par toute cette multitude, il y avait des
jeunes filles, toutes habiliées de blanc,
avec beaucoup de goût et portant des
écussons. Nous en avons cru voir au moins
deux cents. L'évêque, avec ses chanoines,
les curés et les vicaires de toutes les pa
roisses de la ville, précédaient le S'-Sang,
qui était immédiatement suivi par notre
bourgmestre et échevins en grand costume.
Un détachement d'infanterie et notre belle
compagnie de gardes municipaux bor
daient la haie. Un fort détachement de
cuirassiers fermait le cortège.
Cette fêle avec toute sa pompe religieuse
et militaire, ses armures étincelantes, nous
reportait vers cette époque de glorieuse
mémoire, quand Thierry d'Alsace reçut
des Croises ses compagnons, le S'-Sang
comme un gage de sa bravoure, comme
une recompense des services rendus par
lui et les siens, la cause de la chrétienté
dans les Croisades. A ce titre le S'-Sang
n'est pas uniquement un monument re
ligieux, c'est encore un monument natio
nal. II constate et la foi et la valeur de nos
pères, car, il fut concédé par de bien
fameux guerriers, par les vainqueurs des
Sarrasins, aux plus braves et aux plus
dignes d'entre eux. Comme chrétiens et
comme flamands la cérémonie de hier doit
nous être chère et nous en orgueillir.
Cependant si cette fête religieuse nous
rappelle de glorieux souvenirs elle en rap-
gîlle également de bien tristes, nous
rugeois. Car, c'est pareil jour en 1382
qu'eût lieu la défaite de nos ayeux aux
champs de Beverholt par Artevelde avec
ses Gantois. Sept mille hommes des plus
valeureux de notre cité y mordirent la
poussière.
La fête religieuse et le festin de la ker
messe furent remplacés par le combat et
le meurtre et beaucoup des plus honora
bles citoyens furent massacrés par la plèbe
triomphante. La ville fut livrée au pillage
pendant plusieurs jours.
Aujourd'hui la fêle a eu une moins triste
issue. Le soir au lieu du tumulte de l'é
meute en furie, on n'entendait sur la
Grand'Place, que le cris des saltimbanques
et des pierrots agaçant la foule.
Sous ce rapport du moins le présent
vaut mieux que le passé.
On écrit de Gand, H mai
Un étranger a été arrêté ce matin en
cette ville, sous la prévention de fabrica
tion ou d'émission de faux billets de com
merce.
Bruxelles, 13 Mai.
On compte Bruxelles plus de 50 socié
tés de musique et pas une société de phy
sique. Nous avons un conservatoire de
chant richement monté, et pas un labora
toire de chimie. Il y a plus de 6,000 per
sonnes qui jouent du piano, plus de 3,000
violons, altos et basses; plus de 1,500
trombonnes, ophicléides et bassons; plus
de 1,000 flûtes et clarinettes; et il n'y a
2
pas dix individus qui sachent jouer de la
cornue, de la retorte ou de la machine
électrique, nous ajouterons même que l'on
rencontre peu de gens Bruxelles qui
sachant ce que c'est que l'électricité! et
nous avons quatre universités (Globe.)
EXTÉRIEUR.
FRANCE. Paris, 10 mai.
L'enquête continue pour arriver en
connaître la cause première de l'horrible
accident de dimanche. On paraît croire
maintenant qu'il y avait une légère dévia
tion dans un des rails pendant l'espace d'un
mètre peu près. Cette déviation a fait
sortir du rail la 1" locomotive qui, arrivant
ensuite l'enfourchement d'un double rail,
a été arrêté violemment et jeté de côté. Cet
incident a suffi pour boulverser tout le
reste du convoi. On ose peine penser
ce qui serait arrivé si cet événement avait
eu lieu un peu plus loin au-dessus de la
vallée de Fleury. Là la ligne du chemin de
fer est suspendue au-dessus de la vallée et
si les locomotives étaient sorties du rail
cet endroit, elles auraient entraîné le reste
du convoi dans le précipice.
Au moment où tout le monde cherchait
s'élancer par les portières, une jeune
personne entr'autres faisait les plus grands
efforts pour sortir d'un waggon, un de
ceux qui travaillaient au sauvetage dans
ce torrent de feu se jeta travers des flam
mes et parvient la saisir par le milieu
du corps, elle allait être sauvée sans doute,
lorsque les personnes enfermées avec elle
espérant s'échapper sa suite se crampon
nèrent ses jambes comme font les mal
heureux qui se noyent, cet incident rendit
inutile le dévouement de celui qui eût été
englouti lui-même si un de ses amis ne
l'eut retiré violemment.
