L'ÉMEUTE LIBÉRALE DE VERVIERS.
Nous empruntons la Tribune de Lie'ge
l'extrait suivant d'une lettre relative aux
désordres de Verviers. On remarque que
plusieurs notabilités mêlées aux groupes
tumultueux, où placées leur tête, comme
le disait le Journal de Verviers, se sont
déchainées contre le vicomte Biolley et sa
famille. M. Biolley est le sénateur qui en
toute occasion prend si chaudement la
défense des intérêts commerciaux et in
dustriels de celle partie de la Belgique. Il
est en outre le plus grand industriel de
Verviers; sa fabrique de draps occupe une
bonne partie de la population ouvrière.
Enfin sa famille, d'une charité inépuisable,
a doté la ville d'institutions de bienfai
sance, ouvertes aux enfants pauvres, dont,
croyons-nous, elle supporte seule les dé
penses. Beaucoup d'autres villes de la
Belgique enveraient cette cité turbulente
de pareils bienfaits, et s'abstiendraient
même par un sentiment de juste recon
naissance, de toute démonstration odieuse
contre M. Biolley s'il lui était possible de
transporter ailleurs son établissement in
dustriel et ses libéralités. Au reste il y
a bien peu de villes où, défaut de tout
autre motif, l'équité et la tolérance ne
suffiraient point pour garantir aux citoyens
le libre exercice de leurs droits, et aux
hommes inoffensifs qu'il leur plaît d'ap
peler auprès d'eux, l'inviolabilité de leurs
convictions religieuses promise par la
constitution.
Si nous devons en croire une lettre de
Verviers, dit la Tribune, les attroupe-
ments qui ont eu lieu dans cette ville,
ont été très-tumultueux. Des groupes
nombreux, parmi lesquels on remar-
quait plusieurs notabilités de la ville, se
sont formés d'abord sur la place des
Récollels; o 600 ouvriers se sont joints
eux et se sont transportés successive-
ment devant les demeures de M. le curé-
doyen, de M. le vicomte Biolley, de M"0
Biolley et de M. Alphonse Simonis là
ils ont chanté des chansons en patois
dont le refrain était A bas les jésuites.
La police locale est intervenue, la foule
lui a jeté des pierres; un agent de police
a été blessé l'épaule; minuit, M. le
bourgmestre Warnotte, accompagné du
commissaire de police, est arrivé sur les
lieux; quelques perturbateurs ont été
arrêtés.
Le rôle que joue la pressa libérale de
Bruxelles dans les scandaleux désordres
de Verviers, justifie parfaitement la criti
que spirituelle que M. Dumortiera adres
sée un jour au parti Elle trouve bon de
cumuler les profits du vice avec les hon
neurs de la vertu.
On a vu que par la conduite inexplica
ble du premier magistrat de la ville, force
est restée l'émeute. De peur que le dé
sordre ne restât en permanence, si deux
hommes venaient user de leur droit en
choississant domicile Verviers, l'admi
nistration appuyée sur les démonstrations
coupables existantes, s'est interposée offi
ciellement ou officieusement auprès des
protecteurs de ces deux hommes, et l'ad
ministration a annoncé aux perturbateurs
qu'elle avait réussi, que la conquête restait
l'émeute. Puis le représentant du pou
voir a prié l'attroupement de se disperser.
L'Observateur rit sous cape de ce bel ex
ploit, tandis que par un reste de pudeur,
il sauve la vertu en atténuant la gravité
des faits. On félicite tout son aise la ré
gence devoir compris si bieii sa mission!
L'Indépendance blâme les scènes de Ver
viers; voilà son passe-droit de vertu et de
probité. Ensuite elle s'attaque timidement
a ceux qui ont provoqué ces scènes en
cherchant attirer dans celte ville des
membres d'un ordre contre lequel il existe
un sentiment prononcé de répulsion. Ainsi
justifie-t-elle le bénéfice qu'en litre le vice.
C'est juste après tout, Machiavel l'avait
enseigné l'Indépendance, tous les moyens
sont bons pourvu qu'ils servent atteindre
le but.
L'Industriel de Verviers avait pris le de
vant Toute cause d'irritation est donc
dissipée, dit-il, notre conseil municipal
0 s'est montré sage et réservé. Quelques
groupes stationnaient encore hier soir
dans les rues de celte ville; mais lors-
qu'on a eu connaissance de la procla-
ination de M. le bourgmestre ils se sont
dissipés.
Peut-on faire un conseil communal
une plus sanglante injure que l'éloge dont
le gratifie Industriel? Mais peu importe la
forme; le libéralisme a gain de cause, il a
obtenu qu'un cordon sanitaire soit tracé
autour de la ville de Verviers qu'aucun
citoyen belge ne franchira sans passeport
de libéralisme délivré par un comité d'or
ganisateurs d'émeuteetde charivaris. Hon
neur des magistrats qui savent de la sorte
conserver le respect dû aux lois d'un pays
libre!
Pendant la nuit du dimanche au lundi
les voleurs ont fracturé quelques troncs
dans l'église de Notre-Dame en cette ville,
et ont enlevé les petites sommes d'argent
qu'ils renfermaient. Les auteurs du vol
sont inconnus. Nouvelliste
D'après ce qui a été annoncé par les
journaux, les deux princes royaux sont
partis le 22 d'Ostende pour aller poser les
pierre d'inscriptions l'Écluses des Comtes
Nieuporl. Deux tabliers de peau de mou-
tous avaient été confectionnés cet effet
chez un pelletier de Bruges. Le soir les
princes étaient de retour Ostende.
On nous écrit de Londerzeel, 21 sep-
BEt lE POLITIQUE.
