Journal de l'Alliance libérale d Ypres et de l'Arrondissement
Chambre
des Représentants.
Dimanche, 51 Mars 1901.
61e année.X° 15.
Vires acqcirit eindo.
Notre situation
intellectuelle.
L'abbé Renard.
Encore un qui en a assez.
L CillOX FAIT LA FORCE.
Paraissant le Oimanehe.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
pour la ville Par an 4 francs.
pr la province Par an 4 fr. 50
On s'abonne au bureau du journal, hue de Dixmude, 53, Ypbes. Les an
nonces, les faits divers et les réclamés sont reçus pour l'arrondissement d'Ypres,
les deux Flandres, le restant de la Belgique et de l'Etranger, au bureau du
journal Le Progrès ON TRAITE A FORFAIT.
ANNONCES
Annonces 15 centimes la ligne.
Réclames 25
Annonces judiciaires 1 fr. la ligne.
Trois faits la dominent, trois faits
capitaux et lamentables
1) Il y a en Belgique deux cent mille
enlants au moins qui ne fréquentent
aucune école
2) La grande masse des enfants, par
mi cenx qui fréquentent l'école, la
quittent prématurément et oublient
bientôt les quelques rudiments qui leur
ont été enseignés leur chiffre s'élève
75 °/o
3) Sur quinze mille instituteurs, près
de deux mille ne sont pas diplômés.
C'est une situation honteuse et gros
se de dangers.
Comment? Nous avons une loi qui
défend aux parents d'envoyer leurs en
fants l'atelier avant qu'ils aient at
teint l'âge de douze ans et nous n'en
avons pas qui oblige les parents les
envoyer l'ecole jusqu'à l'âge au
moins où il est permis de les enrôler
dans l'usine
Il y a deux cent mille enfants qui
n'apprennent rien, vivent sans disci
pline et sans surveillance, vagabonds
précoces, dont notre Constitution fera
plus tard des citoyens actifs, des élec
teurs appelés se prononcer sur les
destinées du pays
Comment Dans ce pays qui, grâce
un prodigieux ressort d'énergie phy
sique et de vigueur morale, s'est dressé
au niveau des plus hautes puissances
sur le champ industriel et le marché
commercial du monde et qui ne peut
garder ce rang qu'au prix d'efforts
continus de travail et d'intelligence,
on tolère que deux cents mille enfants
du peuple soient abandonnés aux ha
sards des compagnonnages pervers et
des exemples contagieux et restent,
parias de la société qui les néglige, dé
pourvus de la plus sommaire culture
*-
Quoi Cette société tolère qu'il se
forme ainsi, en son sein même, une
sorte do réservoir de vice et de crimi
nalité, un bouillon de culture extraor-
dinairement apte développer tous les
germes des fféaux sociaux, la paresse,
le vagabondage et l'alcool
Elle rebute ainsi annuellement un
énorme contingent d'enfance populaire
dont les cervaux et les bras devion-
drpnt impropres aux travaux utiles que
la collectivité est en droit d'attendre
d'eux et auxquels eux-mêmes ont le
droit d'aspirer.
Et rien ne sert de répondre que cha
que période nouvelle se caractérisé par
une augmentation de la population
scolaire et que l'on peut prévoir le
jour où il n'y aura plus d'ignorants en
Belgique.
