JOURNAL D YPRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
No 2907
29me onnce.
vérité et justice.
7FP.SS, 13 AOÛT.
FÊTE COMMUNALE DE 1845.
L'IMBU ©li ^0©IL,I®»
Sur les vives instances de la commission
administrative et de l'administration com
munale, M. MetzdorfT, professeur de rhé
torique et de poésie au collège libéral, a
consenti prolonger son séjour Ypres
de quelques jours, jusqu'à la distribution
des prix, bien que son mobilier soit déjà
vendu. C'est une condescendance dont la
régence devra lui savoir gré, mais qui
n'atténuera pas l'effet de ce départ inat
tendu. On va jusqu'à croire dans quelques
salons, que le principal lui-même n'est pas
trop satisfait du pouvoir que la commis
sion s'arroge,et des mesures qu'elle prend.
Autrefois, la commission s'assemblait au
collège, et sur un coup de sonnette fesait
sortir le principal de la classe, quand il
lui plaisait de le mander devant elle: les
professeurs attendaient la porte. C'était
l'âge d'or et de liberté du corps ensei
gnant: maintenant les hauts commissaires
ne s'assemblent plus qu'à l'Hôtel de ville,
et c'est de là qu'ils dictent leurs ordres
comme Napoléon du Kremlin, quand Mos-
kou était en feu. Beaucoup de nos libéraux,
même des membres de la commission, ont
retiré leurs enfants, et les ont placés
Courtrai, Marquette, Tournai chez les
Jésuites, Paris, etc. D'autres les ont en
voyés refaire leur réthorique ailleurs. Il ne
sera pas question de ces choses, pas plus
que du concours, dans les discours la
distribution des prix, ni dans le rapport
annuel de l'administration communale.
On se bornera défendre l'institution
dans le Progrès. Les sommes allouées au
collège seront selon toute apparence aug
mentées.
Par arrêté royal du 7 août, les collèges
électoraux des arrondissement d'Ypres, de
Bastogne, d'Arlon et de Namur, sont con
voqués pour le 25 de ce mois, l'effet d'é
lire chacun un membre de la chambre des
représentants.
Mr Malou, en quittant le gouvernement
de la province d'Anvers, a adressé MM.
les commissaires d'arrondissement et aux
administrateurs des villes et des commu
nes la circulaire suivante
Le Roi, par arrêté du 50 juillet, m'a
On s'abonne Ypres, Grand'-
Piace, S4, vis-à-vis de la Garde, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume-
PE1X DE L'inOXXEMEIT,
par trimestre,
Pour Ypresfr. 4
Pour les autres localités 4
Prix d'un numéro.
Tout ce qui concerne la rédao-
tion doit être adressé l'Éditeur
Yprea. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MKKCDEDI
de chaque semaine.
PRIX DES ItVSERTIOXS.
Ml centimes par ligue. Les ré
clames, as centimes la ligne.
Les réjouissances failes a l'occasion de la Fête
communale nous ont paru être aussi pâles et aussi
sombres que le temps. Le pressentiment de tous
les malheurs que peut entraîner une mauvaise
récolle en général semblait dominer chez le peu-
pie il s'abstenait ou il se livrait avec inquiétude
aux distractions offertes comme de coutume par
les magistrats administratifs.
.Cette réflexion s'applique en particulier aux
classes moyennes. Comme les extrêmes se tou
chent la classe élevée et la classe infime s'amusent
toujourspartout et eu tout. Le plaisir le plus
exquis se traduit invariablement en contredanses,
en galops et en valses, qui subisseut plus ou moins
de modifications aujourd'hui nous en sommes k
la Polka, plus tard nous aurons la Mazurka, plus
tard encore la Froteska. Les petites villes sont en
arrière mais elles ne négligent rien elles passent
par toutes les excentricités. On a dansé k la Con
corde comme on a dansé au Sallon d'Apollon
on a dansé chez Verscliaeve comme on a dansé
chez Nicaise. La Polka en hautla Polka en bas;
en ville la Polkaa la campagne la Polka. Une
observation qui se reproduit a chaque bal, c'est
qu'il y a toujours disette de cavaliers, qu'il n'y
a jamais disette de femmes nous constatons ce
fait sans y mettre la moindre malice nous laissons
a d'autres le soin de l'expliquer.
La musique et les promenades au jardin public
A peine avions-nous atteint les prairies s'étendant des deux
côtés du ruisseau qui serpeute dans l'étroit valon de Glcn-
Orchy, que uous nous vîmes entourés de la multitude la plus
animée elle nous parut innombrable pour une contrée aussi
inculte. La douce chaleur du soleil, l'éther pur du ciel avaient
attiré tous les habitants des cabanes dispersées dans la vallée;
touss'étaient réunis dans cet espace resserré enfants, vieillards,
tous s'agitait sur les verdoyentes prairies; le cadran solaire
auuonça l'heure du repos. La fourche, le râteau, tombèrent
des mains laborieuses, une activité d'un autre genre et non
moins joyeuse allait commencer. Les membres des familles
différentes se réunirent en poussant des cris d'allégresse, tous
cherchèrent une place commode, soit au bord du ruisseau, soit
l'abri d'un angle de rocher, ou bien l'ombre d'uue baie
fleurie. Les provisions furent placées sur le gazon; et chaque
père de famille, entouré des siens, prononça haute voix uue
prière d'action de grâces.
