commissaire de police et sans autre for
malité ni procédure, avait enlevé de force
et par des menaces dans trois différentes
ateliers du sieur W., aussi fabricant
Ypres, quatorze coupons de dentelles, par
le motif que ces dentelles se confection
naient sur des dessins que le Sr H. disait
être sa propriété et qu'il avait déposés au
Secrétariat des Prud'hommes. Ces dentel
les que le Sr H. eut l'audace de couper
lui-même sur les carreaux au moyen de
ciseaux dont il s'était muni d'avance fu
rent par lui mises en poche et emportées
chez lui où elles sont encore aujourd'hui.
Cette exaction fut appelée saisie et le fait
du sieur W. contrefaçon; celui-ci fut donc
traduit devant le Conseil général des prud'
hommes pour y être jugé suivant toute la
sévérité des lois.
Le sieur W. y exposa pour sa défense,
que les dentelles qu'on avait saisiesdans ses
ateliers étaient confectionnées sur un des
sin vulgaire, qui depuis plus d'un an, était
généralement répandu Paris; que ce des
sin représentant des fèves de café avait
pris en France le nom de Polka, et se trou
vait chez un grand nombre de fabricants,
qu'ainsi il était dans le commerce et du
domaine public; que les dentelles saisies
avaient été fabriquées sur la demande
d'une maison de Paris dont les époux W.
se disaient n'être que les mandataires. Au
surplus, ceux-ci argumentèrent du fait de
la violation de leur domicile, et de la pré
tendue saisie qui n'était qu'un acte pure
ment arbitraire et vexatoire du S' H., et
soutinrent que de ce chef le demandeur H.
était lui-même passible de dommages in
térêts très-graves.
Mais le Conseil général des Prud'hom
mes d'Ypres ne tint aucun compte de ces
divers moyens; par son jugement du 11
octobre 1844 il prononça au profit du de
mandeur H. la confiscation des dentelles
ainsi saisies, et condamna solidairement
le défendeur et son épouse payer, 1° sep
tante-cinq francs d'amende au bureau de
bienfaisance d'Ypres, 2° cent francs au de
mandeur titre de dommages-intérêts, 3°
les frais et dépens du procès; ordonna en
outre que ce jugement fut inséré dans un
journal d'Ypres et dans un journal de Bru
ges, chef lieu de la province, qu'il fut tra
duit en langue flamande, et tiré cent
exemplaires pour être affiché dans toutes
les villes et communes du ressort du Con-
seil des Prud'hommes d'Ypres, le tout aux
frais des époux W.
De cette décision le Sr W. a interjeté
appel et a soutenu devant le Tribunal d'Y
pres siégeant commercialement et en de
gré d'appel que le Conseil des Prud'hom
mes de l'arrondissement d'Ypres, était
doublement incompétent pour connaître
de la contestation dont s'agit, nommément
pour prononcer des condamnations: 1°
raison des personnes en ce que les partis
litigantes étaient toutes deux marchands-
fabricants, indépendants l'un de l'autre;
tandis que les Conseils des Prud'hommes
n'ont été institués que pour juger des
petits différends qui s'élèvent entre des
fabricants d'un côté et les subordonnés de
l'autre, ou entre des chefs d'ateliers, ou
vriers ou compagnons entr'eux, c'est-à-
dire, dans les rapports qu'ils ont ensemble,
raison de la fabrication, aux termes de
l'article 6 de la loi du 18 mars 1806 com
biné avec l'article 10 du décrêt du 11 juin
1809.2° raison de la matière: en ce que
dans l'espèce il s'agit d'une propriété in
dustrielle garantie et consacrée par la loi
du 18 mars 1806, laquelle est en vigueur
aussi bien en Belgique qu'à Lyon et par
toute la France; que cette loi a formelle
ment et expressément réglé la compétence
en matière de propriété de dessins, par
ses articles 13, 14, 13, et 17, et disposé
d'une manière explicite que les Prud'hom
mes ne connaîtraient de ce genre de con
testations que comme simples arbitres.
Ce système a prévalu dans toutes ses
parties,et le tribunal d'Ypres par son juge
ment du 23 juillet 1843 a mis au néant le
jugement du Conseil des Prud'hommes
d'Ypres, et condamne M. H. aux frais des
deux instances.
