JOURNAL D mis n DE L'ARRONDISSIIINT.
N» 2896.
28me année.
vérité et justice.
7PR3J3, S Juillet.
Le Ministre qui depuis quatre ans diri
geait les affaires du Pays avec un talent et
une activité extraordinaires, s'est défini^
tiveraent retiré devant ces attaques per
sonnelles toujours victorieusement com
battues, mais finissant par lasser même le
jouteur le plus infatigable et nuisant la
longue au mouvement libre et régulier des
institutions.
De la hauteur de son intelligence d'élite,
M. Nothomb, s'occupant de politique, n'a
vait pas tardé voir que, chez une nation
fortement attachée la Religion de ses
pères, qué menacent avec ardeur et per
sistance les empiétements du Yoltairia-
nisme, il était indispensable de faire la
part du Catholicisme sincère et d'une phi
losophie raisonnable. A travers ces vues
si simples et si nobles, l'historien delà ré
volution s'éleva rapidement au conseil du
Roi; et ses amis, ou plutôt les extravagants
d'entre ses amis, ne purent jamais le lui
pardonner. On harcela le Ministère, non
a cause de ses principes, l'aveu a été fait
par M. Dolez, mais parce qu'il s'y trouvait
un homme de trop. Selon nous cet hom
me laissera un vide si grand qu'il sera
peut-être impossible de le remplir. C'est
ainsi que l'ambition et la haine enlèvent
l'État les services les plus éminents.
Et dans quel sens le nouveau Ministère
sera-t-i! composé? La Couronne choisira-
t-elle dans la droite ou dans la gauche?
Puisque le succès de YAUiancedans les
_UN MARIAGE EN 1794
ii.
élections du 10 juin, semble avoir occa
sionné la dissolution du cabinet, il serait
absurde de supposer que la direction des
affaires pût échoir M. De Theux. Est-ce
dire que nous aurons un Ministère Ver-
haegen? Il faut répondre négativement
sans hésitation. Les extrêmes sont nui
sibles dans tous les temps et par tous les
Pays. Le peuple belge s'est distingué de-
fiuis longtemps par son amour pour la Re-
igion et pour la liberté. II connaît la ligne
de démarcation qui sépare le spirituel du
temporel il veut que le gouvernement ne
se laisse imposer aucune tendance exclu
sive, soit catholique, soit acatholique;
il veut que le gouvernement n'ait d'autres
guides que les principes d'une polique sage
et modérée.
Que ces dispositions soient méconnues
et vous tomberez d'un excès dans un autre,
vous aurez changer de ministère tous les
mois, et la machine constitutionnelle res
tera enrayée. Les listes publiées jusqu'ici
nous font espérer que le chef de l'Etat, aidé
de toute sa prudence, réunira des hommes,
dont les opinions quoique nuancées, vont
se réunir par le lien d'une bonne volonté
et d'un dévouement absolu.
Le Progrès disait passé quelques jours
(jue les mielleux rédacteurs de notre feuille
étaient saisis d'Une fureur indicible. Cette
présomption s'appliquerait plutôt aux facé
tieux écrivains dont le style exquis mêle
le miel et la fureur ensemble, sans y voir
aucun inconvénient. Leur confusion idées
a dû être bien grande ils ne savent plus
où donner de la tête: ils confondent une
idée non suffisamment motivée avec une
idée équivoque, choses totalement distinc
tes: ils ne savent plus ce qu'ils confient au
public. En relisant notre dernier arti-
cIe...nous y avons rencontré une phrase
sur laquelle nous croyons devoir reve-
nir. Une phrase! mais c'est l'article
entier qu'il fallait désavouer; et pas un
article, mais peu près tout ce qui a paru
dans vos colonnes, depuis le jour où vous
naquîtes de l'écume des loges.
Il est sans doute humiliant d'avoir ré
tracter le lendemain ce qu'on a avancé la
veille; on les voit ces pauvres journalistes,
les yeux hagards, la bouche béante, ils
attendent quelles attaques nouvelles vont
les mettre derechef sur le chevalet: ils sont
effrayés surtout du retentissement de la
ridicule bourde échappée leur dépit
après les élections du 10 Juin. Car il n'y
a pas jusqu'à Namur qu'on ne s'en soit
occupé. Un journal de cette ville (i) badine
faire rire aux éclats sur Je pigeou que le
Progrès d"Ypres n'a pu digérer. 11 demande
s'il ne conviendra pas de ranger désormais
le compère parmi l'intelligente catégorie
des oies, des dindons et des canards. Il ne
pouvait effectivement ni moutrer plus
d'esprit d'oie et de canard, ni être plus
dindon de la farce.
M°" la comtesse douairière Durutte, née
De Meezemaker, vient de mourir sa
On s'abonne Ypres, Grand'-
Place, »4, vis-à-vis de la Garde, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PRIS BE L'ABBHIVEJIENT,
par trlmrslret
Pour Ypresfr. 4
Pour les autres localités 4RD
Prix d'un numéro. n
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Yprea. Le Propagateur parait
le SAMEDI et te MKRCREIII
de chaque semaine.
PltlY DES i\mi:htio\h
4» centimes par ligne. Les ré
clames, I) centimes la ligne.
OU L'HÉROÏSME DE LMRBIR FILIAL.
