N° 2918.
Samedi, 20 Septembre 1845.
29me année.
Lorsque dans l'avant dernier numéro;
nous avons parlé de l'intervention de M.
le Minisire des Finances auprès de la Com
pagnie du chemin de fer, afin d'engager
ses directeurs commencer sans retard
les travaux sur la ligne d'Ypres, nous nous
sommes borné publier un fait, dont nous
étions exactement informé. Un autre jour
nal, intéressé ne reconnaître d'initiative
en toutes choses qu'à la Régence, même
en dépit de la notoriété, prétend qu'en at
tribuant les premières démarches M.
Maloc, on calomnie l'autorité communale.
Personne n'a oublié, dit-il,l'interven-
tion par voie de pétition delà plupart des
habitants notables delà ville. Sans doute,
le pétitionnement signalé a eu lieu auprès
du ministre, défaut d'instances plus offi
cielles; tout comme dans une autre bran
che d'administration, une souscription de
la plupart des habitants notables a supplée
au refus d'un subside nécessaire. Si le
Progrès est salarié pour porter l'encens
nos magistrats municipaux, du moins il
devrait être plus circonspect dans ses adu
lations, et dans ses aboyements de com
mande. Quant nous, l'impartiale vérité
sied mieux notre indépendance.
Les inquiétudes que la situation du pays
occasionne, ne fixent pas uniquement l'at
tention du peuple belge. En plusieurs au
tres contrées, les pommes de terre sont
manquées comme chez nous pas toutefois
d'une manière aussi générale. En Angle-
SOUYENIRS DE 1814.
LJL X/EAIS0IT-B.07G-3.
terre, en France, dans les provinces rhé
nanes, le tubercule qui fait la nourriture
principale du pauvre, est en proie la
même maladie. L'apparition en a été con
statée aussi en Irlande. Déjà depuis plu
sieurs mois on a signalé la disette qui
régnait dans les gouvernements russes du
coté de la Lilhuanie. Les nouvelles d'Au
triche font connaître le renchérissement
des substances alimentaires dans cet em
pire.
En Belgique, la récolte des haricots sera
fort exigue, celle du seigle a été plus sa-
tisfesante. Des habitants de Courtrai de
mandent aux chambres avec l'appui de
M. le représentant Van Gutsem, que la
défense d'exporter soit étendue au beurre.
En présence de ces faits divers qui con
vergent légitimer une certaine crainte,
et conseiller toutes les précautions de la
prudenceil est rassurant d'apprendre
officiellement dn Ministre, organe du Gou
vernement auprès des Chambres o que Je
danger d'une disette n'existe pas.
La réussite des céréales, les mesures de
prohibition heureusement prises temps,
ont autorisé ces paroles significatives. Le
commerce aussi s'est mis en mouvement
déjà il paraît que des expéditions de grains
et de ris sont attendues par les négociants
d'Anvers et de Yerviers. Si le gouverne
ment affecte les bâtiments de la marine
au transport de pommes de terre qu'on
irait acheter sur les marchés étrangers, il
est penser que l'approvisionnement sera
dans peu suffisant pour les besoins de la
consommation intérieure.
Entretemps, aux risques de faire tom
ber en syncope les MM. du Progrès et de
Est-il vrai qu'un journal libéral belge
se distinguant entre les autres par son
cynisme, ce qui n'est pas un titre des moins
glorieux, ni une des moindres garanties
On s'abonn® Ypres, Grand'-
Place, 44) vis-à-vis de la Garde, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PRIX RE L'ABONNEMENT,
par trimestre,
Pour Ypresfr. 4—OO
Pour les autres localités 4SO
Prix d'un numéro. OIO
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Ypres. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Il centimes par ligue. Les ré
clames, SS centimes la ligne.
7FB.3S, 20 Septembre.
le danger d'une disette n'existe pas.
Il y a trente et un ans, la capitale, menacée d'être prise par
les armées russe et prussienne, comptait encore sur les efforts
de Napoléon, campé du côté de Fontainebleau. Vaine attente!
Les événements se précipitaient. Le 19 mars 1814, vingt hom
mes d'une compagnie de la 2e légion de la garde nationale
furent envoyés au poste de la barrière des Martyrs que com
manda le sous-lieutenant Batardy. On y divisa tout naturelle
ment sur les opérations des alliés, et leur marche inspira la
pensée d'aller prévenir létat-major de la place. C'est M. J. T.
caporal de poste, qui remplit cette mission, mais sans succès.
Cependant, le soir, la panique s'étant répandue dans Paris,
quelques soldats de la ligne renforcèrent différentes barrières.