Nous sommes curieux de savoir com
ment M. H. soutiendra la légalité de cette
prétendue saisie, et comment il se débattra
contre la demande de dommages intérêts
de ce chef.
M. Metzdorff, professeur du collège com
munal, a envoyé sa démission l'adminis
tration de la ville. 11 part sans même
attendre les vacances. Son mobilier est
déjà aux affiches. 11 a obtenu Gand une
classe de français et d'histoire. 11 n'est pas
le seul qui se soustrairait volontiers la
férule du libéralisme yprois.
Par arrêté royal du, 13 juillet, le sieur
Ch. Liebaert, secrétaire de la commune de
Langemarcq, est rétabli dans la jouissance
de sa pension de cinq cent vingt-huit francs
et dix centimes, qui sera acquittée par le
trésor public.
Le 23 du courant, la nommée Bose
Descamps, née Langhemarck, (Flandre
occidentale), âgée de 39 ans, a été trouvée
noyée dans un puits un quart de lieu de
sa demeure.
Mgr. l'évêque de Brugesest parti le
29 juillet pour Malines, où doit se tenir la
réunion annuelle des évêques.
Il paraît que la police de Zeveren a
été ces jours derniers l'objet d'une singu
lière mystification. Voici ce qu'on lit dans
l'Organe des Flandres
Informés par une lettre du bourgmestre
de Zeveren que le cadavre d'un enfant
nouveau-né avait été trouvé dans une par
tie de siegle, les magistrats se rendirent
immédiatement dans cette commune, où
tout était en émoi le champ contenant le
corps du délit, était gardé par la gendar
merie de Deynze, ayant le sabre au clair,
et par deux agents de police qui empê
chaient la foule d'approcher.
La barrière élevée par la force publique
s'abaissa devant nos magistrats judiciaires
qui, au nom de la loi, requirent M. le
médecin de procéder l'examen du cada
vre. M. Lados ôta le bonnet de coton,
dénoua le mouchoir qui contenait les
restes mortels, et exhiba ces fonction
nairesLa carcasse d'un dindon
On mande de Gand, le 26 juillet:
M. G. Morel, fils aîné de M. Morel, vice-
président de notre tribunal de 1™ instance,
de 14 ans, a été jété avant-hier au soir
d un cheval qu'il montait et qui lui a passé
sur le corps. M. G. Morel a été transporté
dans un état très alarmant la campagne
de son père, Destelbergen, où il a reçu
la visite des médecins. Heureusement au
cune fracture n'a été constatée; mais on
ignore s'il n'y a pas eu un épanchement
intérieur, le coup ayant porté sur le bas-
ventre.
Nous apprenons ce matin que la
position du malade s'est améliorée.
On écrit de Tongres, le 24 juillet:
Un crime atroce a été commis, le 19 du
courant, dans la commune de Sichen-Sus-
sen-et-Bolré (cauton de Maestrich-sud). La
nommée Marie Jacobs, âgée d'environ 34
ans, native de Biempst, a été trouvée
assassinée. Ce n'est que hier qu'on a dé-
Tourner bride et où diable voulez-vous que j'aille?
N'avez-vous pas de famille, pas d'asile?
Vous m'avez l'air d'un brave homme, vous... d'ailleurs,
vous êtes un ancien, et je peux vous conter mon affaire. Je
m'appelle Cornette, je suis ex-brigadier ail 9e cuirassiers, et
c'est un coup de boulet qui m'a misa la porte de mon régiment.
Rentré chez moi, Tarbes, je n'ai trouvé ni père, ni mère, ni
frere, ni soeur, ni maison, rien Voyant que j'étais menacé de
mourir de faim, ne saohant aucun métier, et trop bon troupier
pour savoir lire, je lis la cour une veuve, geutille et bien
tournée, cl riche, ma foi. C'eût bien été le diable si Cornette,
le brave Cornette n'avais pas conquis le coeur et la main de
Françoise
J'épousai la veuve. Pauvre obère femme! quel caractère!
quel douceur! quel auge de bonté!
Le soldat passa le revers de ses mains sur ses yeux, et reprit
d'une voix ferme
Toute notre fortune était placée chez un brigand qui a
fait banqueroute et qui s'est sauvé, je ne sais où, emportant
notre pain... notre pauvre pain.
