Chronique locale. 57e ANNÉE, 29 Août 1897. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. Un cri d'alarme Trois nouveaux trains. S0 69. Dimanche, 6 FRANCS PAR AN. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00 Idem. Pour le restant du pays7-00; tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, St. INSERTIONS Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames la ligne, fr. 0-25 Insertions Judiciaires la ligne, un franc. Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux du Progrès Pour ic restant de la Belgique ei de l'Etranger, également aux bureaux du journal LE PROGRES. On traite forfait. Ypres, le 28 Août 1897. Parmi les reproches les plus graves quen- court notre clérical gouvernement, figure celui de compromettre de scandaleuse façon l'auto rité et le prestige de la magistrature. Les places déjugés et d'officiers du ministère public ont cessé d'être le prix du talent de l'ancienneté, des services rendus, de l'étude désintéressée du droit, pour nôtre plus que des primes la servilité politique et I objet de marchandages électoraux. Soyez libéral, soyez même catholique in dépendant de caractère et sans allures mili tantes, quelles que soient vos capacités, quel que dignement et serieusement que vous vous préparé lexereice des fonctions judiciaires, vous vous verrez impitoyablement exclu au profit de quelque jeune politicien, plus familier avec l'argot des meetings qu'avec la langue du droit. Ce n'est pas l'étude patiente et laborieuse des auteurs et des arrêts qui pourra jamais vous recommander au choix du ministre de la jus tice. Si vous voulez vous créer des titres ses préférences, allez dans les associations cléri cales déclamer quelques harangues tapageuses, mettez vous la solde des panégyristes du gou vernement, laites la courbette et acceptez de devenir courtier électoral. Votre avenir est assuré. Et voilà comment il se fait que la magistra ture Belge se peuple de plus en plus d'indignes et d'incapables. Celte décadence du pouvoir judiciaire est l'oeuvre d hommes qui se prétendent conserva teurs et qui ont réussi escamoter le pouvoir en exploitant le péril socialiste. Nous ne voulons pas atténuer celui-ci. Mais, si l'on compare l'œuvre de désorganisation éco nomique poursuivie par le socialisme l'œuvre de profonde démoralisation entreprise par le gouvernement, on se convaincra que le danger des doctrines collectivistes n'est rien en regard des résultats néfastes auxquels nous conduit cette politique mesquinement partiale, dont les perfides agissements enlevent aux citoyens leur foi en la justice. Que deviendra le pays le jour où les citoyens se diront qu'il n'est plus possible d'y faire pré valoir son bon droit L'autre jour, au Conseil provincial de la Flandre Orientale, cette éventualité redoutable a été vigoureusement mise en relief dans un remarquable discours de M. le conseiller Hal- let. La Flandre libérale a reproduit en entier cette belle harangue, véritable cri d'alarme poussé par un bon citoyen. Ce cri trouvera de l'écho dans toutes les consciences honnêtes. Voici comment s'est exprime M. Hallet Si la magistrature est recrutée parmi des juris consultes éprouvés, que la pratique de la vie judiciaire, la fréquentation des audiences, l'habileté profession nelle, la publication d'ouvrages juridiques désignent au choix du chef de l'Etat, oh aiors, soyez sans crainte, le dépôt sacré de la justice sera bien gardé Mais si un gouvernement inconscient, pusiliauime ou préoccupé uniquement de considérations électorales jette les sièges de magistrats en curée des avocats incapables, sans expérience, sans connaissances juri diques, solides, qui ne se sont distingués que par des services électoraux rendus au parti, ou par leur parti cipation des meetings de propagande, alors, on peut avoir la crainte, la certitude même que bieutôtlamagis- trature, déconsidérée et ternie, ne sera plus la hau teur de la mission sociale qui lui est confiée. Et messieurs, j'ai le regret profond de le constater, les nominations judiciaires laites dans ces derniers temps sont en tous points inspirées pas le plus détes table esprit de faction politique. Et tout citoyen probe qui voudra considérer avec impartialité la question qui nous occupe jettera le cri d'alarme et sera saisi de cette crainte qui m'étreint de voir la magistrature tomber bientôt au dernier degré de sa déchéance morale. L'orateur énumère ensuite les protestations qui se sont elevees contre le mal qu'il dénonce. Il en est qui émanent de la Fédération des avo cats, du premier président de la Cour d'appel de Bruxelles, d un avocat catholique de Gand qui avoue que le mal est son comble, etc. etc. Certes, il ne s'agit