JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
]\o 2957.
29me année.
Un peintre de Paris distingué passait
il y a quatre jours la tombée du jour,
rue de l'Observance, lorsqu'une femme,
qui longeait lentement le mur de la Clini
que, s'approcha de lui. Vous ne me re
connaissez pas, monsieur, lui dit-elle, et
cela n'est pas étonnant, il y a une si grande
différence entre ce que j'étais et ce que je
suis!
L'artiste regarda avec atlenlion celle
femme couverte de haillons; il lui sembla
que ses traits nelui étaient pas entièrement
inconnus; mais ce fut vainement qu'il fit
appel ses souvenirs pour deviner quel
rapport avait pu exister entr'eux.
Rappelez-vous, monsieur, reprit cette
femme, l'heureux temps où vous marchiez
sur les traces de Redoute c'est moi qui eut
l'houneur cette époque, de vous présenter
l'impératrice Joséphine. Quoi! ma
dame, en effet! mais, mon Dieu! comment
se fait-il? Oh! ce serait trop long vous
raconter. Elevée par la plus puissante pro
tection, mariée un général, j'ai vu ma
fortune s'engloutir de 1815 1820 dans les
On s'abonne Tpres, Grand'-
Place, 34, vis-à-vis de la Garde, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PRIX RE L'AROIMEHEIVT,
pur trimestre,
Pour Ypres
fr. 4—OO
Pour les autres localités 4SO
Prix d'un numérotO
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Vpres. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MERCREDI
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PRIX DES EVSERTIOXS.
4 J centime^jar ligue. Les ré,
clames, S S centimes la ligne.
vérité et justice.
TPB.3S, 31 Janvier.
DE L'ANCIENNE
CATHÉDRALE D'YPRES
ET
DE SA RESTAURATION.
2
Quelle élévation, quelle souplesse dans les voû
tes dont la hardiesse, la gracieuse ogive, et les
nervures délicatement profilées surprennent et
charment les regards! quelle légèreté dans les
masses évidées par des fenêtrages presque continus,
découpés en fleurons en rosaces, avec tant d'art et
dont les formes sont si variées quelle beauté dans
la disposition de ces colonnes isolées, surmontées
de feuillages, d'inscriptions et d'ornements
symboliques! quelle immensité dans ces galeries,
ces nefs multipliées dont les aspects si variés sont
encore rendus plus pittoresques par mille accidents
de lumière! En un mot tout parait digne de la
majesté suprême, tout inspire la grandeur dans
ce temple sacré, que l'on peut envisager comme
une ingénieuse imitation des ces immences ber
ceaux formés par d'antiques forêts, refuges impé
nétrables des premiers mystères religieux.
Mais après ces réflexions quel n'est pas notre
étonnement quand nous songeons que cette an
cienne Cathédrale; de même que la fameuse Basi
lique romane de Tournai et maintes autres, se sont
élevées dans des temps d'ignorance et de barbarie?
On l'a dit avec justesse nous, qui avons tant de
peine aujourd'hui h construire un monument, nous
nous demandons comment le moyen-âge a-pu
élever de semblables constructions. La réponse et
portant facile. C'est qu'on avait alors mieux que
irons n'avons aujour'bui. Nous avons nosbudjets,
nos contributions, nos constructions, adjugées au
rabais; on avait la foi, C'est avec cela qu'on élevait
ces cathédrales gigantesques dont notre sol est
couvert. C'est cela qui donnait du génie, de la
force et du courage aux artistes. Quand le moyen-
âge voulait bâtir un monument quelconque, il n'en
soumettait pas le devis au conseil des bâtiments
civiles; il ne demandait pas aux communes ou aux
états-provinciaux de voter telle somme chaque
année pour l'édifice en projet Maïs ses évêques
(i) Dans la douciue existent deux inscriptions en vieux
flamand qui sont antérieures au XIVe siècle. L'une (lof godyg
hem daer ele bi leiflexiste droite eu eutraut par te grand
porche, au dessus de la chaire de vérité. L'autre [Jhesus Maria
in hamesor ama) se trouve gauche mais plus avancée vers
le chœur de l'église. Nous connaissons un amateur, qui s'est
livre des recherches sur ces inscriptions mais comme il ne
désire que de travailler pour lui-même, et non pour son pro
chain, nous disons pournousen consoler que c'est un torrent,
qui roule ses eaux avec fracas, mais qui ne possède pas de
profondeur.
annonçaient qu'il y aurait tant de jours d'indul
gence pour quiconque voudrait travailler ou faire
exécuter ses dépens quelques ouvrages; les moi
nes publiaient ces indulgences et alors de tous
côtés venaient des ouvriers ardents et empressés
qui élevèrent l'édifice comme par une force surna
turelle.
