Leltre d'Y près. Le discours Clémenceau. faisons d la politique militante, loya le et honnête, nous n'avons jamais as sisté an spectacle écœurant auquel il nous a été donné d'assister pendant la période électorale qui vient de tinir. Nousconnaissions delongue date 1 arro gance sacerdotale, la malhonnêteté po litique du clergé et de ses valets, mats nous étions loin de supposer quels moyens ces messieurs allaient recourir pour faire échouer nos amis. Ce qui s'est passé révolte toute conscience droite. Nous avons été volés, indignement volés L'exemple des fraudes électorales d'Alost a été imité un peu partout. Pourquoi se gêner du reste? Est-ce que le gouvernement lui-même n'a pas »8surél'impunité ces amis fraudeurs Dès lors... Comment pouvons-nous contrôler sérieusement lés listes électorales quand il ne nous est pas permis d'exa miner les registres de la population et quand toutes les pièces nécessaires la confection d'une liste parfaite ne sont pas mises notre disposition Ajoutez cela l'indifférence coupable de beau coup de gens et vous pourrez juger la façon dont les listes électorales sont dressées. A la veille ,de chaque élection, les bureaux des associations libérales re çoivent la visite de quantité de person nes qui réclament, les unes, Leur in scription sur les listes, les antres, l'aug mentation du nombre de leurs votes, et qui, toutes, signalent des inscriptions cléricales illégales et des voix supplé mentaires indûment accordées des amis du clergé. Il est de la plus impérieuse nécessité de donner des droits étendus aux asso ciations politiques quant au contrôle des listes électorales. La revision com plète et approfondie de ces listes, c'est là le point de dépard Tant que cette revision ne nous sera pas facilitée, tant que nosamis ne s'y attelleront pas avec dévouement, il n'y aura rien de fait. La propagande, en période électorale, aussi intense quelle puisse être, ne sert rien, si les listes n'ont pas été contrô lées sérieusement et minutieusement. C'est ainsi qu'un député clérical a pu dire, dans sa... naïveté Bans mon arrondissement le nombre de votes émettre le 21 Mai est augmenté de 5000 voix sur le chiffre de 1902, et toutes ces voix nous sont acquises. (Textuel.) Nous avons pu constater que la pré diction de ce député s'est réalisée. Dans un autre arrondissement, celui d'Ypres, que nous connaissons plus spécialement, les cléricaux, accompa gnés de ces messieurs, allaient partout clamer M. Nolf ne sera pas réélu d'après nos calculs it ne saurait l'être. Il faut que M. Thévelin passe et il passera. -» (Sic.) Ici, la prédiction ne s'est pas réalisée. Mais si les affirmations cléri cales étaient sincères, sur quoi se fon dait-on pour être aussi audacieusement affirmatif Y aurait-il là une corréla tion avec l'aveu échappé si candide ment au député aux 5000voix ci-dessus? Nous posons la question. La propagande cléricale menée dans l'arrondissement d'Ypres a éclaboussé la soutane du prêtre Ce qui s'est passé là est un vrai scandale et, notre con naissance, plusieurs catholiques res pectables, parce que sincères, en ont rougi. Fraude, corruption, calomnies, men songes, infamies, tout a été nns en œuvre par le parti clérical pour faire échouer M. Nolf. Voici ce que nous lisons, ce sujet, dans le Progrès d'Ypres du 3 Juin Il n'est pa< un seul ecclésiastique qui n'ait mis son influence au service du parti. To'.s les électeurs indistinctement ont été visités, voire plusieurs fois. Dans toute* les communes de l'arrondissement, les curés et vicaires ont rivalisé d'ardeur. Ou a même vu, comme Ploegsieert, des vicaires se poster la porte des meetings libéraux et prendre note Je ceux qui avaient l'audace de s'y rendre. Notre arrondissementaétéinondé de jour naux, de manifestes, les uns plus calom nieux que les autres. Nos adversaire®, im puissants combattre nos'idées, les ont dé naturées Ils ont agité contre nous le spectre* du combisme Ils nousont représentés com me des ennemis de la religion, comme des incendiaires d'églises. Des milliers de pho tographies truquées ont été répandues dans l'arrondissement, représentant les anticléri eaux marchant l'assaut des églises. Ils ont fait, appo er des centaines et des centaines d'affiches montrant l'église de Boeschepe in cendiée et nous faisaut assister la mort du malheureux qui y fut tué pour s'être insur gé contre l'autorité. On nous a rendus res ponsables de tous ces faits exagérés, ampli fiés pour la circonstance Il ne suffisait pas nos adversaires de nous avoir lancé la calomnie