3 FRANCE. paris, 20 Juillet. Tout se dispose pour fêter les anniver saires de Juillet; mais la partie la plus remarquable de la fête sera l'illumination de l'avenue des Champs-Elysées. Cette il lumination, depuis les chevaux de Marly jusqu'à la fontaine du rond-point, repré sentera droite et gauche deux palais de feux de couleurs. Chacun de ces palais a 120 arcades dont six grandes forment portique. Du rond-point de la fontaine jusqu'à la barrière de l'Etoile on dresse de chaque côté seize grandes pyramides trian gulaires, qui seront aussi illuminées en verres de couleur; enfin quarante énormes girandoles sont suspendues au-dessus de la chaussée. Ce sera peu près la répéti tion de la brillante illumination qui a fait courir tout Paris, en 1840.11 reste sou haiter que le beau temps la favorise. La presse ne cesse de signaler le danger que courent les personnes qui ont l'imprudence de se réfugier sous les arbres pendant les orages, et cependant elle a chaque instant enregistrer de nouveaux malheurs de ce genre. C'est ainsi que le 3 de ce mois le nommé A. Moine, âgé de 04 ans, cultivateur Aigle-Pierre (Jura), a été tué par la foudre sous un arbre où il était allé chercher un abri. M. le duc de Nemours, qui quitte Paris demain, se rend d'abord St-Omer, où se trouve réunie une partie des troupes qui prendront part aux grandes manœu vres du simulacre de siège dont Metz et les environs seront le théâtre. M. le duc d'Aumale, d'après les nou velles de Constautiue du 4 juillet, se préparait partir pour son inspection générale; il devait commencer par Bone. Le roi a reçu hier en audience parti culière le commissaire du gouvernement belge l'exposition, M. Jobard de Bruxelles, qui a présenté S. M. un exemplaire de son dernier ouvrage sur la création de la propriété intellectuelle. Mgr. Menjaud, successeur de Mgr. Forbin-Janson l'évêché de Nancy, s'est rendu Paris pour assister aux obsèques du prélat défunt et son inhumation. On a placé, quelques jours avant le 13 juillet dernier, au-dessus du sanctuaire de la chapelle expiatoire de St-Ferdinand, Sablonville, une croix en pierre très- ouvragée. Le domaine de la couronne possède depuis un siècle environ un diamant nom mé le Régent, qui pèse 136 karats et un quart et qui est taillé en brillant; il est de la plus belle eau connue. Ce diamant, que Napoléon portait au pommeau de son épée, vaut aujourd'hui 3,700,000 francs. A cet égard, on a fait le calcul que, par son état absolument improductif, celte pierre, qui ne cesse de tenter tous les voleurs, revient déjà plus de 40 millions la France. Où peut faire le calcul des intérêts composés de 3,000,000 fr. pendant cent ans, et l'on verra que le calcul est juste. Rousselet a quitté la Conciergerie. Il a été transféré la prison de la Roquette où il séjournera jusqu'à son départ pour le bagne; sa sérénité d'esprit ne l'aban donne pas. Toujours silencieux et calme, il ne sort jamais de sa réserve habituelle envers ses co-délenus. 11 est plein d'espé rance, il semble qu'il soit intimement con vaincu que sous peu de jours les portes de la prison s'ouvriront devant lui. Son im passibilité ne se dément pas un seul ins tant. Toutefois, quand il parle de son repentir il s'exprime avec quelque chaleur et quelque effusion. Il évite soigneusement de prononcer le nom de Donon-Cadot. Mercredi soir, un cabriolet de place était arrêté sur le boulevard Saint-Denis. Une personne y monte, se place auprès du cocher; mais c'est en vain qu'elle le secoué pour lui indiquer le but de la course; le cocher était mort, frappé d'une attaque d'apoplexie foudroyante. Cet homme n'avait pas de famille, et en examinant son corps, on a découvert sur le bras un tatouage qui lui servait en quelque sorte d'acte de naissance. On y lisait l'inscription suivante Jean-Joseph, enfant trouvé sur la place de l'Hôtel-de-Ville, l'âge de deux ans, en 1806. Jean-Joseph n'avait pas plus de do micile que de parents il passait tous les jours vingt heures sur le pavé de Paris, dans son cabriolet, et quand il avait besoin de repos, il allait se coucher dans les écu ries du maître qui l'employait. Un Français, M. Solon, avocat Montauban, est chargé, par Méhémet-Ali, d'un cours de droit administratif. La cour royale de Toulouse a procédé mardi l'entérinement des lettres-patentes accordées M. Solon, pour l'autoriser exercer des fonctions publiques en Egypte sans perdre sa qualité de Français. Un temps admirable a favorisé hier soir l'ascension aérostatique de M. Margat. A sept heures, la flotille, composée de cinq ballons, s'est élevée de l'enclos de la rue de la Roquette 4,000 personnes payantes et 50,000 audehors ont assisté celle as cension. yy' x M"* Dupas, jéuùe ët belta brune, habillée en blanc, côurorin'éfc de flairs, est hardi ment montép dans k» nacell^, tenant d'une main un drâÉfcAfcqh'ellë faisait flotter, et jetant de l'ar lj/public enchanté, des fleurs et des tfSvïées. Les journaux ont parlé ces jours dernieu de