JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT, N» 2903. Mercredi, 30 Juillet 1845. 29me année. 7FR3BS, 30 Juillet. LES DEUX ETRENNES. L'achèvement de la nouvelle église de S'-Nicolas touche son terme. Le plafon- nage est terminé, on travaille avec activité au pavement. Les portes en fer sont pla cées elles sortent de la fonderie de Valc- ke-Hage de cette ville. Le tableau du maître-autel de l'ancienne église pourra être avantageusement transporté; il en sera de même, selon toute apparence, de l'orgue et des confessionnaux; mais la construction d'une autre chaire de vérité sera immédiatement indispensable. Le mo nument, dont le concours du gouverne ment, de la province et des habitants, a doté la ville, se distingue par une œuvre qui est digne de remarque en elle-même et que l'on ne rencontre guère dans d'au tres églises; nous entendons parler de la peinture du dôme. Cette fresque admira ble est due au pinceau déjà connu de François Bohm elle restera une preuve irréfragable de Ja diversité des talents de cet artiste distingué. Le bas-relief peint au dessus du maître-autel lui apparlieut éga lement: il mérite notre entière approbation depuis qu'il a été retouché, par suite d'un conseil dont la justesse a été reconnue. Mr Bohm se fait assister dans ce genre de travaux par son frère, qui pour être modeste, n'en est pas moins un excellent décorateur; il y aurait injustice ne pas lui accorder la part d'éloges qui lui revient incontestablement. M' Leu d'Ebersoll, riche propriétaire et puissant défenseur du parti catholique en Suisse, vient d'être l'objet d'un lâche as sassinat. Les jésuites auraient-ils ajouté ce crime la longue série de crimes que certains hommes se plaisent leur attribuer? Le Progrès est chargé de répondre la question. Le Tribunal d'Ypres siégeant comme Tribunal d'Appel des décisions du Conseil des Prud'hommes de cette ville a prononcé l'audience du 25 juillet 1845 un juge ment qu'il est important de faire connaître. Le G et 7 septemble 1844 M'IL, mar chand-fabricant Ypres, accompagné du 0 f On s'abonne Ypres, Grand'- Place, *4, vis-à-vis de la Garde, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume. I-KIX UK l'ABOWCMKVT, par trimestre^ Pour Ypresfr. 4— Pour les autres localilés 4 Prix d'un numéro. Tout ce qui concerne la rédac tion doit être adressé l'Éditeur Ypres. Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI de chaque semaine. PRIX DES IMEHIIUM, I* centimes par ligne. Les ré clames, CE centimes la ligne. VÉRITÉ ET JUSTICE. REVUE POI.ITIQUE. On connaît maintenant la cause du conflit qui a éclate' le 9 juillet entre les rebelles de Bosnie et les troupes autrichiennes préposées k la garde des frontières, les premiers avaient assassinés un jeune officier autrichien le colonel qui commandait les troupes impériales, ayant demandé satisfaction de cet attentat, elle lui fut refusée il résolut alors de venger lui-même la victime, et il passa la frontière avec mille hommes environ; mais il fut bieutôt assailli par les Turcs, qu'il dispersa sans peiue; les Autrichiens ont cependant perdu dans cette affaire une quarantaine d'hommes, et ils ont eu encore un plus grand nombre de blessés. Les Turcs ont aussi essuyé des pertes considérables. Il ne parait pas que les choses en doivent rester lk. Une corres pondance, publiée par un journal allemand,mande en effet que les Turcs se proposent de revenir k la charge; les Autrichiens, de leur côté, se tiennent sur la défensive, et il n'est pas douteux qu'ils sauront donner k leurs adversaires une rude leçon, si ceux-ci se hasardent k tenter une nouvelle attaque. Les funérailles de M. Leu ont eu lieu le 24 juillet k Hochdorf. Les membres du grand-conseil de Lucerne, six conseillers d'Etat, quarante offi ciers, cinquante prêtre, quatre-vingt-quinze étu diants suivaient le convoi funèbre. L'église, le cimetière et tout le village de Hochdorf regor geaient de monde. On évalue k dix mille le nom bre des assistants. 11 était venu 1,600 habitants du freinamt d'Argovie et quatorze officiers du canton de Schwytz. Jeunes et vieux, étrangers et Lucernois, tous pleuraient, tous confondaient leurs sentiments dans une douleur commune. Au mois de juillet 1844. une élégante calèche de voyage gravissait péniblement l'une des côtes du département de la Lozère. Les quatre chevaux attelés l'équipage éternuaient, souillaient, s'arrêtaient et reparlaient la voix enrouée du postillon. Avons-nous longtemps monter de cette façon? Cette question était faite par le riche voyageur qui, baissant la glace d'une portière, pencha la tète en dehors pour attendre la réponse. Encore vingt grosses minutes, monsieur, après ça nous irons bon train. Alors, arrêtez, je veux marcher. La calèche étant au repos et le marche-pied abattu, le voya geur descendit, tenant dans ses bras un petit