pendant de longs mois, il leur fallait encore recourir la dernière heure des manœuvres malhonnê tes La veille de l'élection de» circulaires si gnées au nom du parti socialiste, dont on usurpait faussement la signature, préconi sait l'abstention aux électeurs ouvriers de la frontière, parce que M. Nolf a voté contre le suffrage universel 21 ans Le jour de l'élection, des manifestes étaient distribués Warnêton, disant que dans un meeting, tenu au Gheer la veille, M. Nolf et ses amis avaient dû prendre la fuite, ce qui est un mensonge, qui, au besoin, pourrait être attesté par M Moyersoer., avocat et con seiller provincial a Alost, le contradicteur catholique de M. Nolf, au meeting du Gheer. La veille de l'élection, des agents cléricaux sont al és trouver des locataires, disant que leurs propriétaires, de nos amis, leur con seillaient de voter pour la liste cléricale, mensonge produit la dernière heure, trop tard donc pour être déjoué Calomnies, manœuvres déloyales, men songes, tout a été employé. Nos adversaires ont eu pour les soutenir l'appui des pouvoirs publics. La veille de Telection M. de Smet de Naeyer, le chef du gouvernement, pour venir en aide ses amis, a promis l'achèvement du canal, l'éta blissement d'un chemin de halage le long de la Lys, des passerelles Comines et Wer- vicq, travaux réclamés depuis nombre d'an nées M Liebaert a déposé un projet de re prise d>-s chemins de fer de la Flandre occi dentale M. Vanden Heuvel a fait des no minations in extremis et a consenti retar der la publication d'arrêtés royaux qui de vaient légitimement mécontenter certaines familles catholiques Nous n'avons pas eu seulement compter avec la duplicité gouvernementale, nous avons vu se dresser contre nous toutes les administrations communales del'arrondisse- uient, qui, sauf de rares exceptions, ont mis leur influence au service de la cause clérica le. Nous avons eu lutter aussi contre la toute puissance des administrations charita bles, qui dans certaines localités, et notam ment Ypres, disposent d'une influence énorme. Des moyens de pression de toute espèce ont été exercés sur Us électeurs timorés et dépendants, de distributions et promesses d'arg-nt ont été faites pour le cas où M Nolf serait renversé, des trucs de toute espèce ont été employés, car un chef clérical, d'une localité frontière, dans un moment de sincé rité, a avoué publiquement que son parti en avait plusieurs sa disposition, et chacun sait ce que cela veut dire. Voici un fait qui s'est passé Fope- ringhe. Noos laissons aux lecteurs le soin de le commenter A Poperinghe, le clergé est maître de toutes les écoles. Le candidat supplé ant de la liste libérale, qui habite cet Eden, est obligé d'envoyer ses enfants l'école congréganiste. Peu de jours avant l'élection, une religieuse prit partie la tille du candidat, enfant de neuf ans, et, en présence de ses petites compagnes, en classe. la désignant du doigt, lui dit Voilà laJille de celui qui s'il est élu le 21 Mai, sera le preiKler faire fermer les églises Poperinghe (textuel). Nous n'en finirions pas si nous de vions rappeler tous les moyens déloy aux auxquels nos adversaires ont eu recours. Ils n'ont pas hésité, pour se maintenir au pouvoir, attaquer indi gnement le gouvernement français, oubliaut combien la France est hospita lière pour les milliers et les milliers de nos compatriotes qui vont y gagner leur pain, at ne témoiguant aucune re connaissance notre voisine qui, si elle le voulait cependant, ferait payer chè rement toutea les inqualifiables atta ques dont elle est l'objet, en augmen tant considérablement les droits d'en trée sur le beurre, les œufs, la volaille, tous produits de la ferme qui rappor tent gros aux cultivateurs flamands. La France, espérons le, se montrera plus généreuse que les cléricaux belges. Et malgré tout, M. Nolf est réélu avec 1778 voix de plus que le quorum Faut-il que le courant anticlérical ait été formidable Nos adversaires n'ont rien nous re procher. Notre campagne électorale a été loyale et honnête. Alors qu'ils ca lomniaient nos amis, nous restions sur le terrain de® principes. Notre drapeau, sorti victorieux de la bataille, n'a pas la moindre souillure L'est notre honneur nous, c'est aussi notre force La ville de Poperinghe a été mise en émoi cette semaine par l'arrestation de deux commerçants, l'un marchand de charbon, l'autre de bestiaux, tous les deux connus jusqu'à ce jour comme très honorables. Us sont accusés de complicité dans les actes de banditis me commis parla bande