Le Gaz de la Cousine.
Comment on agit ailleurs.
La question du gaz.
M De Brrx.wer est, en outre, cousin
de notre ami Fraeys, l'ancien echevin
de Surmont, mon noble prédécesseur.
Qu'il me soit permis en cette circon
stance solennelle et en présence de son
éminent cou»in. de rendre not e ami
Ernest un légitime hommage de recon
naissance pour le généreux effort qu'il
a fait sur lui même en lâchaut le clan
Surmont pour devenir,dans une pensée
de concorde, un des plus puissants sou
tiens du parti nouveau, dont je m'ho
nore d'être le chef incontesté. M. De
Brouwer voudra, j'en suis sûr, sceller
ici jamais cette timon parfaite qui
doit être dans l'avenir notre force pour
combattre les assauts de plus en plus
violents d'adversaires saus pitié ni ver
gogne.
Vandenboogaetde (chantonnant j Ver
se moi do bourgogne
De Brouwer (solennel et levant les
deux mains en signe de bénédiction)
Pax vobiscum.
Fol. Quelle cérémonie touchante
Vandevoorde (pleure abondam
ment)
Colaert. Je crois encore ne pas me
tromper, Messieurs, en vous disant que
des relations de parenté ou d'amitié
existent aussi entre la puissante famille
De Brouwer et la digne famille do no
tre cher et vénérable échevin Struye,
l'homme des grands dévoûaients, notre
sauveur en toutes les circonstances
difficiles et pénibles.
N'est-ce pas notrecheréehevin Struye
qui naguère, lorsque Ernest Fraeys,
dans un moment d'égarement nous je
ta la figure son écharpe d'échevin,
n'pst-ce pas le brave Struye, qui mal
gré son grand âge, la ramassa allègre
ment et la ceignit pour la boune cause
Mais trêve d'émotionsetde poignants
souvenirs, Messieurs, et revenons
l'honorable M. De Brouwer. Ses titres
nombreux que je viens d'énumérer ne
sont pas les seuls qui l'imposent notre
bienveillance et notro admiration il
en possède d'autres qui peuvent être
pris eu considération outre qu'il fait
Bruges et Courtrai du gaz, qui ne
soulève qno de temps en temps des
plaintes do Ja part de grincheux, com
me il en est Ypres et partout, je dis
avectierté. Messieurs, que l'honorable
M De Brouwer a, comme gazier, une
réputation européenne il est décoré.
Messieurs, et primé par nombre d'aca
démies, il a un grand nombre do bre
vets en Belgique, en Allemagne, en
F'rance et ailleurs
Fol. Des brevets Merci, c'est bon
pour les amateurs
Colaerl Vous venez donc, Mes
sieurs, de faire la connaissance du
grand industriel qui a bien voulu des
cendre parmi nous afin de joindre ses
lumières celles qui pourraient nous
manquer Au nom de la Commission,
je viens maintenant prier M. Do Brou
wer de bien vouloir nous exposer les
grandes lignes de son projet d'accapa
rement de l'arrondissement d'Y'près
Quant vous Messieurs les membres et
rapporteur, vous voudrez bien prêter
une attention soutenue et tâcher tous
de comprendre l'exposésavant qui vous
sera fait.
J'ai l'honneur de céder la parole
M. De Brouwer.
De Brouwer. - Messieurs Mon ami
René vient de vous dire qui je suis
Merci de vos marques de sympathie, je
vous déclare mon tour que tout mon
dévoûment vous est acquis Sans autres
préambules et en homme d'affaires,
j'aborde aussitôt le sujet qui fait l'ob
jet de cette réunion intime f'o qui
vous consommez en fait de gaz Ypres
est absolument insignifiant et je ne
compte pas m'abaisserà venir vous pro
duire ici la bagatelle de 415,000 m. e
Je viens d'enlever l'opsringhe et
Warnêton, deux intéressantes petites
villes, avec l'apport desquelles nous
pourrons espérer dans l'avenir unecon-
sommation générale de 2 000.000 m c.
Dans ces conditions je consens vous
donner de mon gaz Ypres.
D'Huvettere part) 11 est bien
bon
De Brouwer. Vous ne connaissez
pas grand chose, Messieurs, en fait, de-
fabrication du gaz, eh bien je vous
apprendrai, en quelques mots, ce qu'il
en est de la question.
