Bruxelles, 7 Avril.
M. Desmaisières, ministre des travaux
publics, se propose, dit-on, de faire pro
chainement un voyage en Allemagne, pour
prendre connaissance de l'état des travaux
du chemin de fer rhénan; il ira jusqu'à
Cologne et sera accompagné dans cette
tournée par M. Masui.
L'Emancipation dit que l'absence si
multanée de tous nos agents diplomatiques
et consulaires en Orient, éloignés de leurs
postes par des missions en Abyssin le, en
Arabie et en Syrie, donne lieu des plaintes
de la part des nombreux industriels qui
ont des relations commerciales avec le
Levant.
Un fait des plus extraordinaires et
peut-être sans exemple dans les annales
de la médecine vient de se passer dans la
commune de Woluwe-St-Lambert, près de
Bruxelles c'est une famille presqu'entière
qui, en moins de deux heures, a été atteinte
catéchismes réimprimés traditionnellement, pour
servir d'épouvantail dans les caïqpagnes. Les
libéraux s'en moquent entr^eux. Nous savons que
c'est faux et absurde, disent-ils, mais les gens
simples y ajoutent foi, et tous les moyens sont
bons pour discréditer le clergé. Morale digne
du patriarche du libéralisme au i8m* siècle, de
Voltaire, qui écrivait avec sa naïveté cynique
Qu'importe que j'aie raison, pourvu qu'on me
croie
Qu'est-ce que la dîme après tout A une époque
où le numéraire était rare et où tout se résumait
dans la richesse territorialela dîme n'avait rien
de plus insolite et de plus vexatoire que tant
d'autres usages qui ont disparu avec les circons
tances qui les avaient fait naître. Comme aujour
d'hui les contributions directes, la dîme a soulevé
beaucoup de réclamations de la part des fermiers,
qui n'ont du reste pas gagné la voir disparaître.
Ils ont seulement payé des beaux plus élevés
leurs propriétaires, et en outre contribué a l'impôt
réparti sur tout le monde pour indemniser le clergé
de la perte des dimes et de ses autres revenus. La
suppression des dîmes, dit le traducteur d'Adam
Smith, qui fut faire en France en 1789, a tourné
en entier au profit des propriétaires fonciers,
qui ont augmenté le prix de leurs baux de
toute la valeur de la dîme.
Du reste, nous n'entendons en aucune façon
préconiser la dîme. Aujourd'hui que la richesse a
changé de caractère, la dîme, envisagée même
comme un impôt, n'atteindrait que fort imparfai
tement son but. Les conlributions en nature ne
sont plus dans les usages modernes. L'économie
politique a marché, et, si elle doit faire bien des
pas encore avant qu'on puisse accepter toutes ses
données, il y a du moins des questions jugées sans
retour. Les hommes qui déclament le plus contre
la résurrection de la dîme sont précisément ceux
qui comprennent combien elle est impossible.
violemment Mm* de Sauve, et passant h la hâte un
peignoir, elle descendit du lit, éclaira mieux la
chambre, vint h moi, me secoua fortement le bras,
répondrez-vous monsieur? malheureux enfans,
qu'avez-vous fait?
Ce fut alors moi qui lui dis tout; mais quand
je vins h cette dernière soirée, elle pâlit, et levant
ses deux mains d'un air égaré...
Séducteur infâme puis scs mains retond-
bèrent sans force...Imprudente mère... ne de-
vait-je pas mieux voir Mon mari, il me tuera
Saisis d'effroi et de douleur, nous l'entourâmes
de nos bras, malgré ses efforts pour me repousser.
Pauline pleurait et demandait pardon, et moi je ré
pétais Je suis son mari, je vous protégerai
toutes deux. M*"? de Sauve se tut longtemps.
Sortez, monsieur, me dit-elle enfin, et
gardez-vous de revenir... Puis attirant brusque
ment Pauline^ elle, et vous! Mais a la
vue de ce visage si candide, de ces yeux sup-
plians et baignés de larmes, cette mère au déses
poir reprit d'une voix plus douce Ma fille,
iha pauvre fille! 1Et comme elle vit que je ne
m'éloignais pas, dis-lui donc de partir.
Jusqu'à demain, maman?
Oui, nous le reverrons demainencore une
fois...
Une tactique bien déloyable est mise en jeu
pour terrifier les campagnards. Certains proprié
taires affectent de stipuler dans les baux que si la
dîme vient être rétablie, elle restera la charge
du preneur. On divine facilement d'où le mot
d'ordre est parti. L'astuce et l'hypocrisie se sont-
elles jamais traduites en actes plus lâches et plus
odieux? Cet usage se propage de plus en plus,
ce qu'on nous asssure, pendant que les feuilles
libérales se livrent des doléances mensongères
sur le retour possible du passé.