Mais hélas c'en est fait le désespoir au cœur,
nous pouvons criera perdre l'haleine ces beaux
jours sont passés. Car, le beau soleil Gothique ne
reparaîtra plus jamais dans sa première splendeur
sur l'horizonet la Cathédrale morte en un sol
infidèle ne fera plus jaillir d'église autour d'elle.
Il est difficile d'avoir une idée bien arrêtée d'un
monument élevé dans le XII8 et dans le XIII8 siè
cle, (i) si l'on ne possède quelques notions sur les
caractères et les ornements particuliers h ces deux
époques. Jetons donc un coup d'œil rapide sur les
principaux caractères architectoniques de ces deux
siècles (2).
La forme des églises du XI" au XII8 siècle est la
même que dans le XI", sauf que les retondes dis
paraissent; que les ailes se prolongent au tour du
chœur et qu'on voit rayonner les premières cha
pelles absidales. Les voûtes sont cintrées, a
arêtes; on voit paraître les premières nervures
formées d'un tore simple; et plus tardce tore est
accolé une plate bande. Les Arcades, sont
au plein cintre; l'ogive aiguë et surbaissée se joint
au plein cintreLes Piliers sont habituellement
flanquées de quatre colonnes cantonnées en croix
et quelquefois des colonnettes les escortent. Leurs
bases sont souvent épanouies et changées de feuil
les ou de griffes qui les unissent aux angles du
socle. Les Chapitanx sont ornés comme la
fin du siècle précédent, c'est-a-dire de crosses
végétales, a feuilles d'eau et 'a feuilles grasses;
mais en approchant a la fin du XII8, ils sont fleuris,
animés et historiés. Les Fenêtressont au plein
cintresouvent géminées, et surmontées d'un cèil
de bœuf, ornées de riches archivoltes, et les pieds-
droits garnis de colonnes.Le Portail est flanqué
habituellement de plusieurs colonnes, sur lesquel
les s'appuient autant de riches archivoltes, avec
(r) Le chœur de l'église de S'-Martio a été érigé antérieu
rement l'année 1088époque laquelle ou a posé les fonde
ments de l'église qui fut en grande partie détruite par un
incendie qui détruisit le tiers de la ville le 5 janvier i2qo. Le
dommage qu£ cette catastrophe fit a la cathédrale, était si
considérable, que les chanoines ne pouvant faire face aux.
dépenses que la réédification de la partie incendiée exigeait,
durent la retarder pendant quelques années: ce ne fut qu'en
ia54, que les fondements en furent jetés par Marguerite de
Conslantinople, comtesse de la Flandre et du Haiuaut, et par
le prévôt de la susdite église. Celte construction fut achevée
en 1266.
(2) Cette nomenclature aidera peut-être les amateurs qui se
livrent des recherches a rebiologiques sur notre ancienue
cathédrale.
toutes les variétés d'ornements du siècle précédent.
C'est vers la fin de cette époque, que le portail
prend la forme ogivale. Le Tympan est cou
vert de bas-reliefs garnis de personnages figures
osseuses et allongées; dont les membres grêles
sont enveloppés de draperies collantes et plus
multipliés. Les Modillons, sont têtes sail
lantes, grimaçantes, plantes, animaux réels ou
fantestiques; mais le plus souvent en forme de
consoles, séparées par des arcalures ou des por
tions de cannelures. Les tours sont carrées
surmontées de flèches octogones qui commencent
s'élancer. Les Ornements sont les mêmes que
ceux du XI8, mais plus soignés ce sont les perles
les pointes, les têles plates, les bandelettes entre
lacées, les croisettes, les chevrons, les godions,
les cannelures, les feuilles de fantaisie, les feuilles
naturelles, les pointes de diamants, les besans, etc.
h ceux-ci se joignent les feuilles d'acanthe et
les guirlandes de fleurs; les bases des colonnes,
les chapitauxles tailloirs, tout en est garni.
C'est vers la fin de ce siècle que les Trèfles et
les quatre-feuilles commencent paraître
Dès les dernières années du XIIe siècle, une
forte révolution s'opéra dans l'architecture les
lignes cintrées des arcades furent remplacées par
des lignes elliptiques forinaDt l'ogive; et en même
temps le grand nombre d'ornements que la der
nière époque de la période romano-byzautine
avait admis avec profusion firent place peu-a-peu
'a des ornements d'un tout autre genre.
E. L.
La suite au prochain n".