2
SOUTENIR DU CONCOURS DE
BRUXELLES.
Couplets chantés a la réunion de la société
des Choeurs a ypres.
FÊTE DE S" CÉCILE, 1845.
On nous assure l'instant que la Société
des Chœurs se propose de chanter,vendredi
26 décembre dans l'église de S'Martin, un
Salut avec accompagnement de Grand or
chestre, pendant lequel MM. les Ecclésias
tiques seraient priés de faire une Collecte
au profit des pauvres de la ville.
Vendredi, l'office du soir en la pa
roisse de Notre-Dame, Tournay, un jeune
homme étranger et qui paraissait avoir
cherché en entrant dans l'église un endroit
de refuge et de reposest tombé quasi
mort d'inanition. Malgré de prompts se
cours, il demeura longtemps sans connais
sance. On put enfin le transporter au
corps-de-garde municipal, où le malheu
reux reçut le produit d'une petite collecte
qui avait été improvisée par quelques per
sonnes qu'avait touchées une misère aussi
affreuse.
Le 21 novembre courant on a reçu
Valenciennes une lettre d'un prêtre de
cette ville, datée du 5 juillet dernier, et
renfermant des détails exacts sur l'affaire
de Tamatave, qui a eu lieu entre les Fran
çais joints aux Anglais contre les Hovas
de Madagascar. Cette lettre, écrite par M.
Joseph Webber, de cette ville, missionnaire
apostolique chez les Malgaches, confirme
les faits déjà connus par les journaux. Le
zélé missionnaire écrit de l'île Mayotte
Dzaoudzi, où il était alors retenu par la
fièvre, tribut qu'il faut payer au climat de
l'équateur. Dans les loisirs que lui lassait
la maladie, il s'occupait construire sa
case et se fortifier dans la langue Made-
case, préliminaire nécessaire pour prêcher
a M. Boccar artiste vétérinaire ancien membre
exéculrnf distingué, arrivé tout exprès Ypres
pour célébier cette fête avec ses anciens confrères.
Mais aucun toast ne fut plus vivement applaudi
que celui que M. l'échevin Vanden Peereboom avec
sa facilité ordinaire d'élocution porta au directeur
de la société, M. Duhayon-Brunfautdont les
talents distingués et le zélé -persévérant ont si
puissamment contribué la victoire remportée
par la société au concours de Bruxelles. Ces
paroles furent suivies de démonstrations les plus
éclatantes de joie et de satisfaction.
Et dans ce moment d'ivresse morale une liste de
souscription pour un concert a donner au bénéfice
de M. Otto, l'un des artistes les plus recomraanda-
bles, circula, et fut aussitôt couverte de nombreuses
signatures.
Ensuite un membre exécutant fit hommage a
la société d'une pièce de vers, intitulée Souvenir
du concours de Bruxelles. Cette poésie vraiment
remarquable tant par la vigueur et la dignité du
style que par le cachet lyrique dont elle est em
preinte fait le plus grand honneur M. Denoyelle,
professeur au collège communal, l'un des membres
exécutants de la société elle rappelle le souvenir
des stances de Malherbe ou celui de l'ode sublime
sur Venthousiasme par Jean-Baptiste Rousseau',
et sans contredit elle est digne de figurer a côté
des productions de ces deux grands génies, la voici
Voyez là bas debout sur les parvis du temple
Ces chanteurs inconnus aux rubans rayés d'or;
Dans un profond silence un peuple les contemple,
Attendant leur essor.
Ce sont là des Yprois dont l'âme noble et 6ère
Veut exhaler un chant digne de leurs aïeux.
Ecoutons, écoutons une ardente prière
Va monter vers les oieux.
Alors de l'Amitié entonnant l'hymne sainte,
Ils émeuvent les cœurs par leurs divins accords;
Et trois fois étonnéle peuple en cette euceinte
Exprime ses transports.
Et le jury se lève, et la foule muette
Ecoute en tressaillant l'heureux nom du vainqueur;
Et bientôt chaque voixdans le temple répète
Ypres! toi l'honneur.
