Pierre.
Paul.
Paul.
Pierre.
Pierre.
Paul.
Pierre.
Paul.
Paul.
Pierre.
Paul.
Pierre.
Paul.
Pierre.
Paul.
Pierre.
Paul.
projette la régence. On s'appitoie toujours sur ce
point, mais sachez monsieur Paul que ces alie'ue's
sont souvent de très mauvaises tètes qui, si elles
avaient su se conserver ne seraient pas aliéne'es.
Paul.
Bravo c'est la du monsieur de Lapalisse tout
pur mais ne plaisantons point sur un sujet aussi
grave. L'alie'nation mentale est une infirmité qui
comme toute autre afflige la pauvre espèce hu
maine, et qui chez tous les peuples fixe particuliè
rement la commisération publique.
Ne vous gendarmez pas mon cher Paul l'éta
blissement du jardin public n'empêchera pas
l'administration de penser plus tard a l'érection
d'un hôpital pour les insensés. Mais pour Dieu
laissez nous prendre d'abord nos ébats dans notre
beau parc.
Oui beau parc grand d'un tiers d'hectare.
Et puis nous n'avons pas encore, comme tant
d'autres villes, un abattoir. C'est chose amusante
en effet d'avoir en face de sa maison, celle d'un
boucher; il y a des dames demeurant dans une
telle situation, qui le jeudi se confinent dans une
chambre de derrière de leur maison pour ne pas
entendre les cris plaintifs du bétail que les bouchers
tiennent, par préjugé d'utilité, ou par avarice,
affamé pendant plusieurs jours avant de le tuer.
Pierre.
Sensiblerie féminine que cela mon cher Paul
il y a des femmes qui tombent en syncope en
entendant bêler une brébis, beugler une vache ou
un veau près d'être égorgés; et qui feignent ne pas
entendre les vagissements pénibles du bambin
qu'ils ont envoyé coucher sans souper, après une
réprimande tout autre que par paroles.
Ce n'est pas Ypres qu'on voit de ces tristes
écarts, mais vous trouvez toujours dans votre
large caboche quelques objections coçaces, aux
quelles mon esprit étroit fournit 'a peine la
réplique.
Savez-vous Pierre, qu'en présence de ces objets
indispensables, tels qu'un hôpital des insensés, un
abattoir la régence sacrifiera annuellement 2
mille 5 cents h 3 mille francs. Et pourquoi?
Pour procurer une petite récréation h cent per
sonnes sur i5 h 16 mille âmes; pendant tout au
plus 12 heures par année.
Pour le coup Paul votre supposition ressemble
tant soit peu, soit dit sans vous fâcher, a du
radotage. Comment douze heures par année?
Paul.
lié oui douze heures. Je vais vous en fournir le
compte.
Convenons d'abord que depuis le mois d'octobre
jusqu'au mois de mai votre parc, sans feuillage
ni verdure, entouré de murailles nues présentera
l'aspect d'un vrai cimetière des innocents, qui
ne sera fréquenté par personne. Bien que les cinq
autres mois, produisent souvent beaucoup de beaux
jours ouvrables, ils donnent rarement douze beaux
dimanches. Cependant mettons douze beaux di
manches.
La musique ne jouera que pendant ces beaux
jours de dimanche. Elle ne jouera que de midi h
une heure.
Le nombre des promeneurs habitués ne dépasse
presque jamais la centaine, et bien souvent ils
sont inférieurs h ce nombre mais ne chicanons pas,
mettons cent promeneurs écoutant la musique. Ainsi
de compte fait la récréation de cent personnes
pendant douze heures par année, coûtera h la
ville au moins 2 mille 5oo francs, somme bien
employée sans doute. Qu'en pensez-vous mon
camarade
Je pense mon cher camarade que votre compte
est un compte en l'air, un compte qui ne vaut pas
tripette. Il repose sur la supposition qu'on ne
se promènera au parc, qu'au son de la musique,
et qu'autrement on ne s'y promènera pas du tout,
tandis qu'il est bien certain qu'on s'y rendra en
foule matin et soir.