Supposons nne -ooiété constituée
pour l'exploitation de l'éclairage Les
f ais fixes doivent être évalués 25,0(0
fr. environ On peut aller au delà et
prendre comme maximum 31.000 fr.
Il s'agit de savoir maintenant ce quo
coûtera le gaz.
Les frais variables se chiffrent au
jourd'hui comme suit et on peut inter
roger là dessus les principaux gaziers
charbou par toune ren lue 15 fraucs.
Chaque tonne doit donner 250 mètres
cubes salaire fr. 2,50 par tonne de
charbon di-tillé, y compris les ouvriers
de la cour ajoutez y les autres dépen
ses, chauffage, matières, etc., environ
fr. 50 par tonne de charbon, soit au
total 19 fr par tonne de charbon dont
il faut déduire la valeur des sous-pro-
duits,cokes,etc., et vous arrivez con
stater que la tonne de charbon distillé
coûte 7 fr.
(On entend un ronflementc'est Flo-
itlMOXD qui roupillé).
Les 2.000 000 de mètres cubes dont
je parlais tantôt absorberont 8 000 ton
nés et coûteront doue, en frais fixes,
25 000 fr. ajoutez 5G 000 fr coût du
charbon, total 81,000 fr. ce qui fait
environ 4 centimes par mètre cube.
Colaert. Bravo bravo prenez
note, rapporteur, voilà un discours que
je compte reproduire textuellement
en séance du Conseil,
Vandevoorde (se réveillaot). Bravo!
bravo 't is magnifique.
De Brouwer. Je ne vous dis pas
que chaque concessionnaire vous fera
cet aveu là
Colaert. Surtout s'il vend comme
à-Roubaix le gaz 29 c., Courtrai
23 c ou Ypres 18 c.
De Brouwer. Je prouve donc,
chiffres irréfutables en mains, que le
m c. de gaz me coûte 4 centimes.
Eh bien, Messieurs, je consentirais
vous donner le gaz 15 centimes le
m. c.
Boone. Parbleu, c'est un bon mé
tier
Colaert. C'est pour cela que j'étais
partisan de la régie.
Mais, en présence des considérations
d'ordre supérieur qui militent en fa
veur de la très catholique famille De
Brouwer, je fais le sacrifice de mes
préférences personnelles.
De Brouwer. Je construirai une ma
gnifique usine pouvant produire 6,000
m c par jour
l'andenboogaerde En briques blan
ches do Nieuport
Boone. Pourquoi pas en briques
mécaniques rouges de Zillebeke
Colaerl. Non non Ça doit venir
de plus loin
Vandevoorde - Attrape, Seys
De Brouwer. Les immenses gazo
mètres
Baus. Ça, c'est ma partie
De Brouwer seront construits
d'après les derniers perfectionnements.
Et tout cela contre 500 actions de
jouissance sans désignation de valeur
Vandetoorde. Wat is dal
D'Huretlere. Domerik ge weel niets
Dat is iels dal maar weerde heefl roor deze
die ze krijgl jouissance dat wil zeggen
LE0TIÎ.
Vandevoorde. Gadomme me gaan la-
clien.
Fol. Mais, M le Président, mal
gré tout le respect dû M. De Brou
wer, est ce que l'électricité ne ferait
pas parfois mieux notre affaire
Colaert Qu'en pense M. De Brou
wer
De BrouwerOh j'ai tout prévu
et donnerai satisfaction au cher petit
Monsieur qui s'intéresse l'électrici
En effet 1°) notre société s'appellera
8 >ciété centrale pour l'exploitation
i tercommiinale de l'industrie du gaz
et C électricité
2°/ Des avertisseurs électriques fonc
ti nuout entre l'usine-rnère et les diffé
rents dépôts...
D'Huretlere Mais que fait-on de
M Yalck dans tout cela, de son usine,
de sa canalisation
De BrouwerÇa, "c'est un dét ail
don' je n'ai pas m'occuper, c'est de
la compétence de mon ami René.