Pollet d Hae- zebrouck. Des perquisitions faites aux domiciles des inculpés ont donné des résultats qui ne laissent aucun doute sur leur culpabilité On a découvert, cachés dans un matelas, une quantité de bijoux provenant des vols commis la suite des crimes imputés cette bmde. Ces deux individus ont été écroués la prison cellulaire de notre ville. D'autres arrestations sensation nelles, nous dit-on, sont immiuentes Poperinghe. Nous sommes étonnés que les feuil les pieuses n'ont pas encore exigé la rigueur du ministre contre les curés, salariés de l'Etat, qui se sont ouverte ment jetés dans la mêlée des partis. Le curé d'un village des plus inféo dés au cléricalisme, a promis plu sieurs ouvriers de sa paroisse une som me de 2 francs, qu'ils pouvaient aller toucher chez lui, le lendemain de l'éli ction, si Monsieur Nolf était éli miné. Le Dimanche 3 Juin, ce même curé est monté eu chaire pour remercier les électeurs qui avaient voté pour la liste catholiqne, mais aussi pour frapper d'auathème ceux qui avaient osé, mal gré ses démarches, ses menaces, ses promesses et ses prières donner leurs voix la liste libérale Tous sans aucune exception, a-t-il ajouté, m a- vaient formellement promis de voter pour les candidats catholiques et j'ai été désagréablement surpris de voir qu'il y en a eu des centaines qui ont manque leur parole donnée. Alors il les a traités de faux, de perfides, de félons; il les a menacés des peines éter nelles et de tous les malheurs qu'un Dieu vengeur peut leur réserver, au cun péché n'égalant en gravité celui d'avoir voté pour un impie, un hériti- que. Et, la rage dans le cœur, il a quitté la chaire, où il venait de débiter tout ce que vous voulez, sauf la parole de Dieu, sauf les leçons de l'Evangile, sauf les préceptes de la charité, de la morale, de la religion du Christ. Des lecteurs nous demandent de pu blier un poignet du discours pro noncé la Chambre française par M. Clém snceau plus étendu et plus com plet que celui transmis aux journaux par les agences télégraphiques. Nous leur donnons d'autant plus volontiers satisfaction qu'il nous paraît bon, un point de vue politique général, de ré pandre les idées exposées par le minis tre de l'intérieur de France, idées qui cadrent si parfaitement avec celles de la démocratie libérale de toute l'Euro pe II importe, en effet, de marquer nettement, de plus en plus et de mieux en mieux, la différence qu'il y a entre la démocratie libérale, qui veut des réformes politiques immédiates, qui veut la conciliation des intérêts de toutes les classes sociales, et la démo cratie socialiste, qui tend accentuer la lutte des classes et un impossible idéal collectiviste. M. Clémenceau a magistralement défini la situation. LES SOCIALISTES ET LA CLASSE OUVRIÈRE. M. Clémenceau. Interpellé directement et personnellement par M. Jaurès, je veux d'a- hord rendre pleinement hommage la noble passion de justice sociale qui anime si magni fiquement son éloquence Dans un mouvement irrésistible d'idéalisme, il veut l'humanité heu reuse et rien ne lui coûte pour cela. Amphion, modestement, aux accents de sa lyre, élevait les murs de Ttièbes la voix de M. Jaurès un miracle plus grand s'accomplit il parle et toute l'organisation séculaire des so ciétés humaines s'écroule soudainement. (Ap plaudissements.! Tout ce que l'homme a pensé, voulu, réa lisé pour améliorer son sort, pourameser un commencement de justice sociale, tout ce qu'il a souffert, par le sang et par le fer, depuis qu'il s'est élancé de ses cavernes la conquête de sa plarète, toutes ses victoires, tout cela se résout en poussière, s'envole en fumée et si vous sui vez celte fumée dans les airs, vous la voyez s'étayer en palais somptueux et brillants dont toute misère est bannie. (Applaudissements C'est le mal social éiiminé de l'œuvre de la Ge nèse, ce mal que Jébovah lui-même n'avait pu enlever il ne nou* restera plus que les maux de notre condition humaine et, je vous le jure, ce sera assez (Applaudissements.) M.Jaurès parle de très haut, absorbé dans son fastueux mirage, mais moi, dans la plai- ne, je laboure un sol ingrat, qui me refuse la moisson d'oii la différence de points de vue que sa bienveillance a tant de peine me par donner. (Applaudissements gauche et au cen tre.) Il m'a fait grâce de quelques fleurs, mais j'ai vue reconnu que c'était pour m'imraoler plus pû'i peusemenl sur l'autel du collectivisme malheureusement, je ne suis pas, par habitude', une de ces victimes résignées, prêles Tendre au fer de Colclias une