garçon de six ans, qu'il déposa sur la grande route puis, en bon touriste, avant de suivre sa voiture, entraînée de nouveau, il promena ses regards sur la magnifique paysage qu'il dominait. Ce paysage était d'un aspect sauvage le Lot roulait ses eaux jauues au fond d'un précipioe affreux, tapissé de rochers noirs et nus. Quelques touffesohétives de broussailles étaieut semées, comme par hasard, sur les parois de l'abîme, envahis par une fougère rougeâtre et ttiste. Au-delà du Lot, l'œil saisissait par échappées des bouts de vallées et de gorges verdoyantes, cul tivées, charmantes et riches; l'horizon était brusquement fer mé au nord par les Cévennes, et s'étendait au sud dans toute la portée de la vue... U fallait bien que le spectacle fût sédui sant pour que le voyageur s'obstinât le contempler, en dépit On espère qu'une inslruclion judiciaire ne tar dera pas éclairer les mystères de cette horrible assassinat. La Gazette de Lucerne et tous les catholiques du canton persistent k croire que la main d'un fanatique poussé par l'exaltation des pas sions politiques a commis le crime, et il serait diffi cile, quoiqu'en disent les feuilles radicales, de ne pas partager cette opinion. Toutefois, nous ne voulons pas passer sous silence le fait suivant rapporté par la Gazette de Bâle dn 24 Des conducteurs de diligencesdit cette feuille, arrivés de Lucerne, nous annoncent que le meurtrier de M. Leu est parvenu k s'évader. Il se nomme Redlinger; il était journalier dans la maison de M. Leu, qui lui demandait depuis long temps le paiement d'une dette. Le meurtrier aurait avoué qu'il s'était servi d'un vieux fusil. Ainsi on peut dire,k l'honneur de la Suisse, que la politique n'a point trempé dans cet assassinat. du petit garçou dont nous avons parlé, qui s'écriait Papa!... papa!., papa!., accompagnaut chacun de ces appels d'utie se cousse dont l'habit, le pantalon et la main du voyageur deman daient grâce depuis longtemps. Que veux-tu, Gustave Papa, regarde donc ce joli petit cheval... comme il est joli! m'en donueras-tu un comme ça... dis? Monsieur Gustave montrait du doigt, en effet, un délicieux petit cheval des Pyrénées qui marchait d'un pas leste et pressé, portant un vieillard barbe grise et jambe de bois. Ize touriste est un homme d'une soixantaine d'années. Il est grand, droit, dégagé; son visage est distingué, ouvert, franc et empreint de bienveillance. Un petit ruban apparaît modeste ment la plus haute boutonnière de son habit bleu, fermé jusqu'à la cravate. I.e petit garçon, son fils, auquel il douue la main, est un gracieux enfant, la mine éveillée, l'œil noir et vif. Un spencer de hussard emprisonne sa taille miguoue et souple, et lui douue uu air martial, en tout point d'accord avec ses allures lutines. Le vieillard, qui ohemine sur le petit cheval montagnard, est grave, sérieux, mélancolique. On le reconnaît sans peine pour l'un des vieux grognards dout le type se perd en France de jour en jour. A l'assiette du cavalier, la manière dont il conduit sa monture, on ne peut mettre en doute qu'il n'ait jadis enfourché de plus nobles coursiers; ce t qui n'empêche pas que le petit cheval soit uu boa et zélé ser viteur, rondelet, actif, vigoureux, portant sa charge avec une joyeuse insouciance, dressant 1 oreille, méprisant l'éperon. Obéissant aux instances de son fils, le voyageur hâta le pas et rejoignit le cavalier. Vous venez de loin, mon brave Le soldat regarde son compagnon de roule avant de loi ré pondre, et probablement satisfait de son examen, il dit Je viens de Tarbes, monsieur. Peste! et vous allez? A Paris. A Paris cheval A cheval ça vous étonne ?..Vnus y allez bien en voiture. Le chemin de Paris appartient tout le monde, mon ami, mais je vous vois avec peiue engagé dans une route aussi longue et aussi pomble. Bah j'ai bieu élu Moscou Ah moi aussi... Le soldat regarda de nouveau le voyageur avec bienveillance, puis il répondit: Dans quel régimeut serviez-vous J'étais aide-de-camp du roi Murât. Un orâne lapin sauf votre respect... Moi j'étais aux cui rassiers, et o'est la redoute de la Mosoowa que j'ai perdu.., que j'ai gagné celte jambe de bois... une fichue jamhe qu'eu pensez-vous Ou'allez-voos faire Paris Je vais demander une place aux Invalides. Avez-vous des protections? J'en ai deux... deux fameuses! Si je connais vos protecteurs, je vous aiderez volontiers, nommez-les moi? Pardieune, ai vous les connaissez... d'abord ce sont des protectrices. Et voilà une. dit le vieux brave en frappant aa jambe de bois d'un coup de houssine... et voici l'autre, ajouta- t-ilen mettant la main sur la croix qui brillait sa poitrine. Si vous ne comptez que sur ces deux prutectious, je vou: conseille de tourner bride, mon ami.

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Le Propagateur (1818-1871) | 1845 | | pagina 1