nullement de défendre aux magistrats davoir des convictions politi ques. Lhomme qui na pas de convictions poli- ques, disait feu Thonissen, est un parfait imbé cile. Mais ce qu il ne faut pas, c'est que la ma gistrature soit ou paraisse être une arme offensive et défensive aux mains d'un parti. Or, tel est l'effet que produit inévitablement sur le pays le mode actuel de recrutement de la magistrature. Laissons encore la parole M. Hallet Messieurs, des docteurs en droit que nos universités forment annuellement, tous n'ont pas les aptitudes pour la vie de lutte active et âpre que la carrière du barreau réserve ses membres. D'excellents esprits prêtèrent les études plus calmes ou plus théoriques ils sont mieux constitués pour rechercher la vérité et le droit et pour l'appliquer que pour les défendre publiquement. La Fa culté trouvera parmi ces hommes des recrues de va leur. C'est là aussi que la magistrature devrait puiser ses nouveaux membres. II existe de ces penseurs professeurs et magistrats en herbe, dans les divers partis qui se disputent le pou voir, mais en petit nombre assurément. De telle sorte que si un seul parti doit suffire aux besoins des univer sités et des tribunaux, il devra finir par arrêter son choix sur des hommes sans aptitudes, sans connaissan ces juridiques suffisantes. Avec un régime d'exclusion comme celui que nous subissons aujourd'hui, sous lequel une partie de la nation est sacrifiée aux appétits et aux ambitions de l'autre, il est inévitable que les cours et tribunaux se peuplent de magistrats incapables de comprendre et d'aimer le droit, répugnant l'étude des questions de législation et de jurisprudence qui forment l'occupation journalière de la vie judiciaire. Ces magistrats ne connaîtront plus, n'étudieront plus le droit. lis trancheront les procès au nom d'une prétendue équité, faite d'impression personnelle et fugi tive, qui sera dans beaucoup de cas la négation, la violation du droit. Ce ne sera plus la loi et son autorité qui triomphera le succès sera celui qui aura été le plus habile intéresser le magistrat son sort. Et la science juridique sera arrêtée dans son essor parce qu'elle ne trouvera plus de précieux appoint que, jusque dans ces derniers temps, lui ont donné des magistrats remarquables honorant non seulement le corps auquel ils appartenaient mais encore leur pays. L'insuffisance de la magistrature aura son contre coup fatal dans le domaine législatif, dont la faiblesse actuelle est indéniable. Les lois sont la résultante des mœurs elles se modifient d'après les besoins aux quels elles correspondent elles suivent les progrès de la nation laquelle elles s'appliquent. La jurispru dence complète la loi, supplée dans une certaine me sure son insuffisance elle prépare les lois nouvelles correspondant des nécessités de fait qu'elle découvre. Si la magistrature néglige l'étude approfondie des lois, elle sera incapable aussi de prévoir, de signaler les porgrès accomplir dans le domaine législatif. Et nous a sisterons un nouveau recul de nos institutions légis latives, dont le prestige est si profondément entamé. Car, messieurs, dans un engrenage politique comme le nôtre, tous les rouages se tiennent, et si l'un d'eux vient manquer, c'est la machine sociale tout entière qui s'en ressent. Voilà, messieurs, le péril que je vous signale... On peut dire sans tomber dans l'exagération que l'on prépare une race de magistrats incapables, sans indépendance et sans prestige. Prenez garde, messieurs la magistrature est soup çonnée demain, elle sera suspecte. Et alors dispa raîtra le respect de la magistrature, et avec lui le respect du droit et de la justice. Prenez garde l'heure des responsabilités le jour où, pour arrêter certains appétits, il ne restera plus que le rempart du droit, la digue de la justice -raca- Nous avons le plaisir d'annoncer nos lec teurs que, grâce aux démarches de notre Cercle commercial, si actif et si dévoué, trois nouveaux trains circuleront entre Ypres et Poperinghe dater du 1er Octobre prochain. Voici leur horaire 1° Ypres, dép. 5-30. Vlamertinghe, 5-40. Poperinghe, arr. 5-52. 2° Ypres, dép. 10-52. Vlamertinghe, 10-58. Poperinghe, arr. 11-07. 3° Poperinghe, dép. 12-15. Vlamertinghe, 12-24. Ypres, arr. 12-30. Nous remercions vivement les administrateurs de la Société de la Flandre Occidentale do l'in térêt qu'ils témoignent la ville d'Ypres. Nous espérons aussi pouvoir sous peu féliciter le gouvernement de l'achèvement du canal de la Lys-Yperlée chose promise dans la dernière session parlementaire, cnose due. LE PROGRES VIRES ACgCIRIT ECNDO.

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Le Progrès (1841-1914) | 1897 | | pagina 1