Il faudra donc que nous attendions
un demi-siècle pour atteindre un résul
tat que, du jour au lendemain, nous
pourrions nous assurer
Et si la fréquentation augmente, l'ir
régularité de cette fréquentation ne
diminue pas. On a pu dire que 1 effec
tif scolaire la campagne n'est au
complet que les jours de pluie. Et
l'on peut dire que plus de la moitié
des élèves quittent l'école avant d a-
voir acquis les plus indispensables élé
ments de l'instruction la plus rudimen-
taire
Enfin, chose plus inouïe encore, il
existe en Belgique deux mille indivi
dus qui l'on confie le soin d'instruire
i'enlance et qui ne sauraient justifier
qu'ils ont eux-mêmes, avant d'ensei
gner.reçu l'éducation préalable qu exi
ge l'art si délicat de former la jeunes
se, de discipliner les esprits et les ca
ractères. Et l'on continue d'admettre
que le seul métier qui nlexige pas d'ap
prentissage, outre celui de député, se
rait celui d'instituteur
Et tout cela est pratiqué, supporté,
justifié, presque glorifié, dans un état
démocratique, dans une société maî
tresse d'elle-même et dont la richesse
et la puissance ne tiennent qu'au ren
dement de son intelligence et l'in
tensité de son activité
Cela est injustifiable et impardonna
ble.
Et il n'y a pas un pays civilisé au
monde qui ne rougirait de laisser se
prolonger une semblable situation.
'".ClOOfXV*»-..
L'abbé Renard, le célèbre minéralo
giste belge, professeur l'Université
de Gand, éclairé par la science, a cessé
de faire partie de l'Eglise. Le 21 de ce
mois il a revendiqué son droit la li
berté et a épousé Mlle Henriette Van
Gobbelschroy, ancienne institutrice
communale, femme d'intelligence et
de cœur.
Voici, en résumé, la biographie de
l'abbé Renard donnée par le Petit
Bleu dans son n° du Lundi 25 Mars
1901
M. Alphonse Renard est né Ronaix, le
28 Septembre 1842, de parents ouvriers. A
14 ans il fut employé dans une fabrique de
tissus. L'instinct qui le poussait acquérir
une culture intellectuelle lui fit abandonner
1 atelier et commencer 16 ans, ses huma
nités dans le collège épiscopal de sa ville
natale. Il quitta Renaix en 1860 pour aller
continuer ses études dans un collège de jé
suites en 1864 il entra dans l'ordre (.es
jésuites dont il resta membre pendant plus
.le vingt ans. Après s'être occupé en Alle
magne d études littéraires et philosophiques,
il y aborda les sciences minérales. Sa voca
tion se dessinait, et il sollicita de ses supé
rieurs de pouvoir aller rejoindre quelques
amis, qui, depuis deux ans, avaient fondé
une école polytechnique dans la République
de l'Equateur. On lui refusa la faveur qu'il
demandait.
En 1872, les jésuites furent expulsés
d'Allemagne et l'abbé Renard alla habiter
Louvain où il suivit un cours de théologie.
En 1873 l'Académie de Belgique mettait
au concours la description des roches pluto-
nie.mes de notre pays et de l'Ardeune fran
çaise. Le mémoire que l'abbé Renard fit sur
cetie question fut couronné en 1874. Dès ce
moment sa réputation fut établie et son mé
moire sur la nature et la composition du co-
ticule acheva de la fixer. En moins de cinq
années, son nom, cité partout l'étranger,
s'imposait dans le pays. En 1877, il était
nommé conservateur des collections minéra-
logiques du Musée o'His'oire naturelle de
Belgique.
Pendant une croisière de trois ans et de
mi, commencée en 1872, la corvette de
l'amirauté anglaise, le Challenger avait
accompli le plus mémorable voyage d'explo
ration qui ait eu pour objet l'étude scientifi
que de la mer.
L'abbé Renard fut choisi, par Wyville
Thomson, pour étudier au point de vue iitho-
logiquç et géologique, les échantillons rap
portés par les sondes du Challenger et
d'autres nav;res anglais et ramenés par des
dragages opérés toutes les profondeurs et
dans tous les océans. Vers la fin de 1891,
parut son Rapport sur les dépôts des mers
profondes Cetie œuvre encyclopédique
avait exigé quatorze ans de recherches. Dans
le même temps où l'infatigable chercheur se
livrait ces diverses études, il élabora un
travail considérable sur la constitution des
îles volcaniques. Tout ce travail forme un
ensemble de plus de soixante mémoires pu
blie* dans les revues scientifiques du pays
Èr-Ge l'étranger.
