D'ÀfFICHES, ANNONCES, AVIS H NOUVELLES DIVERSE
FEUILLETON.
No 2444.
SAMEDI, 6 Mars, 1841.
24». Ann#^!
BELGIQUE.
ypres, 6 mars.
DE L'AMOUR AU XIX6 SIÈCLE.
(suite et fin.)
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LE PROPAGATEUR,
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Deux discours ont été prononcés sur la
tombe de M. Ghesquière, dont nous avons
annoncé le décès dans notre dernier numéro,
l'un par M. Vandaele, président de la chambre
des avoués, l'autre par M. Honoré Smaelen,
ancien condisciple du défunt. Voici ces deux
pièces; elles font connaître une vie trop re-
commandable, pour ne pas intéresser l'atten
tion de nos lecteurs
M. Vandaele s'est exprimé ainsi
Au tord de cette fosse, nous venons remplir
un triste, mais indispensable devoir; celui de
rendre hommage a la mémoire d'un confrère dont
nous avons tous su apprécier le caractère, les
talents, la vertu.
Èlélas! quelques jours h peine se sont passés,
qu'Edouard Ghesquière était encore parmi nous
Qui alors pensait que la tombe était prête a
Aimer, c'est là tout vivre.
Saihte Bedvb.
Est-ce que les hommes d'aujourd'hui ne sont
plus de la même nature que leurs pères? Est-ce
que le feu sacré est éteint la-haut, et que Dieu,
en les formant, ne trouve plus l'étincelle qui doit
allumer leur regard et colorer leur front (i)?
Deux traits distinctifs de l'amour de notre âge
sont l'amitié et la mélancolie.
(i) Une statique morale, publiée par l'avocat Guerry
nous montre que dans ces derniers temps le nombre des
suicides s'est élevé peu près i,8oo par année dans
l'intérieur de la France; or, comme on ne peut nier que
l'amour n'en soit la cause la plus fréquente, c'est un fait
qui peut prouver par chiffres aux détracteurs des amans
modernes que ce sentiment n'a pas perdu de sa violence
dans leur sein.
s'ouvrir pour lui? Mais si la mort l'a ravi au
milieu de sa carrière, du moins que ce soit une
consolation pour son respectable père, ponr sa
famille, pour ses amis, de savoir qu'il a doublé le
nombre de ses jours par le bon usage qu'il en fit.
Après de brillantes études humanitaires, après
l'obtention du grade de Docteur en Droit, après
plusieurs années de stage, oit se développèrent la
rectitude de son jugement, la connaissance des
lois, l'amour de la justice et de l'équité, il
vint parmi nous, vivifier par la pratique, l'étude
approfondie qu'il avait faite des principes du
droit. Bientôt une place de juge-suppléant, le
fit participer aux travaux judiciaires du tribunal
de première instance d'Ypres,qui, par sa présence
a cette triste cérémonie rend un éclatant hommage
aux qualités du défunt. Il concourut rendre la
justice dans un grand nombre de causes, et l'at
tention qu'il prétait aux débats, était-un signe
non équivoque de la consience qu'il avait de
l'importance de sa mission.
Il joignait a ce travail, déjà laborieux, "celui
de la patrocination et l'augmentation progressive
de sa clientèle est le meilleur éloge qui puisse
être fait de la manière dont il approfondissait
les causes soumises ses conseils et son expérience.
Ses moments de repos étaient partagés entre
le culte des belles lettres, et celui de l'amitié et
L'amitié dans Vamour, ce bonheur qu'on a
trouvé quand la femme qu'on aime a un cœur qui
comprend parfaitement le vôtre, une intelligence
qui saisit la pensée sur vos lèvres, la caresse et la
fait éclore davantage, des goûts qui sympathisent
avec les vôtres, des goûts qui font que nous l'aimez
non-seulement dans elle, mais dans la musique,
dans la peinture, dans l'étude qu'elle aime avec
vous l'amitié dans l'amour est un sentiment tout-
à-fait nous, tout du dix-neuvième siècle. Autre
fois, on avait son ami et sa maîtresse, aujourd'hui
beaucoup d'hommes veulent trouver lui dans elle.
C'est pourquoi la beauté qui se forme de la fraîcheur
du teint, de la régularité des traits, cède souvent
le pas maintenant la beauté qui naît de l'expres
sion d'une âme supérieure.
Byron, ce génie si avancé sous d'autres rapports,
est une grande exception la nature de l'amour
actuel. Dans son superbe dédain, il regardait les
femmes comme un instrument de plaisir dont il
aimait jouër. Turc envers ces pauvres femmes,
Turc s'il en fut'jamais, il leurrefusait une âme, il
les liens de l'amitié même, par celui qui spé
cialement en était l'objet, fournissent la preuve
que jusque dans ses moments de loisir, Ghes
quière aimait joindre l'instruction au délas
sement.
Au milieu de cette noble et utile carrière,
une mort soudaine, enleva celui que nous pleurons.
Puissent les regrets unanimes qu'inspire sa perte,
consoler son ombre!
Il a vécu peu, mais il a vécu de la vie des justes.
L'éternité lui sera douce et la terre légère;
adieu Ghesquière'
M. Honoré Smaelen s'est énoncé en ces
termes
Messieurs, la certitude de la mort, l'incertitude
de son heure, sont pour tous les hommes des
vérités dont l'expérience journalière ne suffit pas,
pour diminuer l'impression profonde et prolongée
d'un événement tel, que celui qui nous amène
aujourd'hui si inopinément dans ces lieux de
deuil. Au milieu des pertes douloureuses que ces
derniers mois ont fait éprouver notre cité, le
glas funèbre semblait n'avertir jusqu'ici que
d'autres âges, quand soudain est tranchée une
existence qui les apparences de santé, les
habitudes salutaires d'une vie réglée, et un
tempérament tranquille, promettaient une car
rière aussi longue, qu'heureuse et distinguée.
ne leur concevait d'autre mérite que de belles dents
et un regard enflammé, et, selon la fantaisie de son
cœur hautain, prenait ou rejetait ses idoles. Peut-
être puisa-t-il ces manières despotiques en amour
dans le naturel anglais, car Milton, son aïeul en
poésie, appela jadis les femmes beau défaut de la
nature.
Le temps, en amenant chaque jour de nouveaux
désenchantemens, agit sur l'humanité entière com
me sur un seul homme, il la vieillit d'expérience,
il imprime des rides de tristesse sur son front*
C'est surtout en amour que se manifeste cette tris
tesse de l'âme elle s'allie bien avec le sentiment
le plus tendre. L'amant repoussé était autrefois le
seul malheureux; maintenant, il se plaint aussi
l'amant aimé
Soit, hélas! que notre faiblesse
Pliant sous sa félicité,
Comme un roseau qu'un souffle abaisse,
Donne l'accent de la tristesse,
Même au chant de la volupté.
Lsmabtik*.
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