Divine Poésie! O toi qui m'es si chère,
Viens, viens nous retracer l'ivresse de ce jour.
En cet heureux instantchaque Yprois eut un frère,
Le cœur fut tout amour.
Et traversant les airs la timide colombe,
Sous son aile emportant la gloire de nos choeurs
Vole, vole, et dans Ypres épuisée elle tombe,
Annonçant les vainqueurs.
On accourton se presseon s'embrasseet l'on vole
Et pour nous recevoir, un digne magistrat',
Malgré le poids des ans, attend au Capitole,
En nous tendant les bras.
O mon Dieu n'est-ce pas un vain prestige, un songe
Sortant de son linceul notre antique Cité.
Va-t-elle triomphant de l'oubli qui la rouge,
Recouvrer sa beauté.
Allons-nous réunis sous la même bannière
Marcher en invoquant la gloire et le progrès;
Avons-nous, de nos murs franchissant la barrière,
Arraché les cyprès
Sainte Union c'est toi qui d'un regard proprice
Sous un même étendard as su nous réunir.
Ah! daigne désormais, divine Protectrice,
Guider notre avenir.
Alors pour nousMessieursun sort digne d'envie
Nos plaisirs seront douxjoyeux serorrt nos pleurs
Et gaîment parcouru le chemin de la vie
Est un chemin defleurs.
Poursuivons la gaietécomme un papillon frêle
Qu'il faut, quand on le peut, se hâter de saisir;
Au milieu d'un festin le bonheur se revèle
Ne songeons qu'au plaisir.
Mais que dis-jeau plaisir! hélas, sur cette terre,
Quaud le pauvre affamé va demandant du paiu
Pourrions-nous être heureuxconnaître sa misère
Sans lui tendre la main?
Oh nondouce pitié, bannissez vos alarmes.
Vous bénirez nos chants prodigués au malheur
Et nos joyeux concerts auront pour nous les charmes
D'un souvenir du coeur.
Nonla gloire n'est pas notre unique mobile
Nos voix aussi pourront aider le malheureux.
Pour fêter dignement notre Sainte Cecile,
Montrons nous généreux.
Et pendant cet hiver, lorsque la froide neige
Viendra glacer le coeur du pauvre en son réduit,
Que notre douce aumône efface le cortège
Des douleurs de la nuit.
Nous ferons tressaillir le sein des pauvres mères,
Les anges du Seigneur souriront nos chants;
Et nous serons bénis par l'enfant des chaumières
Par tous les coeurs souffrants.
Toute l'assemblée était encore sous l'impression
de cette belle composition poétique, lorsque M.
Vanalleynnes autre membre exécutant de la
société, profitant de cette occasion, circula autour
de la table, demandant chacun ses miettes pour
les pauvres nécessiteux d'Ypres, et défaut de
miettes sa collecte produisit une somme de 75 fr.
qui sera incessamment distribuée par les soins de
la commission directrice de la société.
PuisM. l'avocat Duhayon entonnant une
chanson de circonstance, flagella un peu rudement
ceux de nos Yprois qui ont l'âme tiède pour la
musique. Cette poésie légère ne fut d'abord que
mollement accueillie, mais chantée pour une deux
ième et troisième fois sur la demande générale, la
franche vérité gagnant enfin du terrain, elle fit
plaisir et fut vivement applaudie. Le lecteur ne
nous saura pas mauvais gré d'avoir reproduit ici
cette chanson en son entier
4" Couplet.
Au sortir de Paiène,
Si j'vois des Chevaliers,
Chéris de MeSpomène
Le frout ceint de lauriers,
Je crois leur vaillance.,
Sans demander pourquoi (bis).
Voilà ce que je peuse
Pensez tous comme moi, J*
tme Couplet»
D'humeur peu compatible
Plus d'un rigide Yprois
N'a pas 1 âme sensible
Aux accords de nos voix
Narguons leur indolence
Qu'ils soient mis hors la loi. (bis).
Voilà comme je pense, y
Pensez vous comme moi l 1S;*
Sm« Couplet.
