No 2761.
Mercredi, 20 Mars, 1844.
27me année.
7PS.3S, 20 MARS.
On sait enfin quoi s'en tenir sur le
sort de Boné, chef des insurgés d'Alicante.
Il est très-vrai qu'au moment de la reddi
tion de la ville il était parvenu s'échapper;
mais il a été bientôt atteint par un piquet
de cavaliers envoyés sa poursuite; ra
mené sous les murs d'Alicante, il y a été
fusillé, ainsi que vingt-trois de ses com
pagnons.
Des bruits fâcheux ont couru le 12
Munich sur la situation d'Athènes. On di
sait que des troubles y avaient éclaté, et
que les équipages des bâtiments français
et anglais, mouillés dans le Pirée, étaient
descendus terre sur l'ordre de MM. Lyons
et Piscatory.
Le bruit courait aussi dans la capitale
de la Bavière que les états-généraux al
laient être convoqués extraordinairement,
et que la proposition d'un emprunt, faite
par le roi Othon son père, leur serait
soumise. Inutile de dire que ces nouvelles
ont besoin de confirmation.
L'Univers annonce que le roi des Fran
çais vient de recevoir un mémoire signé
de l'archevêque et des évêques de la pro
vince de Tours, sur la liberté d'enseigne
ment.
L'archevêque de Tours, les évêques du
Mans, d'Angers, de Nantes, de Saint-Brieuc,
de Yannes, de Rennes et de Quimper,
unissent leurs réclamations celles de
l'épiscopat entier. Ils demandent, au nom
de la religion, et comme défenseurs des
droits sacrés de leurs diocésains, l'exécu
tion des promesses de la Charte, et flétris-
sen t avec énergie le monopole u niversitaire.
Ils ont fait entendre en cette circonstance
de graves et dignes paroles, empreintes de
la conviction profonde de l'immense res
ponsabilité qui pèse sur eux.
Les nouvelles d'Alicante ne contiennent
rien de nouveau aujourd'hui. On apprend
seulement que c'est un laboureur qui,
après avoir lutté corps corps avec Boné,
est parvenu l'arrêter. Ce dernier a fait,
dit-on, des révélations qui compromettent
gravement quelques personnes de Madrid.
Il en promettait de plus complètes encore,
si l'on consentait lui laisser la vie. On
sait la réponse du général Roncali.
Il parait qu'on a découvert Valence
une nouvelle conspiration; si les détails
publiés par le Heraldo sont exacts, les
conjurés auraient formé le projet de s'em
parer de la personne de la reine Christine,
et de tenter ensuites un coup de main sur
Alicanle. Heureusement leur plan a été
déjoué.
Un conflit a éclaté entre l'université de
Berlin et M. le ministre de l'instruction
publique et des cultes, au sujet de la des
titution de M. Nauwerk. En Allemagne, il
est d'usage qu'avant de priver un profes
seur de sa chaire, le gouvernement con
sulte la faculté dont il fait partie; c'est ce
qui eut lieu lors de la destitution de M.
Bruno Bauer, professeur l'université de
Bonn. La faculté se prononça pour l'affir
mative. Uelte fois, M. Eichhorn s'est écarté
de cette règle; il a donné sa démission
M. Nauwerk sans même en prévenir la
faculté. Celle-ci a cru voir, dans cette con
duite, la violation d'un de ses droits, et
elle en a averti M. le ministre par une
lettre, qui a été signée par la plupart des
professeurs.
Si nous mettons tant de persistance a faire
ressortir l'attitude prise par la presse du mo
nopole français propos de la loi du jury,
c'est que nous y voyons la justification de tout
ce que nous avons dit sur l'atteinte que cette
loi porte au principe de la liberté d'enseigne
ment. Nous trouvons une nouvelle preuve de
ce genre dans l'un des journaux de Paris qui
défendent avec le plus d'ardeur l'université de
France et son régime despotique. Ce journal
c'est le Siècle; voici comment il s'exprime
Un individu a été arrêté le 16 de ce
mois, prévenu d'avoir volé cinq bottes de
lin au préjudice de quelques marchands
qui se trouvaient au cabaret la Lune Gran
de Place.
Un cordonnier a arrêté le 17 de ce mois,
une jeune fille qui lui avait volé une paire
de souliers de sa boutique.
On s'abonne Tprm, Grand'-
Place, 34, vis-à-vis de la Garde, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PRIX DE «,'AROMXEREMT,
par trimestre,
Pour Ypresfr. 4—
Pour les autres localités 4S*
Prii d'un numéro.
Tout oe qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Ypres. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
prix des i18ert10.v8.
I i centimes par ligue. Les lé
clames, 33 centimes la ligne.
reyce politique.
Le clergé, il faut avoir le courage de le
dire, prétend faire reculer la civilisation en
exagérant un principe de liberté. La ligue
cléricale a franchi les étroites frontières de
la Belgique, et la France est menacée son
tour. C'est de ce danger que naît notre
droit d'intervention morale dans la
lutte établie en ce moment entre le
gouvernement et le clergé belges. Ce
droitnous espérons que la presse française
l'exercera avec mesure, mais avec fermeté.
Quand nos évêques demandent la liberté d'en-
seignenient comme en Belgique, il nous
est bien permis sans doute de deman-
der a la Belgique d'adopter l'ordre
comme en France et de ne pas trahir a
la fois la cause des lumières et celle de tous
les gouvernements.
Nous ne nous attacherons pas a relever la
perfidie de cette tactique qui consiste a faire
sans cesse intervenir le clergé dans cette ques
tion comme s'il y était la seule partie inté
ressée; mais ce que nous ne pouvons passer
sous silence, c'est le parti que les partisans du
monopole universitaire, en France, se propo
sent de tirer de la tentative faite par notre
gouvernement. Ils ne s'y trompent point, eux;
aussi ils n'y vont pas de biais et ne répètent
pas h tont propos, comme certains journaux
belges, écrits avec des plumes étrangères, que
la liberté n'est point compromise. Ils avancent
hautement qu'ils veulent se faire une arme de
notre loi sur le jury, contre les justes récla
mations des catholiques français, et c'est pour
que cette arme ne leur échappe point, qu'ils
viennent avec tant d'ardeur en aide h nos li
béraux, défenseurs du projet ministériel.
Quand nos évêques, dit le Siècle, demandent
la liberté d'enseignement comme en Belgique
il nous est bien permis sans doute de deman
der h la Belgique d'adopter l'ordre comme
en France. Or l'ordre comme en France,
on sait ce que c'est. Le projet de loi de M.
Villemain, conséquence et sanction du despo
tisme impérial, en est l'expression la plus claire
et la plus nette.
Ah, oui! laissons porter nne main sacrilège
sur la première de nos libertés, ouvrons une
voie aux réactions contre le grand principe que
nous avons conqnis en i83o, et c'en est fait
du mouvement qui commençait a éveiller nos
frères de France de leur léthargie. Les mono
poleurs nous applaudiront; ils nous loueront de
rentrer dans I'ordre, c'est-à-dire dans l'escla
vage. Mais les autres que nous diront-ils? L'épis
copat français, les pères de famille qui, dans
leur détresse, invoquent notre nom et notre
exemple, qu'auront-ils a répondre a leurs op
presseurs, qui seront aussi les nôtres. Ils se
tairont peut-être, en courbaut de nouveau la
tête sous le joug qu'ils allaient secouer mais
qu'ils se taisent ou qu'ils parlent, nous n'en
aurons pas moins la honte d'avoir aidé river
leurs fers.