JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 2776.
27""' année.
TPE.3S, il MAI.
FRMCE, BELGIQUE, ÏPRES.
On s'abonne Ypres, Grand'-
Place, 44, vis-à-vis de la Garde, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
prix de L'ARo\vi:nr;\T,
par trimestre,
Pour Ypresfr. 4—
Pour les autres localités 4—
Prix d'un numéro
Toot ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Ypres. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
PRIX DES IX8ERTIOXS.
4 4 centimes par ligne. Les lé*
clames, 45 centimes la ligne.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
Les discussions que fait naître devant la Cham
bre des Pairs en France le projet de loi sur
l'instruction publique grandissent de jour en jour
sur des proportions immenses. La voix courageuse
de M. de Montalembert a trouvé plus d'échos au
sein même de la noble assemblée qu'une in
différence funeste, et trop longtemps dominante
en fait de religion ne le fesait pressentir. On
voit que chez beaucoup d'hommes le sentiment
catholique est refoulé au fond de l'âme par une
pusillanimité regrettable, mais qu'il existe encore,
vivace, élevé, et prêt répondre aux sympathies
qui l'appellent. Plus les convictions religieuses
se manifesteront avec franchise, provoquant l'ex
amen sans reculer devant la lutte, plus on verra
de haines tomber, de préjugés disparaître, d'in
justes méfiances se dissiper. La raison en est
simple. La Religion catholique, fondée sur la
vérité éternelle, n'a rien a craindre de la dis
cussion, pas plus pour sa morale que pour ses
dogmes, pas plus pour l'étendue de l'enseignement
qu'elle offre, que pour la solidité de l'éducation
qu'elle propose. Un des plus grands maux que
l'on puisse causer a la Religion, c'est de la mettre
de côté, de l'isoler, de la laisser dans l'oubli, de
la passer sous silence. Ses ennemis le savent,
et toujours leurs plus perfides efforts ont eu
principalement ce but.
Quand le roi Guillaume conçut le plan d'af
faiblir dans les provinces belges la foi de nos
ancêtres, il n'érigea pas des chaires du haut des
quelles le calvinisme ou le luthérianisrae fut
enseigné dans nos collèges, mais il en déposséda le
clergé qui basait l'enseignement des sciences hu
maines sur les principes religieux, et il imprima
aux études une direction différente, qui consistait
opérer un divorce entre la science et la religion,
et borner l'éducation a peu près la science.
Pour exécuter ses desseins, il se servit en grande
partie d'hommes équivoques, dont les soins étaient,
non pas de remplir exemplairement les devoirs
religieux pour l'édification des élèves; mais de ne
pas heurter de front la croyance des écoliers
et la vigilance des parens. 11 fallait ménager une
jeunesse encore aigrie de l'expulsion brutale de
ses anciens précepteurs objets de sa vénération
il fallait ne point blesser des traditions encore
trop récentes toute autre conduite eut paru
impolitique. Toutefois il régnait désormais dans
les classes un silence absolu sur tout ce qui
pouvait intéresser ou faire aimer la religion; et
insensiblement s'introduisait la tolérance des fré
quentations et des lectures dont tout homme qui
respecte les mœurs avoue les dangers. On feignait
de ne s'en apercevoir guère. Jamais la piété
n'était recommandée, jamais un mot qui put ins
pirer de l'estime pour les ministres du culte,
jamais un professeur qui donnât des marques de
ferveur. On entendait bien dire que tel professeur
s'était distingué dans un concertque dans telle
réunion il avait déclamé contre les jésuites, qu'il
avait assisté au spectacle, au bal, etc.; mais de
l'empressemeut au service divin, aux œuvres de
charité, aux sacrements, jamais. Au contraire,
l'un décampait subitement criblé de dettes, l'autre
était renvoyé pour incapacité ou pour ivrognerie,
d'autres se signalèrent, s'il faut en croire les
rumeurs de l'époque, par leurs querelles, par leurs
divisions entr'eux, et par d'autres défauts tout aussi
peu en harmonie avec la dignité de leurs fonctions.
On pouvait fréqueuter plusieurs années un établis
sement, sans savoir a quel culte appartenaient les
professeurs, sans savoir s'ils en avaient un, sans le
savoir même de ceux doDt on suivait les cours.
Nous ne parlons pas de chimères, de souvenirs
vagues ou exagérés, nous parlons de faits cer
tains au moins pour la majeure partie.
Les institutions ainsi organisées livraient aux
universités une jeunesse dépourvue de principes,
flottant au gré des passions, ne rêvant bientôt
que les plaisirs, se familiarisant avec la débauche,
ne conservant de la religion que quelques idées
confuses destinées servir d'aliment ses blas
phèmes et ses railleries. Armés d'un philo
sophisme matérialiste, sur lequel ils essayaient
d'ordinaire leurs forces chez les restaurans en
méprisant les lois de l'Eglise et de la tempérance,
ces apprentis du progrès, après quelques années de
dépense et de paresse, allaient porter dans les
diverses professions, grâce a l'indulgence des
examens, la nonchalance d'un caractère gâté, la
faiblesse d'études négligées, et le poison de mau
vaises doctrines. Vainement un grand nombre de
professeurs du haut enseignement, étaient per
sonnellement animés des vues les plus irrépro
chables, il ne leur restait souvent que de déplorer
en secret des abus qu'ils voyaient toujours ac
croître, et dont rien ne présageait le terme.