Colaerl. Messieurs, j'ai encore un
argument dont chacun appréciera l'ex-
tiè.ne importance. La ville d'Ypres
vient de perdre l'honorable baron Sur-
mont de Yolsberghe mon noble prédé
cessenr, qui, sans esprit de retour,
nous a quitté avec toute sa famille
fout eu expiimant mes regrets pour
une détermination dont je n'ai pas
apprécier les raisons.
Boone. Il a du toupet
Colaerl - Il n'en est que trop vrai
qu'un grand vide s'est fait sentir aux
dernières élections L'influence de M.
le baron et de sa famille était énorme,
je dois le reconnaître. Son immense
fortune, mise au service de sa générosi
té, étaient pour toutes nos œnv res cha
titables. politiques et électorales une
source inépuisable.
BooneFraeys et Baus (en chœur)
Bravo Bravo Bravo
Colaert. Eh bien, Messieurs, pa
reil perte demande compensation J ai
pense qu'en attirant dans dos murs la
famille De Brouwer, dont nul n'ignore
l'influet ce électorale Bruges
Vandevoorde. René is loch nen
slimmen.
Colaerl. Laissez moi faire, Mes
sieurs, et dans quelques années, vous
verrez que tout le monde me rendra
hommage et mPt rai terade grand Bourg
mestre, alors que pour ce moment
tout le monde me jette là pierre et
qu'en réalité j-e-ue sois compris que de
Jean et de Florimond
Boone. - Qui vivra, veria.
Colaerl. Je résume. Messieurs, et
suis heureux de constater que le dis
cours péremptoire de l'émirtent M. De
Brouwer vous a convaincus Nous som
mes donc unanimes accepter le gaz
que cet émiDent gazier veut bien nous
(lonner
Mais encore une fois, Messieurs, se
cret absolu, silence sur toute la ligue,
jusqu'à la grande séance du Conseil.
C'est un peu long, me direz-vous, mais
en somme vous n'êtes pas des femmes
D'Huretlere. Pour un féministe,
voi.s n'êtes pas très aimable pour les
dames
Colaert. J'imposerai le même si
lence la presse locale Je suis sûr
d'obtenir cela sans trop d'efforts.
Colaert. Maintenant, Messieurs, il
serait bon, afin de faire bonue figure en
face de l'univers, de distribuer les
rôles pour la grande Béance publique
du Conseil communal.
Moi, je compte, dans un éloquent
discours, retourner la question sur
toutes ses faces de façon que personne
n'y comprenne rien.
Le cher notaire fera un sérieux dis
cours d'opposition, il sera, sans aucun
doute, secondé par M. Sobryqui, je le
sais, a une dent contre moi. La figure
éternellement joviale et épanouie de
Lemahitu donnera la note joyeuse aux
débats et amusera le public. Van
deroorde fera la police de la salle.
Il faudrait trouver encore un mem
bre, qui pour clôre la discussion, me
dirait quelques mots aimables au sujet
de la façon brillante avec laquelle j'ai
mené la question du gaz. Voyons, qui
conviendrait le mieux Fraeys, par
exemple Non, le cousin étant en jeu,
cela paraîtrait intéressé. Vaudenpeere-
booni Il n'en sortirait pas. Fiprs
E-.t-ce qu'il sait le français? Iweins?
Tiens c'est vrai, je n'y pensais pas
mais il est toujours Bruges, il n'as
siste jamais au Conseil.
D Huveltere. Monsieur le Bourg
mestre, j'estime que cela revient M.
Bouquet a® vous off rir le bouquet, c'est
l'homme galant par excellence.
Colaert. - Charmant charmant Il
n'y a que vous, notaire, pour faire de
ces trouvailles Va donc pour Remy
Bouquetil ne comprendra d'ailleurs
pas le rôle burlesque qu'on lui fait
jouer
A bdon M or eau entre et annonce que M
Alfred Vaicke demande a entrer pour faire
une proposition).
Colaert Qu'il nous fiche la paix,
on ne l'a pas demandé. Dites que nous
n'avons pas le temps. Ce o'est du reste
qu'un Yprois.
