si
fortement assis qu'aucun doute ne puisse s'éle
ver sur son avenir et sur sa permanence.
On a dit que la révolte était la conséquence de
la famine. Assurément Mais ce qu'on n'a pas
assez rappelé, dans les feuilles de Londres, c'est
que la famine eût été impossible si les lois de
prévoyance édictées par les Anglais eux-mêmes
avaient été respectées. On avait constitué et
doté précisément une caisse de la famine. Les
fonds qu'elle contenait ont été appliqués par
l'administration des Indes des dépenses fort
utiles ou fort ingénieuses sans doute, mais qui
n'avaient aucun rapport avec leur destination.
La famine est venue et la caisse s'est trouvée
vide. A qui la faute Aux Anglais et non aux
Hindous.
D'autre part, l'administration anglaise coûte
aux Indiens des sommes énormes. Il y a là des
sinécures de 100,000 fr. et plus, et en nombre
infini.
Ce malheureux pays se révolte parce qu'il est
rougé, sucé, anémié.
On l'écrasera. Mais écraser n'est pas faire
justice.
nr50.o"<"'c'
La psychologie <lu voyage.
En une page qui sera lue avec intérêt par tous
ceux qui ont la chance d'avoir des vacances,
Georges Rodenbach détermine ainsi la psycholo
gie du voyage
La joie du voyage, c'est peut-être de se
perdre soi-même, d'échapper son identité un
moment. Dans notre vie moderne, toute spécia
lité, où chacun n'est adonné qu'à une seule be
sogne ou un seul but, il fallait sans doute cette
interruption annuelle, l'oubli momentané d'une
préoccupation unique, trop absorbante. C'est le
moyen pour chacun d'être, un instant, un autre
homme que celui qu'il est tout le long de l'an
née. C'est pourquoi Verdi, en villégiature aux
eaux de Montecatini, ayant découvert dans sa
chambre un piano queue qu'on y avait installé
pour lui faire honneur, avec la partition du
Trouvère ouverte sur le pupitre, appela le fils de
l'hôtelier et se fit conduire sur la montagne qui
dominait du plus haut la vallée. Arrivé au som
met, devant le jeune homme ahuri, le musicien
lança au plus profond du ravin la clef du piano.
Symbole exact de la psychologie du voyage
chacun jette ainsi son moi le plus loin possible.
On change de condition. On a changé d'âme. Et
on change même de costume. Ainsi nous vîmes
un jour dans une station d'été des voyageurs dis
tingués qui prenaient plaisir se promener en
blouse, avec des chapeaux et des bâtons de bou
vier. N'était-ce pas une façon d'échapper soi-
même C'est par suite de la même psychologie
que Marie-Antoinette s'habillait en bergère
Trianon, et jouait des saynètes où elle pût por
ter un costume do blanchisseuse. Le voyage est
par excellence cette évasion hors de la vie quoti
dienne, qui sans doute pèse surtout aux reines.
Et, en effet, il y a quelques années, la régente
d'Espagne se trouvait Saint-Sébastien avec son
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