JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 2834.
28me année.
7 F F, 2 S30 Novembre.
FEUILLETON DU PROPAGATEUR.
ROBERT DE BÉTHUiXE.
1304-1322. (SUITE.)
FfflXïTTTTF.E,
EXPOSITIONS, ACADEMIES DE DESSIN,
On s'abonne Vprn, Graud'-
Place, 44, vis-à-vis de la Garde, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PRIX DE I/ABOM1VEMENT,
par trimestre,
Pour Ypresfr. 4—
Pour les autres localités a 4sa
Prix d'un numéro O
Tout te qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Ypres. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
PRIX DES IASERTIAXS.
4 V centimes par ligue. Les ré
clames, 44 centimes la ligne.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
REVUE POLITIQUE.
De nouveaux troubles ont éclaté a Jaffaen
Syrie, a la fin d'octobre. Le gouverneur, Ali—
Meklem son frèreet deux autres personnes ont
été tués. Essad-Pacha a envoyé immédiatement le
steamer Taldri- Bahri a Saïda, pour prendre huit
cents hommes et les transporter a Jaffa.
Le bruit a même couru a Alexandrie que Jéru
salem était cernée par un scheick arabe, dont les
bandes infestaient la route qui conduit de Jaffa a
la ville sainte. Mais cette nouvelle a besoin de con
firmation.
Les nouvelles de Madrid sont du 21La discus
sion continuait, a la Chambre des Députés, sur les
catégories dans lesquelles devront être choisis les
sénateurs. Un membre ayant demandé que les ma
réchaux-de-camp pussent être nommésle pré
sident du conseil a dit que, suds appuyer cette
propositionle gouvernement se soumettrait vo
lontiers h la décision du Congrès. Du reste, la pro
position a été repoussée par 68 voix contre 63.11
a été décidé que les sénateurs devront avoir jr,5oo
fr. de rentes ou de traitement assurés.
Les journaux ne disent mot du général Prim.
On n'avait reçu a Madrid aucune nouvelle con
cernant Zurbano; maison sait, par des lettres re
çues de Bayonneque son fils et son beau-frère
sont tombés entre les mains des troupes de la reine.
Tous deux ont été arrêtés près de l'Ebre au mo
ment où ils cherchaient h passer le fleuve pour se
réfugier en France, dans la nuit du 20 au 21.
Quant h Zurbano on pensait qu'il s'était caché
dans quelque village de la montagne entre le
Haut-Aragon et la Navarre. 11 o'est point vrai,
ainsi que le bruit s'en était répandu a Bayonne,
qu'il eût fait un retour sur Soria.
Les deux prisonnieis ont été mis en chapelle k
Logrono. On n'attendait pour les fusiller que l'or-
Depuis le traité avec la France, le comte Robert
avait déjk payé cent vingt mille marcs pour rachat
delà moitié des vingt mille livres de rente annuelle.
En garantie des dix mille livres restantle roi
tenait les villes de Lillede Douai et d'Orchies.
Cette possession provisoire ne laissait pas que
d'inquiéter les Flamands; car l'on soupçonnait le
roi de vouloir réunir un jour la Flandre wallonne
son domaine. Cette crainte ne tarda pas a se réa
liser; et ce fut par une nouvelle ruse diplomatique
que Philippe vint k bout de ses desseins. Enguer-
rand de Marignysurintendant des finances et le
plus intime conseiller du roi, vint trouver le comte
et le circonvint de telle sorte, lui fascina l'esprit
par de si belles promesses que Robert signa un
acte de renonciation k la propriété des trois villes.
Il est vrai que Marigny lui avait formellement pro-
dre du général Pavia, capitaine-général de la Na
varre. Le fils de Zurbano est âgé de vingt trois ans.
ETC.
Les beaux arts en général, et en particulier
la peinture, élèvent le génie de l'homme de cet
ordre matériel de choses qui nous environne k des
idées plus grandes, plus généreuses, plus sublimes,
plus dignes de cette soif inextinguible d'un état
plus parfait, qui dévore le cœur humain. L'art
foule aux pieds la matière qu'il dédaigne, il ne s'y
appuie que du pied pour s'élancer dans le vague
de l'infiui, où néanmoins il se perd, si quelque
lumière vive et permanente ne conduit ses pas
daus ce rooDde mystérieux et sans bornes. Quel
prix peuvent avoir le vin et la bonne chère pour
celui qui a placé ses goûts, non pas dans des appâts
vulgaires que la nature présente aux brutes comme
k nous, mais dans la recherche et l'expression
du beau et du vrai? Quel prix peut avoir l'argent
pour celui qui livre son ouvrage nou pas comme
une marchandise au capitaliste qui le demande,
mais comme un monument k la contemplation des
races futures qui le conserveront avec soin, s'en
fesant un titre de fierté légitime aux yeux des
nations étrangères? Il n'est personne, pour peu
qu'il raisonne et qu'il se recueille, qui ne mette le
plus modeste talent audessus du plaisir et des
richesses, par cela seul qu'il orne l'âme et procure
dès l'abord des jouissances dégagées de la rouille
grossière des sens.