Le bonheur de ces bons montagnards causait lady Malhilda
une émotion profonde. Elle ne pouvait assez contempler toutes
ces ligures hàlées, brillantes de contentement, aux joues sail
lantes, aux yeux pleins d'éclat et de vivacité. Elle allait de
groupe en groupe la satisfaction la plus pure se peignait dans
l'azur de ses beaux yeux.
Au ntilieu de ces scènes champêtres, soudain du haut des
airs un bruit étrange attira notice attention. Tous, saisis d'un
involontaire effroi, nos yeux se portèrent vers le .qiel: uu ma
jestueux aigle royal, les ailes puissantes et longuement étendues
ont été supprimées par la pluie, en dépit de la
quelle ont eu lieu les exercices du seau et du
tourniquet. Le soleil n'a voulu envojer quelques
rayons qu'aux jeunes filles qui jouaient aux ci
seaux. C'est le jeudi surtout qu'on a du regretter
l'opiniâtreté de l'atmosphère; les élèves couronnés
de l'Académie n'ont pu recueillir sur leur passage
les félicitations et les encouragements qui brillent
dans les regards sympathiques de leurs conci
toyens. Un tir k la sarbacane k clôturé la Fête
communale.
planait avec lenteur au-dessus de nos têtes. 11 semblait vouloir
passer en revue cette multitude d'hommes rassemblés uou
loiu de sa demeure; orgueil et fléau du c&ntoii, il était connu
de chaque montagnard. Tous mou traient avec anxiété sou aire
suspendue sur la cime d'un roc caché dans la uue et regardé
généralement comme inaccessible. Sous sa serre et mainte
reprise, plus d'un chevreau avait disparu du sein des pâtura
ges. Cependant, jamais encore il ne s'était approché de si près.
Tout coup il s'abat, reprend aussitôt son essor et d'un batte
ment d'aile plus rapide il regagne son asile. Au même instant,
un cri aigu et qui glace tous les cœurs remplit l'air, un mor
tel silence lui succède, et bientôt ce ne sont plus que gémisse
ments, que lamentations, qu'accents d uue stupide terreur; on
eût dit que, pendant la communion saiute et au lieu du re
cueillement, le clocher de l'église s'était écroulé sur la com
mune entiere.
Mol'y Lammoud Molly Lammoud l'aigle enlève l'en
fant de Molly Lammoud! s'écrièrent confusément d'innom
brables voix tous s'élancenttous courent vers le rocher si
connu, et de loiu déjà est aperçue l'aire de l'aigle.
Une demie-lieue uous séparait du pied du rocher; un che
min y conduisait travers des rocs détachés et de rapides tor
rents, des marais fangeux et d'épaisses broussailles, et cepen
dant, plusieurs centaines d'hommes y parvinrent, avec une in
croyable rapidité. Ils pleuraient, et se lamentaient, élevaient
les mains au ciel et couraieut ça et là, poussés par uue espece
de désespoir. Le mouvement uous avait entraînes. Lady Mat-
bilda, attachée mon bras et ctlui de mon ami, avauçaità
demi portée par nous. Pâle comme la mort hors d'haleiue,
s'oubliant elle-même, d'uue voix étouffée, elle uous encoura-
Messieurs,
geait bâier le pas. Nous arrivâmes lion moins ébranlés, nou
moins émus qu. la multitude qui nous entourait. Nos yeux
«'étaient élevés avec effort vers l'aire des aigles, on pouvait les
distinguer tous deux, quoiqu'ils semblassent toucher aux nua
ges. Immobiles côté l'un de l'autre, penchéssur le roc escarpé
ils abaissaient leur regard sur cette multitude d'êtres qui, dans
le désordre qui les agitait, ressemblaient uu amas de fourmis
qu'on vient de troubler.
Jusqu'alors, personne n'avait songé Molly. La pilié géné
rale qui avait saisi tous les cœurs au moment où l'aigle enleva
le jeune enfant avait été remplacée par des inquiétudes plus
douloureuses encore, l'aspect de l'eudroit eff'ioyahle où le
pauvre petit être avait été porté. Peut-être était-il déchiré
déjà d'uue griffe meurtrière, peut-être aussi respirait-il encore
mais loin de tout secours, de tout espoir de délivrance, mais
innocente proie d'un féroce oiseau.
Assise sur ud fragmeut de rocher, immobile et glacée, les
yeux secs et fixés, empreints du sombre feu du désespoir, Molly
ne les détournait pas de dessus les aigles. Mon doux petit
garçon, dimanche dernier il fut baptisé l'église, au nom du
Père, du Fils et du Saint-Esprit, murniurait-rllr île ses
lèvres éteintes, sans paraître songer ce qu'elle disait. Cc[h-ii-
danl, ces mots, un souvenir sacré semble pénétrer dans son
âme; soudain, et animée par uue force soi naturelle, elle s é-
lauce, et comme si ses pieds avaient des ailes, elle vole tra
vers les marais, les épines, les masses de rocs, se diri-e vers le
point qui renferme tout oe qu'elle a de plus cher, et se met
gravir ces parois roides et perpendiculaires. Elle s'éleve tou
jours plus haut, plus rapidement que le chasseur de chamois
lorsqu'il poursuit sa proie, plus inaccessible la oraiute que le