Erreur, erreur, Pierre, chimère, ne croyez pas
cela Pierre. Pas de musique, pas de promeneurs,
ça s'est vu de tout temps h Ypres. Cela est aussi
clair que l'eau de roche. Et pourriez vous croire
tout de bon, l'ami, qu'on abandonnera la prome
nade du chemin de la Ilooghe, chemin qui
s'embellit d'année en année par l'établissement
de nouvelles maisons de campagne, par des jardins
de plaisance, dont le nombre ira toujours crois
sant où se trouvent de jolies guinguettes très
riantes, où il s'en établira avant l'été prochain,
une toute nouvelle, de bon style et de bon goût, a
l'endroit où fourche le pavé pour aller vers la
Hooglie.
Mais on pourra fréquenter l'une et l'autre pro
menade, et la ville sera toujours dotée d'un parc
magnifique.
Magnifique n'est pas le mot, Pierre, dans le sens
relatif au quel vous avez intention de l'employer.
Sans doute le jardin de l'évêché est un superbe
jardin, nous avons été les premiers k en préconiser
la beauté, pour un jardin d'évêque, pour un jardin
de gouverneur, pour un jardin de collège, de
couvent, de confrérie, de société, de casino, que
sais je pour tout jardin, de société particulière
mais pour un parc de ville d'une population de
i5 k 16 mille âmes, un carré d'une mesure, en
touré de murailles, est une vraie dérision, une
chose qu'on finira par trouver mauvaise.
Pierre.
Bien d'autres villes n'en ont pas de plus étendu
et en sont très satisfaites.
Je n'en crois rien, mon ami, et quand cela se
rait, l'inconvénient de l'exiguité n'en serait pas
inoindre. Cela se prouve aisément. Supposez que
la ville donne dans ce parc la, une fête, et sans
doute la ville y donnera une fête d'inauguration,
ne fût-ce que pour faire mousser l'avantage de
l'érection de l'établissement. Supposez qu'il se
rende k cette fête inaugurale cinq cents personnes,
ce n'est point exagérer l'hypothèse, vu que ce
nombre ne forme que la trente deuxième partie
de la population, hé bien cette minime fraction
des habitans d'Ypres, réunie dans votre parc en
miniature s'y coudoiera, s'y heurtera, s'y bouscu
lera, comme on se coudoie, comme on se heurte,
comme on se bouscule a un raout britanique.
Puis allez voir le lendemain votre parc aux
arbres k verds feuillages, aux verdoyantes pelou-
ses, vous le trouverez tout aussi frais, que le cos
tume et la figure d'un fashionable joueur, sortant
k cinq heures du matin d'un brelan où pendant
la nuit il a perdu toute sa fortune.
I-es raouls anglais sont maintenant de mode,
dans toutes les capitales, d'ailleurs je vous attends
a l'essai, je suis assuré que vous changerez de
langage.
Laissez donc! votre parc pour servir de prome
nade publique k toute la population, c'est une
chimère, un songe creux, un rêve des jeunes
gens, qui s'en rieront tout les premiers avant deux
ans d'ici; oui Paul avant deux ans d'ici, prenez
cela en note, nous sommes en octobre de l'an de
grâce i84i.
Nous verrons biennous verrons bien.
Mais ne nous en prenons pas k la régence sa
première et sage décision a été prise trop résolu
ment, et avec trop d'unanimité, pour ne pas
croire que c'est k regret quelle a abandonné un
projet aussi avantageux k la ville.
Je penche assez croire comme vous Paul, sur
ce point, mais une volonté de la part de quelques
hommes peu instruits des localités, et n'ayant pas
approfondi les choses, aura entravé l'exécution
de la première décision et la régence voyant son
zèle pour le bien méconnu, se sera empressée pour
éviter les tracasseries ultérieures, de prendre la
nouvelle résolutionqui en effet a été prise avec
trop de précipitation.
C'est pourquoi j'aime k croire que l'adminis
tration municipale reviendra sur sa décision er-
roée, car il n'y a que les entêtés, et les sots c'est
tout un, qui s'obstinent k ne pas vouloir modifier un
plan qui parait évidemment défectueux.
Si la régence le juge ainsi pour ma part je serai
loin de la critiquer.
Il serait k désirer que plusieurs bons plans
fussent manisfestés par la voie de la presse, ou
par voie plus directe. En attendant, puisque on
ne veut plus morceler le jardinvoici une idée
que j'ai conçue, qui me semble concilier les inté
rêts de la ville et l'agrément du public, mon plan
serait de conserver en effet le jardin en entier, en
ne laissant au palais qu'un terrain nécessaire aux
besoins de l'établissement, lequel terrain ne serait
séparé du jardin que par uu treillage afin de ne