A 37 ans, l'abbé Renard se rendit l'U-
niversite de Vienne pour s'y appliquer la
chimie analytique. Ses mémoires originaux
sont cités comme des modèles de clarté, de
discussion serrée, de critique impartiale,
d'emploi judicieux des méthodes scientifi
ques les plus sûres et les plus récentes.
Les distinctions honorifiques affluèrent
vers lui. Il obtient, entre autres, la médaille
d'or de la fondation Bigeby, accordée tous
les deux ans par la société géologique de
Londres un géologue de quelque nationa
lité qu'il soit, qui, âgé de moins de 45 ans,
a déjà rendu des services signalés la
science. Les géologues les plus célébrés seuls
l'ont obtenue Marsh, Cope, Lapworth,
etc.
M. Renard est aussi docteur honoraire
des Universités d'Edimbourg, de Bologne et
de Dublin, et les sociétés scientifiques les
plus réputées se sont fait un honneur de
l'inscrire sur leurs listes. Il est membre de
l'Académie royale de Belgique et du Conseil
d'administration de la Bibliothèque royale,
ainsi que de celui du Musée d'Histoire natu
relle. Il fut, trois reprises, appelé faire
partie du jury pour le concours quinquennal
des sciences naturelles, qu'il présida lors de
la dernière session
En 1888, le gouvernement lui confia le
cours de minéralogie et de géologie l'Uni
versité de Gand.
Il a fondé Gand un laboratoire des
sciences minérales qui peut rivaliser avec
les meilleurs de l'Allemagne et a créé un
mouvemtnt d'opinion en faveur de la créa
tion d'un enseignement scientifique de ia
géographie dans nos universités.
On n'ajamais vu en lui, ajoute le Petit
Bleu en terminant, qu'un homme cher
chant enseigner la science et, sans doute,
tous les esprits éclairés accu -illeront la dé
marche que le savant vient de faire en ren
trant dans la vie de tous, comme une con
clusion logique des études auxquelles il s'est
voué.
M. Renard, comme tant d'autres dé
jà, a eu le courage d'agir en honnête
homme au lieu de rester hypocrite
ment dans une Eglise dont il ne parta
geait plus les croyances.
La débandade continue
Le gouvernement osera-t-il retirer
l'ex-abbé Renard la chaire de l'Uni
versité de Gand
On en parle. Et voici ce que dit M.
Renard, interviewé ce sujet par
Y Etoile
Oui, j'y avais pensé. Mais quand
il s'agit de répandre la vérité par sa
parole ou par son exemple, on ne peut
reculer. Après une vie consacrée au
travail, sans souci autre que celui de
servir la science, mes ressources sont
modestes cependant je défendrai mes
droits avec le calme et l'énergie d'un
homme qui a la conscience de lutter
pour le vrai. Quoi qu'il puisse en ad
venir, 6i l'on essayait de m'acculer en
m enlevant de force une situation con
quise uniquement par mes travaux
scientifiques et mes aptitudes, on ne
m'aurait pas ainsi réduit an silence. Je
descendrais dans l'arène et je porterais
au peuple des humbles et des opprimés
1 unique parole émancipatnce qui est
celle de la science (1)
J'attends de pied ferme les attaques
dont je serai l'objet et je suis prêt y
répondre.
vl) N. D L. R. Et voilà pourquoi les
cléricaux s'acharnent contre l'enseignement
officiel.
Séance du Mardi 26 Mars 1901
M. Termole, représentant libéral de
Bruges, en séance du 19 Mars 1901,
a posé au ministre de la justice et au
ministre de l'intérieur la question sui
vante
Le 8 Mars dernier, Léopold Huyghe, âgé
de 21 ans, demeurant Heyst-sur-Mer, s'est
donné la mort dans cette localité en se cou
chant sur les rails au moment du passage d'un
train.