(SU/TE).
Quelques heures avaient passé; Hélène était assise, soucieuse,
immobile, auprès du fauteuil vide de sa mère; ses paupières
appesanties, sa respiration lourde et oppressée disaient as.ez
quel flux de pensées amères avaient fait monter des larmes
ses yeux. Tout son être s'élançait vers sa mère absente, sa mère
prisonnière, qui, sans doute, au fond d'un cachot, oubliait les
angoisses du supplice pour ne penser qu'à son enfant abandon
née. O mon Dieu! disait la jeune fille dans un élan de dou
leur, si je ne puis la sauver, si oet homme ne me la rend pas,
je n'implore de votre grâce qu'une seule faveur: faites-nous
mourir ensemble; ne me laissez pas seule en ce monde, sans
guide et sans appui, réunissez-moi ma mère, et je bénirai
votre clémence au pied de l'échafaud
Un coup frappé la porte, et qui retentit dans les profon
deurs de la maison silencieuse, interrompit la sombre revèrie
de la jeune fille. Des pas lourds résonnèrent sur l'escatier elle
ouvrit la porte du salon, et vit s'avancer vers elle Brutus Gra-
nier, suivi d'un jeune homme, sur lequel elle ne laissa tom
ber un regard distrait. Elle courut vers le serrurier avec
empressement, presque avec confiance... Pour un cœur de
seize ans, l'espérance est si près du désespoir
Citoyen, avez-vous de bonnes nouvelles? ma mère la
reverai-je
Doucement, petite, dit-il d'une voit essoufflée, nous
avons le temps; laisse-moi m'asseoir. Toi. Léooidas, assieds-
loi près de la citoyenne: Et le vin que j'ai demandé, où est-il?
Le voilà, citoyen, dit Hélène au moment 011 Geneviève
entrait chargée d'une bouteille et de trois verres de cristal
posés sur un plateau d'argent.
Brutus lorgna la fois le vin et le plateau, et fit un signe
d'iutelligenoe sou compagnon. Puis, se tournant vers Hélène,
et lui dit:
-- Il faut faire connaissance, n'est-ce pas, citoyenne? Or
donc, je te présente mou fils Léouidas-Brutus-Arislide Gre
nier; ce n'est pas un damoiseau mais c'est un franc républicain,
un patriote pur. fameux dans les sections... Salue, Léouidas!
Hélène forcée de lever les yeux, vit en Léouidas un jeune
homme beau d'une vulgaire beauté, mais flétri par des vices
précoces et par une insupportable expression de forfanterie et
de hardiesse brutale. Elle rougit péniblement sous son regard,
et détourna la vue. Pendant ce temps Granier faisait une ins
pection rapide du salon et en embrassait d'un coup d'oeil le
somptueux mobilier. Les tentures de damas rouge, les meubles
contournés, la pendule d'écaillé et de cuivre, debout entre
ses candélabres, où s'enroulaient de caprioieuses Chimères, les
glaces hautes et limpides, entourées de feuillages dorés, les
portraits de famille une Halte de Chaise par Ifouwermans
tout fut apprécié,chiffré, calculé avec l'exactitude et la science
d'un commissaire-priseur. Puis, reprenant la parole, il dit:
Citoyenne, lu sais que je suis venu ici la prière, et un
patriote moins éprouvé pourrait être compromis par une pa
reille visite. Aussi j'espère te trouver docile et reconnaissante.
Tu sauras qu'il dépend de toi de sauver ta mère.
(i! Le Feuilleton belge.
Oh monsieur! vous me rendez la vie! Parlez, que faut-
il faire? où faut-il aller?
-- Doucement, doucement et nous verrons nous entendre.
J'ai une proposition te faire; si tu l'acceptes ta mère est
sauvée; mais ne biaisons pas je veux un oui, nu un nonsi
c'est uo oui, dans peu dè jours ta mère sera ici si o'est un non
demain ta mère sera...
Un geste affreux compléta la phrase. Hélène avait pâli.
Parlez, dit-elle d'une voix troublée, parlez, et quoi que
ce soit, je m'engage le faire... Parlez, citoyen.
Eh bien! ma belle enfant, il faut épouser mou Gis Léoui
das que voilà. A cette coudition, je sauverai ta mère; sinon,
ce soir le jugement, et demain la guillotine. Choisis'
Hélène était altérée; il lui semblait qu'èlle se débattait contre
un songe terrible; mais la voix de Brutus qui frappa sesoreilles
comme un lugubre tocsin, lui apprit que le cauchemar était
une réalité.
Je te donne cinq minutes de réflexion. Après, un oui, ou
un nou je n'écouterai ni si ni mais.
Hélène se leva avec dignité.
Je ne vous ferai pas attendre ma réponse, dit-elle: recevez
ma promesse de devenir la feminu de votre Gis votre tour
engagez-mui la vôtre.
--Je te jure que je délivrerai ta mère le jour de la noce,
Monsieur, dit Hélène avec une indignation contenue,
pourquoi me tenir en suspens? Rendez-moi ma mère aujour
d'hui puisque vous eu avez le pouvoir ma parole vous êtes
engagée et j'y serai Gdèle.
Ouais Pour que vous passiez la frontière en vous mo-