Les seules nouvelles un peu importantes qui
nous arrivent aujourd'hui d'Espagne sont relatives
la situation de la Navarre. Il paraît que l'agitation
y a réellement pris quelque vivacité, et que la
résolution prise parle gouvernement d'y envoyer
des troupes n'est pas sans motifs.
Le Journal de Francfort, qui passe pour être
le confident des pensées secrètes du gouvernement
russepublie un article où il fait ressortir tout ce
qu'il y a d'absurde dans les suppositions émises
par certains journaux a propos du voyage de l'em
pereur Nicolas a Londres. Ce journal nie que le
czar songe le moins du inonde k partager la Tur
quie. Nous souhaitons que ses assertions soient
vraies, et nous n'avons du reste, aucun motif de
les révoquer en doute. En tout cas, il n'est pas sans
intérêt de connaître les déclarations que le Jour
nal de Francfort fait ce propos. Nous pou
vons assurer, dit-il, qu'il n'a pas été question de
conclure un traité pour le partage de la Turquie.
Nous pouvons assurer, en outre, que les cabinets
des quatre puissances, y compris le cabinet russe
rendent justice complète h la loyauté du gouver
nement français, et qu'aucune puissance ne songe
a exclure la France du concert européen, attendu
que, pour maintenir l'équilibre européen, le con
cours de chaque puissance est indispensable. Enfin
nous pouvons assurer que le gouvernement fran
çais est tout k fait tranquillisé a cet égard non-
seulement par sa position, mais encore, et parti
culièrement par les promesses les plus amicales
qu'il a reçues des autres puissances.
Ce langage, comme on voit, est très-explicite.
Nous y attachons de l'importance parce que nous
savons que le Journal de Francfort se garderait
bien de le tenir, s'il n'y avait été autorisé par qui
de droit.
Nous recevons des nouvelles d'Alger du i5.0n
n'y connaissait pas encore les conditions du traité,
et le maréchal Bugeandinformé des rassemble
ments nouveaux que les Marocains formaient sur
la frontière, manifestait l'intention de repartir im
médiatement pour Oran, et de reprendre la cam
pagne avec vigueur. La conclusion du traité rendra
ces démonstrations inutiles.
L'amirauté anglaise a donné l'ordre de surseoir
k tous les préparatifs extraordinaires qui avaient
lieu par suite de la crainte d'une rupture avec la
France. Il paraît néanmoins que l'on continuera
les travaux qui sont déjk commencés sur les côtes
d'Angleterre pour les mettre h l'abri d'un coup de
main.
Le journal d'Alger V Aclbar assure qu'Abd el-
Kader est établiavec sa diera dans la vallée de
Wad-el-Azba entre Ouchdah et l'azah. Celte
plaine est située a 20 lieues de la frontière fran
çaise. L'émir n'aurait donc pas quitté le territoire
marocain et la clause du traité qui stipule que
l'empereur l'internera dans quelque ville littorale
de l'Océan, ne serait pas aussi illusoire que les
journaux de l'opposition veulent bien le dire?
On a pu croire a la lecture de la dépêche télé
graphique qui annonçait la conclusion de la paix,
que les signatures avaient été échangées et les
conventions arrêtées bord du SuffrenLa Chro
nique de Gibraltar assure qu'il n'en est rien les
négociateurs français se sont rendus a terre et ont
été trouver le pacha de Larache dans sa casbah.
II paraît que les négociations du cabinet des
Tuileries auprès des gouvernements voisins de
la France, pour empêcher que le duc de Bordeaux
vienne s'établir près de ses frontières, ont complè
tement réussi. Il est positifdit a ce sujet une
correspondance, que le prince a voulu successive
ment aller passer l'automne de i844 en Suisse,
dans le grand-duché de Bade et daus le Wurtem
berg, et que chacun de ces gouvernements s'est
opposé a ce voyage, comme pouvant porter om
brage k la France.
Si l'on en croit une correspondance de Paris, un
employé supérieur du ministère du commerce est
parti ces jours-ci dé Paris pour Bruxelles avec
mission de faire de nouvelles propositions com
merciales an gouvernement belge.
Nous n'avons pas de nouvelles de cette mission,
ni du personnage qui a été chargé.
On a des nouvelles d'Alger du 16, et d'Oran
du i3. La nouvelle de la conclusion de la paix n'y
était pas encore arrivée; mais des cavaliers en
voyés le 11 au général Lamoricière par le fils du
sultan, étaient venus demander une suspension
d'armes, annonçant que la paix était au moment de
se conclure. Le général Lamoricière avait aussitôt
fait partir le vapeur la Vedette pour Cadix ne
s'en rapportant pas aux assurances qui lui étaient
données.
L'autorité militaire d'Oran envoyait de son côté
la nouvelle d'Alger, où elle est arrivée le 16 le
jour même où l'on devait fêter dans cette ville la
victoire de l'Ysly.
Il paraît que le ressemblement de troupes
marocaines sur la frontière était de nouveau très-
considérable. Ce ne seront donc pas les moyens qui
manqueront a Abderrahman s'il vent réellement
mettre Abd-el-Kader hors d'état de nuire. Les
Français paraissent d'ailleurs y avoir pourvu. Les
journaux espagnols nous apprennent, en effet,
qu'en vertu de l'une des clauses du traité de paix,
les troupes françaises seront autorisées h poursuivre
en cas d'attaque de sa part, Abd-el-Kader jusque
sur le territoire marocain.
Si nous en croyons un journal de Paris, la
Démocratie pacifiqueun^ lettre de Berlin
porterait que le conseil du commerce pour
le Zolverein repousse le traité avec la Belgique, et
demande plus d'avantages pour l'Union, surtout
relativement au port d'Anvers.
Nous croyons que cette nouvelle est du même
acabit que celle du Correspondant de Nurem
berg qui, dès le i5, annonçait la ratification
du traité.