Quand je regarde ce tableau représentant une
bataille, cet aspect morue de la nature transie
d'épouvante, ces régiments marchant avec un
courage décidé vers le lieu d'attaque, ces canons
vomissant déjk la mitraille dans les rangs ennemis,
mis que cette cession ne serait pas définitive et
que, si le roi exigeait que momentanément ce gage
lui appartînt, Robert pourrait bientôt revendiquer
son droit de rachat; sans aucun doute, ajoutait-il,
le roi rendrait les villes aussitôt que la rente serait
acquittée. Le comte de Flandre aurait dû se rap
peler combien de fois son père avait été victime de
ruses de. ce genre et les inaux qu'une confiance
aveugle peut engendrer. Il ne s'aperçut du piège
que trop tard, il voulut prétendre que la conven
tion était de nulle valeur, qu'elle lui avait été sur
prise. On ne tint compte de ses allégations, et il
entra dans une grande colère contre le roi et peut-
être aussi contre lui-même.Il eut bieDtôt l'occasion
de la manifester. Philippe—le-Bel venait d'achever
k Paris un palais destiné k sa résidence voulant
en célébrer l'inauguration d'une manière solen
nelles aux fêtes de Pentecôte, il y convia tous les
grands vassaux de la couronne et entre autres le
comte de Flandre. Robert ne se rendit point k
celte invitation. Quelque temps après, une expé
dition ayant été préparée en France contre les
musulmans, qui avaient envahi les îles Baléares,
et puis l'affreuse mêlée, le sang ruisselant par
torrents parmi les monceaux de cadavres, les
chevaux renversés, les affûts écrasant de mal
heureux blessés et trainés k grand'peine aux posi
tions que la stratégie commande de protéger k tout
prix, la toile dicte k mon cœur, k mon imagination,
k ma mémoire mille idées, mille sensations, mille
souvenirs divers; le peu qu'elle trace se multiplie
k l'infini, je crois entendre les tambours, les clai
rons, l'artillerie, les houras, les gémissements; et
plus je médite, plus je me sens transporté en
esprit sur le théâtre d'un de ces événements ter
ribles qui décideut des empires, et dont le retentis
sement se prolonge travers les siècles.
Telles sont les jouissances de l'art elles plaisent
alors même qu'elles affligent ou qu'elles épou
vantent; elles sont nobles, en ce qu'elles élèvent
le cœur de l'hommeelles sont essentiellement
pures, puisqu'elles vont droit k l'âme, et tendent k
la détacher autant que possible de son contact
avec la matière.
Mais plus il y a de dignité, de grandeur, de
grâce et de génie dans les beaux arts, par
exemple dans la peinture et la sculpture, plus
il est condamnable d'en abuser: et ici comme en
toute chose l'abus est non seulement possible
mais fréquent, entretenu chez l'artiste, tantôt par
l'avarice, tantôt par ce qu'il y a de plus infinie dans
les passions, parfois encore par l'atmosphère con
densée de l'ignorance ou de la mauvaise éducation
première, qui enlèvent toute supériorité de vues.
Disons-le sans gêne, nous avons été maintefois
attristé et ému d'une sorte de compassion, en
voyant, même dans notre ville, des hommes dont
le visage ridé, les cheveux blanchissants ou em
pruntés, attestaient l'âge, conserver dans leurs
demeures, dans l'intérieur de leurs habitations, des
statues, des estampes, des peintures, dont l'aspect,
loin de causer quelque impression religieuse,
morale, de dévouement envers ses semblables
le roi écrivit au comte pour le prier de se joindre
k cette croisade. Robert répondit qu'il n'était pas
disposé k quitter so§ pays, où il avait assez de mal
k maintenir le calme et la tranquillité que lorsque
les choses seraient dans une situation plus prospère
il verrait ce qu'il aurait k faire. Enfin le roi lui
demanda de renouveler son hommage pour le
comté de Flandre en exceptant les villes dont il
avait abandonné la propriété et qui ne devaient
plus faire partie du comté. C'était rouvrir la plaie.
Robert refusa net. Le roi employa d'abord les
moyens de conciliation il avait ce qu'il voulait,
n'en demandait pas davantage et cherchait k éviter
la guerre. Par ses ordres Marigny et quelques
conseillers se rendirent k Tournaioù le comte
vint de son côté avec les députés des villes; mais
on ne put s'entendre. Robert de Béthune s'emporta
même contre Je roi, tint des propos injurieux k
son égard, et quitta brusquement l'assemblée. Le
comte de Flandre fut alors cité devant la cour des
pairs et dédaigna de se soumettre k cette injonction,
de sorte que le parlement, par un arrêt solennel,
confisqua tous ses biens au profit de la couronne.