Riche de notre gloire
Ypres nous met au ban;
Hélas! notre victoire
Est vendue l'encan.
Que cette indifférence
Ranime notre foi. (bis).
Voilà comme je penseiW
Pensez vous comme moi? v
4me Couplet.
Si de ma chansonnette
Vous n'êtes pas contents,
Ah Messieurs, je regrette
D'avoir perdu mon temps;
Imposez moi silence
J'obéirai ma foi. (bis).
Voilà ce que je pense,
Pensez vous comme moi?
FI M.
(bis)
S'il est vrai, comme le porte cette chanson, que
l'on trouve Ypres des êtres si peu favorisés par
la nature pour être inaccessibles aux charmes de
la mélodie, il est incontestable qu'on y trouve
aussi de ces âmes loyales et généreuses que la
musique anime, transporte, attendrit. M. Legrave-
rand le digne et respectable doyen de la réunion,
en a donné un exemple éclatant Depuis long
temps la société des Chœurs se proposait de faire
l'acquisition d'une paire de timbales dont elle a
besoin, et dont le prix n'est pas audessous de i5o
francs, mais ses revenus ordinaires, épuisés chaque
année en œuvres utiles et charitables, ne le per
mettaient pas; M. Duhayon-Brunfaut eut recours
un moyen extraordinaire qui lui réussit complè
tement il avait déjà recueilli quelques premières
signatures pour faire l'acquisition de ces timbales,
lorsqu'il présenta la liste M. Legraverand, qui
lui dit il n'est pas nécessaire Monsieur d'aller
plus loin, je désire que la société des Chœurs
reçoive ce cadeau de moi seul. Il est impossible
de décrire l'enthousiasme que produisit sur l'as
semblée cet acte de générosité. Puis M. Legrave
rand, prenant la parole. Il y a 53 ans, dit-il,
que je célèbre la fête de S,e-Cécile j'ai toujours
fait partie de toutes les sociétés et réunions musi
cales qui se sont succédé Ypres, et le plaisir que
j'ai éprouvé vous entendre aujourd'hui dans
l'église vaut bien le cadeau que je vous fais, puisse
je vous être encore plus utile. Ces paroles pro
noncées avec une noble simplicité furent vivement
accueillies et couvertes d'applaudissements redou
blés et un Vivat Semper fut a l'instant entonné
en l'honneur de uotre généreux Mecèues. En effet,
ce n'était pas tant la valeur du don, que la manière
de donner et la personne qui donnait, qui causa
un plaisir inexprimable dans cette réunion com
posée, comme il est dit ci-dessus, des sociétaires
d'élite pour qui les sentiments l'emportent sur la
matière.
Au reste, depuis nombre d'années M. Legrave
rand est connu pour un citoyen Yprois brave,
loyal et généreux autant qu'on peut l'être, dévoué
a sa ville natale plus que tout autre et fesant le
bien sans ostentation.
C'est ainsi que de plaisir en plaisir nouveau
s'écoulèrent inaperçues les heures du festin, la
nuit surprit dans leur aimable gaieté les chanteurs
de la veille qui se dispersèrent dans le silence.
Honneur donc! trois fois honneur la société
des Chœurs d'Ypres qui, non contente d'avoir
donné des preuves éclatantes de ses talents, se dis
tingue encore par son désintéressement et par ses
actions charitables Faut il rappeler le produit
de sa tombola (1,700 fr.) au profit des indigents
d'Ypres en i844? Peut on oublier le concert
qu'elle donna au profit des incendiés de Dickebusch
et qui produisit i,4oo francs? Faut il remémorer
ses collectes annuelles au profit de la classe néces
siteuse d'Ypres?... Chose admirable 1 tandis que
l'on voit a Ypres des sociétés composées d'égoïstes
et de béotiens se renfermer dans leurs cœurs de
glace, et se traîner dans l'ornière de l'indifférentis-
me le plus complet, la société des Chœurs qui n'a
qu'un faible revenu, se soutient quaud même, et
sans se soucier de ses intérêts matériels, donne la
ville l'exemple des talents et des vertus
Communiqué