Il y a au fond de ce procédé un calcul infernal,
qu'on nous pardonne l'énergie de cette expres
sion, mais les conséquences en retomberont sur
ceux qui l'ont imaginé. On veut enlever an clergé
l'affection des populations agricoles sur une ques
tion d'intérêt vitale pour elles. Cependant qu'on
y songe bien la religion sera déracinée du même
coup, car dans la logique de son bon sens, le
peuple n'entend rien la subtilité des distinctions
abstraites que font dessein nos adversaires. Peut-
être est-ce là surtout le but qu'on veut atteindre.
C'est fort bien. Mais quand les dernières lueurs
de la religion se seront éteintes avec le clergé qui
les entretient, quand il n'y aura plus de mains
vigilantes pour verser sans cesse de l'huile dans la
lampe, qu'arrivera-t-il Ces populations mainte
nant si calmes, si morales, ne paieront pas la dîme
sans doute, mais elle la feront payer aux hommes
de parti qui les effraient aujourd'hui. 11 n'y aura
plus d'obstacle h l'invasion des principes désorga-
nisateurs qui fermentent dans les entrailles du
libéralisme. Les travailleurs, dont la cupidité ex
citée par vous ne trouvera plus de frein feront
des comparaisons effrayantes entre leur sort et le
vôtre. Après avoir déchiré le catéchisme de la
religion, ils liront le Catéchisme de la nature.
L'Evangile du peuple remplacera l'Evangile du
Christ.
Dès que le clergé que vous représentez sans
Adieu donc, Albert, jusqu'à demain.
Je marchai lentement la porte là je me re
tournai, et ce ne fut pas vers Pauline, mais vers
sa mère, qu'un mouvement impétueux me ramena.
A genoux devant elle, je pris ses mains, je les
couvris de baissers et de larmes Sortez, sortez,
me répétait-elle, mais il y avait plus de cha
grin que de colère dans sa voix, elle ajouta tout
bas Imprudente mère, malheureux enfans!
Je remontai enfin chez moi, je 111e jetai tout
habillé sur mon lit, et le jour commençait peine,
que je me promenais dans ma chambre, mal
heureux, inquiet, songeant peine cette ivresse
de la veille, n'en désirant pas le retour, mais
dévoré du besoin de revoir celle qui m'était plus
que la vie, de presser sa main sur mon cœur, et
d'apaiser le courroux de sa mère. Toutefois, je
n'osais descendre, je ne voulais pas m'exposer
entendre madame de Sauve, me redire ce ter
rible sortez, qui retentissait encore dans mon
coeur, comme un arrêt de mort. Je restai ainsi
toute la matinée assis la même placesans
prendre de nourriture, les yeux secs, la lête en
feu. Vers midi, j'entendis dans la rue le bruit
éclatant d'un fouet de postillon, une voiture entra
dans la cour, j'aurais voulu aller ma fenêtre
regarder, un vague effroi me fit retomber ma
cesse comme cupide et insatiable ne s'interposera
plus entre vous et le peuple, vous serez votre
tour victime} des défiances, des haines, des jalou
sies que vous aurez fatalement allumées. Quand
la théorie de la souveraineté absolue du peuple,
que le libéralisme prêche hors de tout propos, sera
prise la lettre, les masses jugeront qu'elles peu
vent tout défaire leur gré. Les travailleurs
trouveront qu'il est absurde de féconder de leurs
sueurs un sol qui appartient des oisifs, qu'il est
odieux de leur enlever par un fermage tyran nique
le fruit d'un labeur dont on n'a point partagé les
peines. Nous ne sommes pas si éloignés de l'époque
où la dîme des fortunes, où la dîme du sang,
remplacera celle des moissons, pour qu'on puisse
traiter nos prédictions de chimère. Ces prédictions
sont de l'histoire.
place. Quelqu'un monta précipitamment, la porte
de madame de Sauve s'ouvrit grand bruit un
cri qui tenait la fois de la joie et de la peur,
me fit tressaillir jusqu'au fond de l'âme, et tout
redevint tranquille. Je pressentis que quelque chose
de grave, d'important, peut-être d'horrible allait
arriver, et j'attendis... J'attendis ainsi jusqu'au
soir, jusqu'à la nuit, nne fièvre violente s'était
emparé de moi, et l'obscurité qui m'entourait se
peuplait de visions fantastiques et menaçantes.
Tout coup une fâible lumière se glissa travers
les fentes de ma porte, un pas lourd et mesuré
résonna sur l'escalier, et avant que je n'eusse la
force de me lever, ma clé laissée la serrure,
tourna lentement, et la porte en s'ouvrant me
laissa voir l'original de cette figure d'homme sé
vère et triste, que, chez madame de Sauve, je
n'avais jamais, regardé sans frayeur. Je me crus
fou, mais une pensée lucide et terrifiante s'em
para de tout moi-même, Son père et je m'avan
çai en chancelant, je tendis les mains, et je criai,
pardon puis je m'évanouis. Quand je revins
moi, j'étais sur mon lit. M. de Sauve, car c'était
bien lui, d'une main me faisait respirer des sels;
et de l'autre interrogeait les battemens de mon
cœur.
(1Suite au prochain numéro.)