La nuit fut assez tranquille, raconte M. J. T. dans la Quo
tidienne; nous la passâmes en patrouilles, que nous poussâmes
assez loin pour voir, de Menilmontaut, la plaine d'Aubervilliers,
depuis le Bourget jusqu'à Bondy, éclairée par des bivouacs de
l'armée alliée. Rentré au poste deux, heures du malin, je
m'étais jeté sur le lit de camp, lorsque je fus réveillé par le
cri de la sentinelle Caporalhors de gardeJe fus fort surpris,
en voyant dans la rue des Martyrs, cinquante pas de la bar-
rière, une calèche entourée de quelques ofliciers cheval, et
parmi eux un piqueur la livrée de I1 empereur, qui tenait eu
main un cheval lout harnaché. Je courus au-devant de la voi
ture, et, au moment où j'arrivais, j'en vis descendre le roi Joseph;
il était vêtu d'une redingote grise, par-dessus un habit d'officier
général eu petite tenue, et coi tic d'un petit chapeau trois
cornes, copié sur celui de son frère c'était vraiment la charge
de Napoléon la veille de la bataille d'Austerlitz, au génie près:
c'était s'y méprendre.
Le prince me demanda s'il n'y avait rien eu de nonveau
pendant la nuit, et je lui répondais que la nuit avait été tran
quille, lorsque nous entendîmes le premier coup de canon de
la journée: il était quatre heures du matin. Au même instant,
arrivant au grand galop, du bas de la rue des Martyrs, le ma
réchal Moucey, suivi de ses aides-de-camp; il desceudit de
cheval s'approcha du prince, et, après s'être fait ouvrir la porte
palissadée, ils se promenèrent tous deux, en causant avec
vivacité dans les contres-allées des boulevards extérieurs; le
maréchal, grave et sérieux, Joseph gai et couliaut, les mains
derrière le dos, comme eût pu faire sou frère.
Après quelques minutes d'une conversation laquelle
avaient pris part plusieurs officiers-généraux de la suite du
prince, Batardy, le chef du poste, et quelques bourgeois de
Montmartre auxquels le priuce adressa plusieurs questions,
uu second coup de cauon, parti des buttes Sainl-Chaumont,
donua le signal du dépari on lit avaucer le cheval du prinoe,
YImpartial, nous applaudissons au patrio
tisme qui a poussé les Évêques belges
ordonner des prières publiques lors des
pluies qui menaçaient la moisson si le
Ciel n'avait pas écouté les vœux des popu
lations affluant dans les temples, les Mi
nistres n'auraient pu tenir un langage de
nature dissiper les alarmes. La divine
Providence continuera veiller sur nous.
Néanmoins on ne saurait assez engager les
classes inférieures ménager leurs res
sources avec une sage économie durant
l'hiver qui approche, retrancher toute
dépense frivole et superflue, s'abstenir
surtout de la débauche et de l'intempé
rance. L'ivrognerie est en grande partie
la cause de tous les malheurs qui éprou
vent l'ouvrier belge. La police devra aussi
développer toute sa vigilance; car comme
il y a fort peu de moralité chez un grand
nombre d'hommes, dégradés par le liber
tinage, et que c'est en général parmi ceux
là qu'existent souvent dans la saison ri
goureuse les besoins les plus cruels, sans
qu'aucun principe de foi les aide les sup
porter, il faut s'attendre de nombreux
méfaits. L'arrêté pris par l'administration
communale d'Ypres contre les accapa
reurs, est un premier jalon des mesures
d'intimidation employer pour contenir
l'improbilé des spéculateurs qui s'avise
raient d'exploiter le malaise la justice
commande de savoir gré nos Adminis
trateurs de cet acte de sagesse.
et aussitôt lui et sa suite gravirent au grand galop la rampe
delà chaussée de Clignancourt. Au bout de cinq minutes, un
aide-de-camp revint sur ses pas, pour nous douner l'ordre
d'envoyer la Maison-Rouge (bâtie sur le plateau dominant
cette chaussée} tous ceux qui demanderaient le quartier-géué-
ral. Bientôt la rue des Martyrs fut euvabie par des persotmages
militaires et politiques, qui allaient prendre des ordres au
quartier-général.
y» Cependant, le canon grondait sans discontinuer; il reten
tissait des bulles Saiut-Chaumout dans la plaiue et de la plaine
sur les buttes Saiut-Chaumont. Pendant que nous étions
raisonner sur l'issue de cette bataille, réfléchissant sur l'arri
vée de l'empereur la téte d'une armée victorieuse, que nous
avait annoncée officiellement le roi Joseph, nous vîmes arriver
la barrière deux fourgons conduits par des postillons la
livrée impériale, et sur lesquels était écrit en grosses lettres:
Service de bouche de l'empereur quelques cuisiniers qui les
escortaient me demandèrent où était le quartier-général, et je
leur répondis par le mot passe A la Maison-Rouge. Ces prépa
ratifs de festin, pendant une bataille, me parurent une chose
fort étrange.
n Au bout d'une heure ou deux, je vis descendre de Mont
martre des officiers porteurs d'ordres pour quelques ministres,
et je jugeai l'éclat de leur teint, la vivacité de leurs yeux
et leur désinvolture sur leur cheval, qu'ils n'étaient pas
jeûn, je fus curieux d'aller voir par moi-même ce qui se pas-