l'arrestation d'une famille entière k la suite d'une accusation de meurtre commis, disait-on, sur une jeune servante nommée Zoé Mabille, qui avait ré sistée aux séductions du fils de la maison.Ce jeune homme nommé Nicolas Oelalande, demeurant k Moon en France, avait avoué le crime; il avait dit qu'après avoir, de concert avec son oncle, assassiné la jeune fille, ils l'avaient jetée dans une mare. Mais comme le cadavre n'avait pas été retrouvé au lieu indiqué, on avait supposé, que Delalande, aidé de son oncle, qui faisait alors cuire un four, avait pu faire disparaître dans la fournaise les restes de la malheureuse fille. Cependant, Zoé Mabille, était vivante, elle n'avait été ni assassinée, ni brûlée, ni noyée. Ayant été informée, il y a peu de jours dans une visite qu'elle a faite a sa nourrice, des bruits qui couraient sur son compte, elle est allée avec elle se préseuter au juge d'instruction, et lui a ra conté qu'elle avait été effectivement eu butte k des tentatives de séduction de Nicolas Delalande, et qu'elle avait résolu de sortir de chez lui. Le jour de son départ il était ivre, comme tous les jours; il voulut la retenir, et la suivit dans un champ qu'elle traversait en fuyant. Sur son refus de revenir, il lui porta un violent coup de poing, qui la renversa presque évanouie. Attend, ajouta-t il, je vais chercher mon coutean pour t'achever, Cette me nace ranima Zoé, qui se traîna comme elle put jusque dans un fossé, et, a son retour, Delalande, ne la trouvant plus et l'ayant cherchée vainement, rentra chez lui. Alors elle s'éloigna de la commune de Moon, se présenta chez un cultivateur connue sortant de l'hospice de Bayaux, et y loua ses ser vices en dissimulant qu'elle eût été servante chez Delalande, dans la crainte qu'une telle condition ne l'empechât de trouver une place. La terreur l'avait seule empêchée de donner aucun signe de vie k son ancien maître et d'aller chercher ou même de faire réclamer ses hardes. Le juge d'instruction, après avoir constaté son idendité, l'a fait placer dans une salle voisiue du greffe, puis il a fait comparaître Delalande. Per sistez-vous, lui a-t il dit, h accuser votre oncle du meurtre commis sur Zoé Mabille? Oui, M. le juge.Mais, si je vous la représentais, que di- riez-vous? C'est impossible. Et Nicolas Delalande a encore une fois raconté qu'elle était bien assassi née; qu'il l'avait renversée d'un coup de poing qu'elle loupirtail encore lorsque Gilles lui porta deux coups de pieds sur l'estomac, et la chargeant sur ses épaules avait dit: Je t'en f... desjugements! faisant allusion a une querelle ou elle lui aurait, suivant lui, reproché ses antécédents judiciaires; qu'il l'avait alors jetée dans une mare; que, comme elle surnageaitil avait été chercher des pesons (des pierres) pour enfoncer le cadavreet que le lendemain il avait sondé la mare, avec une branche et avait reconnu que la victime y était toujours. Alors Zoé a été introduite, k la grande stupé faction de Nicolas Delalande, car cet homme ne parait pas aliéné; il n'a jamais varié daos ses dé clarations; mais, complètement ivre le jour de la fuite de Zoé, on est tenté de croire qu'il a cru vrais des faits créés dans son imagination dans l'affreux cauchemar de son ivresse. Eh bien! lui a dit Zoé, me connaissez-vous? Quoi! ne m'avez-vous pas frappée?Dam! si c'est vous, a-t-il répondu, c'est parce que-vous vouliez me quitter. Et il n'a pas été possible de lui arracher une explication, malgré les interpellations qui lui ont été adressées. Delalande, dont le père est mort de douleur durant l'instruction, persuadé que son fils était coupable, comparaîtra devant la police correction nelle, sous la prévention de coups et blessures. Son oncle Gilles, que l'on avait cru d'abord frappé d'aliénation mentale n'avait éprouvé qu'une fureur momentanée, résultant de la privation su bite de tabacs et d'eau de vie. Confronté k son tour avec Zoé Mabille, il n'a donné en présence de cette preuve vivante de son innocence aucune marque d'émotion ni de joie. Il a été mis immé diatement en liberté avec sa femme, sa fille et son berger, que la justice a cm devoir incarcérér pré ventivement. C'est un spectacle attristant et dou loureux, que de voir ce vieillard, entré fort et vigoureux dans la prison, se traîner avec peine, pâle et courbé, k travers les fiots de la foule curieuse, et portant aux jambes et aux bras, qu'il montrait tristement, les stigmates de ses fers, chacun s'écar tait avec une compassion douloureuse et plaignit les rigueurs auxquelles est quelquefois obligé de recourir la justice humaine. Gilles doit, dit-on, former une demande en dommages-intérêts contre son neveu. Telle est l'issue de ce drame dont les imagina tions avaient été vivement émues, et qui est venu de nouveau démontrer la profonde sagesse de cette vieille maxime du droit criminel Primo de corpore delecti constare debet.

HISTORISCHE KRANTEN

Le Propagateur (1818-1871) | 1844 | | pagina 3