D'après la rumeur publique, le suicide de
ce jeune homme, qui était d'une moralité irré
prochable et jouissait de l'estime de ses conci
toyens, doit être attribué un accès de déses
poir provoqué par une infirmité physique.
Le Lundi 11 courant, 3 heures de rele
vée, le corps a été porté au cimetière par des
routes détournées sur le brancard de l'admi
nistration des chemins de fer, la civière et le
drap mortuaire appartenant la commune
ayant été refusés.
Le commissaire de police et le garde
champêtre gardaient l'entrée du champ de re
pos ils en ont interdit l'accès aux amis du
défunt qui suivaient en grand nombre le cer
cueil seuls, les membres de la famille ont
été admis assister l'inhumation.
Le fossoyeur ayant creusé, l'intention de
Huyghe, une fosse la suite des autres, le
bourgmestre lui a intimé l'ordre de la com
bler le cadavre a été enterré l'extrémité du
cimetière, dans un terrain isolé non alïecté aux
inhumations et séparé du restant de l'enclos
par un sentier et une pelouse. Le sol qui re
couvre la dépouille mortelle de Huyghe est
plat et il n'existe aucun indice du lieu où son
corps repose, alors que des tertres s'élèvent
au-dessus de toutes les autres sépultures.
d résulte toute évidence de ce qui pré
cède que le bourgmestre de Heyst a, par ses
agissements, cherché attirer le mépris pu
blic sur la mémoire du défunt et sur ses pro
ches. Aux termes d'un arrêt rendu par la cour
d'apptd de Gand en date du 24 Décembre 1881,
confirmé par la Cour de cassation le 21 Fé
vrier 18*2, ces faits tombent sous l'application
des articles 66 et 133 du Code pénal de plus,
ils constituent une infraction aux circulaires
ministérielles des 6 Janvier 1880 et 6 Avril
1882.
Quelles mesures comptent prendre M. le
ministre de la justice et M. le ministre de l'in
térieur, chacun dans la sphère de sa compé
tence et de ses attributions, pour assurer le
respect dû la loi et laire cesser le scandale
résultant d'une pareille inhumation
M. de Trooz, ministre rte l'intérieur
et rte l'instruction publique, a répon
du
L'inhumation de Léopold Huyghe a eu
lieu le 11 Mars. Dès le 15, le parquet de Rru-
ges a prescrit une information et, au reçu du
procès-verbal, il a requis charge du bourg
mestre, sur le pied des articles 213 et 266 du
Code pénal, 1, 5, 13. 17 du décret de prairial
an XII, une instruction dont il convient d'at
tendre les résultats.
Démon côté, j'ai prié M le gouverneur
de la Flandre occidentale de me faire rapport
sur les faits signalés par M. Termote.
A la question, adressée par M. Buyl.
en séance du 19 Mars 1901, au ministre
des chemins de fer
Les habitants de Dixmude et des environs
se plaignent de la façon défectueuse dont la
circulation des tiains entre Dixmude et Furnes
est réglée. Exemple le train partant le malin
de Dixmude a i h. 13 m., arrive a Furnes
7 h. 42 m., e'est-à-dne trois quarts d'heure
après l'ouverture du marché pendant la saison
d'été et avec un retard de dix minutes pour la
correspondance avec le train de Loo et des en
virons.
On pourrait, tout au moins en été, remé
dier cette situation. En effet il y a, pendant
trois mois de 1 année, un train léger entre
Adinkerke et Dixmude, pour assurer la corres
pondance avec le tram direct bruxelles-Xieu-
port-Bains. Ce tram part le soir, vers 20 heu
res, d'Adinkerke et arrive Dixmude 20 h.
30 m Deux autres trams étant dans cette direc
tion. le premier 20 h. 6 m., le second 21
h. 4C m., il retourne vide Furnes. Le ma
tin, ce train léger revient Fumes vers 8 heu
res. S'il restau la'nuit Dixmude ou s'il reve-