gorge innocente. Je me débats, je crie, je me révolte, et c'est pour protester que je suis monté la tribune, (App'3udissemenls.) De quoi m'accuse-t-on M Jaurès a dit, daus uu langage un peu dur, que j'avais refou lé, comprimé la classe ouvrière, non pas plus qu'aucun autre gouvernement eu France, comme l'ont déclaré tout l'heure MM. Thi- vrier et Vaillant, mais que la plupart des gouvernements réactionnaires de ia Républi que. l'ai refoulé la classe ouvrière Où donc l'ai-je rencontrée, cette classe ouvrière (Très bien Très bien \J M. Paul Constans Si ce n'est pas la classe ouvrière qu'on a refoulée Montluçon, qu'est-ce donc M Jules Coûtant. Et Paris M Clémenceau. Je n'ai pas interrompu le discours de M. Jaurès, de M. Ttnvrier, de M. Constans, de M. Vaillant, je n'ai pas inter rompu même, vous m'en êtes témoins, les in terruptions de M. Coûtant. (On rit.) M. Jules Coûtant. Une fois de plus, vous vous moquez de la classe ouvrière. (Bruit). M Clémenceau Il ne faut pas aroire que la classe ouvrière est en cause partout où se trouve un ouvrier il y aurait là une erreur de langage. Où donc ai-je rencontré toute cette classe ouvrière, ou ceux qui la représentent légitimement Était-elle derrière les barricades devant lesquelles est tombé le lieutenant Lau- tour, sabre au fourreau (Vifs applaudissements gauche au centre et droite. Interruptions l'extrême-gauche.) Je ne viens pas ici faire le p-ocès de la classe ouvrière, ni des grévistes du Nord, mais il faut me laisser parler pour que je dise toute ma pensée et que je demeure maître de ma parole. (Très bien très bien La classe ouvrière, était-ce ces affolés qui allaient piller et détruire les demeures de leurs camarades Ces mineurs, je les ai vus, mais étaient-ils les représentants de la classe ou vrière? (Applaudissements.) LE MAINIIEN DE L'ORDRE EST FIN DEVOIR Vous m'avez fait cette giâce de croire que je considérais comme le pire désastre la rencon tre des troupes et des ouvriers. Si vous ne me rendiez pas celle justice, je me la rendrais moi même, et cela me suffirait. J'ai tout fait au monde pour éviter ce désastre. (Applaudis sements.) N'avez-vous pas vu qu'à travers les diffictri- lésqui m'entouraient, difficultés telles qu'au cun autre gouvernement n'en a connu de sem blables, j'ai tenu par ma présence rpontrer que je ne voulais pas laisser de malheureux affolés courir leurs chances et marcher au-de vant de la mort (Applaudissements.) J'ai vo.ilu payer de ma personne dans toute la mesure où j'ai pu le faire, et vous veuez me dire que j'ai mâté la classe ouvrière, moi re présentant d'un gouvernement dont on a tué les soldats, plus durement que les gouverne ments précédents, dont les gendarmes ont tué des grévistes et contre lesquels, vous n'avez même pas eu une parole de blâme (Applau dissements gauche et au centre. Interrup tions l'extrême-gauche M Paul Constans.Nous avons protesté. M. Clémenceau. Ce n'es pas M. Paul Constans que je m'adresse, c'est M. Jean Jaurès qui, an lendemain des événements de Chalon, n'a pas trouvé un mot de blâme dans l'Humanité pour un gouvernement dont les gendarmes avaient tiré sur les ouvriers. (Inter ruptions l'extrême-gauche.) Je n'accuse pas ce gouvernement je n'ai pas le juger, je constate un fait. Vous me demandez des comptes, j'ai le droit d'en demander vous-même. Vous n'avez pas fait d'article dans votre journal pour blâmer le gouvernement, d'alors et, quand les socialistes en majorité lui ont voté un ordre de jour de confiance, vous avez pris la plume pour les- justifier. (Applaudissemenis.) Vous avez beau jeu, aujourd'hui, après les I élections générales, pour mettre en cause uu gouvernement qui s'est trouvé aux prises avec des difficultés peut-être trop tôt ouvertes. Avez-vous déjà banni de votre mémoire les inventaires, les églises fortifiées, mille hommes en armes dans la plaine d'Auray, sous la con duite de parlementaires, les paysans de la Chapelle-Jansou attaquant des soldats du train qui faisaient la manœuvre, blessant les officiers et détruisant les équipages (Interruptions droite.) .1/. Lefas. Le fait est faux, (Bruit.) M Clémenceau. Le fait est si vrai qu'il 3 été prouvé en justice et qu'il s'en est suivi des condamnations. Et les grèves du Nord, et les grèves du Pas* de-Calais, et la politique d'apeurement organi sée par les réactionnaires, et la fuite Bruxel- T les, et la folie des approvisionnements, iout cela tuiq jours des élections

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Le Progrès (1841-1914) | 1906 | | pagina 2