La révolution et l'établissement du jury d'ex
amen sapèrent heureusement l'œuvre d'un des
potisme corrupteur. Grâce aux intrigues des partis,
et l'étançon du budget de certaines villes
quelques débris épars du réseau restèrent debout
a l'état de ruines lézardées. Ces institutions dé
crépites, sédiment survivancier du régime détruit
servirent principalement a alimenter l'université
libérale de Bruxelles, ou la licence de l'impiété
peut s'agiter sans gêne.
Telles furent les conceptions du gouvernement
déchu sur l'instruction publique tels furent les
fruits de celte fameuse séparation entre l'enseigne
ment des sciences et de l'enseignement religieux,
en apparence dans l'intérêt des sciences, en réalité
pour opérer la fusion de deux peuples antipa
thiques, en enlevant l'un sa religion, sa langue
et ses mœurs. Au lieu de la séparation, on amena
la suppression de l'élément religieux dans l'ins
truction car qu'était-ce dans les collèges depuis
la sixième jusqu'en rhétorique, que la répétition
par intervalles de quelques demandes du cathé-
chisme, sans aucun développement, demandes aux
quelles il était indifférent de bien répondre, ou de
répondre a rebours, ou de ne pas répondre du tout?
Évidemment la doctrine chrétienne figurait aux
programmes, comme maintenant la garde civique
aux budgets, pour la forme, et pour sauver les
apparences. Et malgré cette confiscation de l'en
seignement religieux au profit de l'instruction
profane, il est certaiu qu'à aucune époque les
études ne furent en général plus faibles en
Belgique que depuis les odieuses et tyranniques
innovations de i8a5. Hâtons-nous de le dire,
dans cette croisade contre les plus chères garanties
des familles, la secousse ne se fit point partout
ressentir avec la même violence; il y eut des
hommes qui ne se montrèrent pas dans les mains
du pouvoir d'aussi dociles instruments que le
libéralisme oppresseur le voulait, il y eut des
institutions dont le personnel corrigeait les vices
de l'organisation. Nous pourrions en citer d'ho
norables exemples, et pas loin de nous. Mais
ces exceptions étaient fortuites, rien n'en garan
tissait la durée. L'énergie de la jeunesse belge
ue fut pas non plus sans se manifester souvent,
même au milieu du désordre; et parmi ceux qui
cédèrent au torrent, l'âge plus réfléchi a déjà
déterminé bien des revirements. Car le Belge
se renie rarement sans retour si l'entraînement
l'emporte, il est dans son instinct national d'avoir
encore le courage de revenir sur ses pas.
Les funestes conséquences d'un enseignement
indifférentet par une suite nécessaire, domma
geable la religion, sont dévoilées aujourd'hui
sans ménagement la Fiance, qui s'en émeut, de
puis l'humble pétitionnaire du village jusqu'à la
tribune parlementaire. Des organes du libéralisme
même accusent les ravages que produit dans les
mœurs l'absence d'une impulsion religieuse disci
plinant sérieusement l'éducation. Après avoir été
tant préoccupée de sa prépondérance politique et
de ses vues extérieures, la France reporte au
jourd'hui les regards sur elle même, et son inquié
tude se trahit, en contemplant ce que l'Université
lui a fait, et ce qu'elle lui prépare. L'Université,
malgré le prestige de sa longue existence, malgré
ses poètes, ses historiens, ses philosophes, ses ora
teurs, ses savans de tous les genres, est le point de
mire des attaques les plus graves de toutes parts
on lui demande avec sévérité, avec dureté même,
si en civilisant les esprits, elle n'a point perverti
les cœurs.
Les catholiques lui reprochent vous avez fait
des savans, vous n'avez pas fait des chrétiens.
Une fraction libérale ajoute déjà vous avez fait
desérudits, vous n'avez pas fait des citoyens.
Et le système que préconisait, qu'imposait le
gouvernement hollandais, qu'aurait-il produit?
Non seulement il n'aurait pas fait des chrétiens ni
des citoyens, il aurait peine fait des hommes.
C'est pourtant ce régime détraqué par la révo
lution, décrédité par ses résultats, ruiné d'avenir,
déjà chancelant en Francec'est le régime de
l'instruction dépourvue du bienfaisant concours de
la religion, que notre administration communale a
voulu mainteuir jusqu'à ce qu'à ce jour séduite par
une aberration funeste, au prix de sacrifices im
menses, et en entretenant dans la ville un esprit de