Alors, monsieur, au lieu de l'aisance heureuse, honnête,
joyeuse qui nous faisait chanter du malin au soir, et qui
s'était euvotée par la fenêtre, la misère, le froid, la faim, la
honte entrèrent par la porte et s'assirent au coin de notre che
minée, où le bois manquait.
Le voyageur écoutait avec émotion ce récit naïf et touchant
qui faisait trembler la voix du oonteur. Gustave marchait la
hauteur de la tête du cheval, et caressait de sa petite main po
telée la criuiere soyeuse du bon animal.
-- Nous avions uu enfant, reprit le soldat, un petit garçon
de l'âge du vôtie, monsieur il mourut le premier, il mourut
faute de soins Sa mère le suivit bientôt, et moi... moi, je
serais mort de désespoir, si ma pauvre Françoise, qui était une
sainte femme, ne m'avait pas recommandé, avant de partir,
de vivre avec courage. La masure où sont morts ma femme et
mon fils ne m'appartenaient plus; il fallut la quitter. Oe tout
ce que nous avious, il ne me resta plus, tout compte réglé, que
six cents francs et ce petit cheval qui était l'ami de Françoise,
ce pauvre Bijou, qui portait nos legumes au marché.
Entendant son nom, Bijou dressa l'oreille, ralentit le pas, et
repartit bravement.
Et vous êtes bien décidé entrer aux Invalides?
Dame il faut bien que j'entre quelque part, puisque je
n'ai plus ni feu ni lieu, et, comme je suis plus fier que le roi,
je ne veux de l'hospitalité de personne.
Excepté celle du gouvernement, cependant?
Ma foi! s'il ne veut pas me la donner, qu'il me rende ma
jambe!
--Tous vos papiers sont-ils en règle?
Mes papiers? Quels papiers
Vos certificats...
Est-ce que j'ai besoin de certificats, avec cette béquille et
ma oroix?
Ça ne suffit pas, mon ami nous sommes au temps de pape
rasses, et on vous dira que vous avez vos deux jambes, si vous
ne fournissez pas la preuve du contraire par écrit.
Est-ce que j'ai une figure de menteur, par hasard
Comment vous voyagez sans vos papiers, sans votre congé?
Mais, malheureux, vous faites une course inutile.
Ah bah laissez-moi donc Je vous dis que je n'aurai
qu'à me montrer.
Écoutez... je ne vais pu Paria maintenant, mais j'y
serai le Ier décembre. Je vais vous laisser mon adresse; venez
me voir, et je vons promets de remuer pour vous ciel et terre.
Merci, merci. J'irai vous voir, mais l'histoire de causer
des vieux de la vieille et du Kremlin, car cette époque, j'au
rai le trois-cornes des Invalides.
Le voyageur sourit l'assurance de son nouvel ami, prit une
carte dans son portefeuille et la lui donna en lui disant
Vous demanderez le général de L...., vous m'en donnez
votre parole
Parole d'honneur, mon-général, balbutia le solJat et por
tant la main son chapeau... parole d'honneur.
En ce moment, les voyageurs arrivèrent au sommet de la
côte et atteignirent la calèche, qui était arrêtée.
Nous v'Ià au bout, nol'bourgcois, dit le postillon si vous
voulez monter, nous allons détaler.
Le petit Gustave caressa les naseaux du cheval et les baisa
avec une tendresse gracieuse qui fit rire les deux militaires.
Demande Monsieur s'il veux te vendre son cheval, mon
ami, dit le général.
Oh! voulez-vous, mou bon monsieur voulez-vous Papa
vous eu donnera beoucoup d'argent.
Hélas! non, mon mignon. Bijou est mon seul compagnon,
et je voudrais le vendre qu'iftie voudrait pas me quitter.
Adieu, mon camarade, reprit le général; ne m'oubliez pas.
L'enfant s'éloigna reculons, envoyaut des baisers au che
val montagnard et le regardant avec de grauds yeux pleius de
convoitise. La voiture partit au galop, et le vieux soldat rendit
un dernier salut son protecteur et au petit Gustave, tous
deux penchés la portière.
(Pour être continué.)