Un des fils de M. Thorn, le célèbre et
riche américain, n'a pas reparu. M. Thorn
a déjà perdu deux filles par accident, l'une
s'est noyée, l'autres est tombée du haut
d'un escalier et s'est tuée dans sa chute.
On cite encore parmi les victimes un
neveu de Mme la maréchale Soult, que sa
mère avait contraint de quitter ses cama
rades pour venir Paris dîner chez elle.
D'après la Gazette des Tribunaux de ce
matin le nombre des décès constatés s'éle
vait 73. D'après le Siècle 80 et d'après
le National 87.
La foule voulait démolir hier l'embar
cadère du chemin de fer de la barrière du
Maine. Des troupes y séjournaient encore
aujourd'hui.
M. Pontois, avocat, a été brûlé. Il
avait eu la force de jeter par la portière
de la voiture sa jeune sœur âgée de iâ ans.
La pauvre enfant s'est cassée un épaule
en tombant.
MUe Filicie de Villevray a égallement
disparu depuis dimanche. Elle était allée
Versailles et devait revenir par le convoi
de six heures.
Pour donner une idée de la force de
l'incendie, que l'eau elle-même activait, il
nous suffira de dire que, parmi les pre
miers débris qu'on a du recueillir, rien
n'avait conservé d'apparence humaine
qu'un pied chaussé de brodequin de
femme.
Un des médecins qui sont allés
Meudon rapporte le fait suivant Un né
gociant revenait de Versailles avec sa fem
me et sa jeune fille. Quand l'accident se
déclara, il parvient briser la vitre de la
portière, sortir et tirer de là sa femme
et sa fille. Non contant de les avoir sauvées
toutes deux et malgré de nombreuses bles
sures, il est revenu se jeter au milieu du
foyer pour en tirer les malheureux voya
geurs que la flamme dévorait. Il est ainsi
pravenu en sauver dix. Moins heureux
lui-même, il n'est pas hors de danger.
L'amiral Dumont-d'Urville était dans
le second wagon, celui qui a été le plus
maltraité au moment du désastre. Un
voyageur échappé du quatrième wagon a
reconnu M.d'Urville et l'a entendu s'écrier:
Sauvez ma femme! sauvez mon fils! Puis
a porté les mains ses yeux et un tour
billon de flamme et de fumée l'a dérobé
ses regards.
D'après des renseignements que nous
avons recueillis, et que nous avons tout
lieu de croire exacts, le nombre des morts
s'élève ce soir cent dix-sept. (La Patrie.)
Un jeunne Belge, d'une force extraor
dinaire, M. Van de Casteele, est parvenu
briser une portière et se sauver avec
sa femme.
Le concierge du théâtre des Folies-
Dramatiques est au nombre des morts.
On cite parmi les victimes, le petit-
fils d'un ancien préfet de Seine-et-Oise;
c'est peut-être là ce qui a fait répandre le
bruit qu'un préfet des environs de Paris
avait péri.
Trois jeunes Grecs, partis dimanche
pour Versailles, n'ont pas reparu.
On nous assure que M1" d'Aure,
femme du directeur du manège de la rue
Duphot, vient de mourir. Elle a vu ses
enfants et son mari au milieu des flam
mes; mais ceux-ci ne sont pas morts. II
paraît que c'est l'émotion qui a tué M"
d'Aure.
L'état de M. de Gaujal, député, et de
M"" de Gaujal, paraît être peu près le
même que les jours précédents.
Mme Becker, belle-sœur de Mme Wiirm-
ser,est décédée ce matin l'hôpital Necker.
Une femme échappé la mort com
me par miracle, mais elle a vu périr côté
d'elle, sa mère et ses deux filles. Une autre
retiré des décombres enflammés son en
fant, mais la malheureuse petite créature
n'a plus de tête.
Un mari a été assez heureux pour
échapper aux flammes après avoir jeté sa
femme par une portière.
Parmi les cadavres calcinés au milieu
des décombres, on en a reconnu deux
l'anneau d'or qui se trouvait encore leur