■Je vais clôturer cette magnifique
séance en témoignant d'abord toute
notre reconnaissance l'éminentgazier
qui a bien voulu la rehausser de sa
présence et vous, Messieurs, je répète
le mot d'ordre
JIctus Messieurs, Afotus
Vandevoorde. Wat wiU dal zeggen
D Hnrellere Zwijgen
Vanderoirde(furieux). Hoe zwijgen
I/i wil van u niet gecommandeerd zijn
Mijnheer de Nolaris
Colaerl Il y aura une répétition
géué-ale avant la grande Représenta
tion.
La séance est levée, Messieurs, je
vous remêrcie.
Les membres se retirent, rappor
teur en tête, fiers d'avoir, grâce leurs
aptitudes spéciales, pu enlever en une
séance un travail qu'ailleurs on met
des années élaborer.
-^vwvAATJW-V- -
(Air LES PETITS PAVÉS.)
I.
Adieu Nuits de Joie et d'Ivresses,
Fini des folâtres amours.
Plus de chants, de cris d'allégresses
Yprois, nous jouirons toujours
D'une clarté chaste et divine, (bis)
Grâce au bon Gaz de la Cousine
II.
Adieu fêtes Vénitiennes,
Adieu la retraite aux flambeaux
Nuit et jour fermons persiennes
Des rayons luminéux a flots
Toujours darderont de l'L sine (bis)
Au Gaz béni de la Cousine
III.
Plus de vols, plus de sombres crimes,
Non, plus de nocturnes méfaits
Yprois, nous atteindrons les cimes
De la Vertu et de la Paix
Des avocats... c'est la ruine, (bis)
Grâce au bon Gaz de la Cousine
IV.
Mais on parle Intercommunale
Et de contrats mystérieux
Maudite machine infernale
Pour écarter les envieux
Voilà les trucs que l'on devine (bis)
Dans le bon Gaz de la Cousine
V.
Eclairons donc l'Hôtel de Ville,
Où Maire et Conseil ténébreux
Nous font la popote en famille,
De nos écus qui sonnent creux
Cherchons voir clair dans leur cuisine
(bis)
Avec le Gaz de la Cousine
Nous lisons dans le Journal de Rou-
baix
Nous avons publié, il y a quelques jours, un
compte-rendu d'une visite faite par M. Eugène
Moite, député-maire, en compagnie de M.
Gustave Wattine, adjoint, l'usine gaz de
Bruxelles, usine exploitée en régie par cette
ville.
D'après les chiffres fournis nos édiles par
le Collège échevinal de la capitale belge, il res
sort que les bénéfices de l'année 1903 s'élèvent
2 millions 206 76b fr. 2b.
Ces magnifiques résultats pouriaienl-ils être
obtenus 5 i oubaix Arriverait-on faire pro
duire ici. une usine municipale, des bénéfices,
relativement aussi importants qu'à Bruxelles
ou tout au moins des bénéfices supérieurs aux
avantages financiers que pourrait offrir une
compagnie
Voilà toute la question Tel est le problème
ardu et délicat dont M. Gustave Wattinne cher
che en ce moment la solution.
En ce qui nous concerne, nous nous efforce
rons de tenir le public roubaisien, premier
intéressé duns l'affaire, au courant des
pourparlers qui vont s'engager nous livrerons
impartialement son jugement et son appré
ciation les arguments qui viendront tour
tour appuyer ou combattre les divers projets
soumis l'examen de nos administrateurs mu
nicipaux.
Il nous a semblé intéressant de
reproduire ces lignes parues dans
le Journal de Roubaix du 11 Fé
vrier écoulé, pour montrer qu'à Rou
baix, comme partout du reste, les
édiles et la presse officielle ont de
leur devoir, une autre conception que
celle que s'en font M. Colaert et son
organe le Journal d'Ypres. A Rou
baix, la concession pour l'éclairage
public n'expire que dans cinq ans et
dès maintenant la question est portée
la connaissance du public. Monsieur
Motte, maire de Roubaix, visite les
usines de son pays et de l'étranger
la presse locale rend compte de ses
démarches.
Nous avons rapporté ce qui s'est
passé Louvain là aussi la«publicité
la plus large, la plus complète fut
donnée l'éclairage.
C'est du reste ainsi qu'agissent les
administrations qui n'ont pas rou
gir de leurs actes.
A Ypres au contraire tout fut mis
en œuvre pour laisser le public
dans l'ignorance la plus complète de
ce qui se faisait.
Pourquoi