On lit dans les Petites affiches de Cour-
trai Le bruit qu'on a répandu sur une
prétendue maladie du colza n'a pas la
moindre apparence de vérité; jamais la
plante n'a été d'une plus belle venue que
cette année-ci. On a aussi infiniment exagéré
quand on a dit qu'il était ravagé par les
pauvres qui en tirent les têtes aux boutons
pour s'en faire une nourriture. Cela n'est
remarqué presque nulle part.
Avant hier 4 heures la Reine ac
compagnée de Mma la comtesse de Mérode-
Westerloo; a assisté aux offices en l'église
de St-Jacques-sur-Caudenberg.
Le conseil de discipline de l'ordre
des avocats Bruxelles a prononcé samedi
matin la suspension pendant une année
d'un avocat, du chef d'actes d'indélicatesse
dans l'exercice de sa profession; le même
conseil a prononcé également la suspen-
réparer et h prévenir les maux et jamais on ne le
vit, ni par faiblesse, ni par une présomptueuse
téméritése montrer audessous de la tâcbe im
mense que ses concitoyens lui avaint imposée.
Plus la situation se compliquaitplus elle mettait
en relief de grandes ressources, qu'il ne s'attachait
guères h mettre en évidence.
Élu h la première Chambre dès l'origine du
Sénat, il y concourut l'organisation des cours de
justice, h celle des pouvoirs de la province et de la
commune; a mettre l'enseignement supérieur a la
hauteur des progrès de l'époque, par la réorga
nisation des universités de l'Etat, et par l'insti
tution du jury d'examen; a l'établissement des
chemins de fer a assurer la position des officiers
de l'armée a différentes améliorations des codes
et k d'autres lois importantes qui ont successive
ment avancé l'œuvre de la législation nationale.
Il participa aussi aux travaux préparatoires de
cette loi salutaire sur le duel, dont le Sénat a pris
l'initiative qui a proscrit h jamais un préjugé
cruel et absurde, et qui a prouvé qu'il n'est aucun
abus contre lequel il faille relâcher l'attaque ni
qu'il faille desespérer de vaincre sur la terre de
de Belgique. Le pays pouvait beaucoup attendre
d'un homme assidu a la réflexion et n'aimant pas
les discussions stériles ou passionnées.
Cette mâle énergie et ce fonds de sagesse, Mes
sieurs qui les eût supposéssi les faits ne par
laient d'eux-mêmes, k ce vieillard simple et mo
deste réservé et sans faste, que nous avons vu
parmi nous depuis lors, rentré comme dans l'oubli;
mais cependant vénéré de tous et pour le bien
qu'il avait fait, et pour celui qu'il fesait encore
Revêtu deux fois de la dignité sénatoriale, a
laquelle son grand âge le fit renoncer en 1837
décoré de la croix de fer et de l'ordre royal de
Léopoldrles distinctions éminentes qu'il obtenait,
étaient toujours dévancées par des titres plus forts
l'estime publique. Magistrat savant et intègre
homme politique ferme et modérélégislateur
prévoyant, nous sommes obligés d'ajouter k sa
couronne civique un fleuron de plus, le plus beau
de tous, celui de bienfaiteur de l'humanité.
Ce n'est pas trop dire Messieurs que par ses
sages combinaisons par ses conseils et sa prodi
gieuse activité dans l'administration des biens des
Hospices, dont il était président, il a, secondé aussi
par le désintéressement de ses respectables col
lègues, non moins zélés que lui, accru énormément
le patrimoine des pauvres. 11 est de belles actions
qui ne portent leur fruit qu'a la longue et dont
l'effet est d'autant plus grand, qu'on le ressent
moins en apparence. C'est ce qui arrive icipar
cette année de détresse extrême où malgré l'au
gmentation numérique des malheureux a secourir,
leurs privations parmi nous ne sont pas k comparer
a celles qu'ils subissent en d'autres localités; parce
qu'une sévere et intelligente économie, conduite
dé longue main a multiplié les ressources. Le
dévouement et l'affection paternelle de M. Deco-
ninck pour les pauvres allèrent en augmentant
jusqu'à la fin de sa vie. Quelques droits qu'eût sa
ville adoptive k sa sollicitude inépuisable pour
l'indigence, l'humble bourgade qui lui avait donné
le jour ne pouvait s'effacer de son cœur. Un réfuge
de vieillards fut érigé par ses soius et a ses dépens
a Wytschate. Bâtiments, organisation, dotation,
tout vint de lui. Voila comment, maître d'une
fortune importante, il alliait k la juste parcimonie
du père de famille, les largesses et les vues géné
reuses du sage chrétien.
Un héros qui savait peser les services le capi
taine le plus fameux des temps modernes, s'écriait
du rocher de S'"-Hélène: que de services leChris-
tianisme a rendus a l'humanité (1) Ce cri doit
faire tressaillir tous les échos de nos villes et de
nos plaines car partout où je rencontre un asile
ouvert au malade, k l'enfance, au vieillard, k l'in
curable, k l'orphelin, dans nos cités, dans nos vil
lages une main chrétienne l'a fondé partout où
quelque bien considérable s'opère, un cœur chré
tien le dirige. De tous ses titresM. Deconinck
n'estimait véritablement que celui-làcelui de
Chrétien. En quoi il différait de l'esprit du siècle
qui même parmi les descendants des guerriers du
valeureux Godefroi, laisse ramper l'indifférence,
la tiédeur et une humiliante timidité. On élève des
statues k l'illustre chef des croisades et la fierté
catholique s'abaisse jusqu'k n'oser pas se formuler
en profession pratique de foi. Je crains que la
postérité ne le reproche a la génération actuelle;
mais je ne le crains pas pour Deconinck. Il me
souviendra toujours de ces paroles, qu'il me dit un
jour avec la grave austérité qui lui était propre
Pourquoi donc ne voudrions-nous pas paraître
religieux pourquoi ne pas nous montrer tels
que nous sommes est-ce qu'il y a quelque
chose d'avilissant k se déclarer catholique et a
se conduire comme tel Ce qu'il énonçait par
ses paroles, il le réalisait par ses œuvres. Celui
qui avait siégé aux conseils de la nation dans les
plus grands périls, s'agenouillait fréquemment k
la table sainte, confondu parmi les simples fidèles;
édifiait par son attitude recueillie au saint sacrifice;
ne consentit qu'avec peine a déroger aux rigueurs
du jeûne, quand les ménagements qu'exigeait son
âge l'y forcèrent absolument; était attentif a toutes
les prescriptions de la piété chrétienne, dans sa
moraledans sa discipline dans ses suaves sub
rogations. Que de louanges nous pouvons lui pro
diguer qui sur d'autres cercueils seraient une
ironie amère Ces détails méritent d'être cités pour
l'exemple. Ils sont un aiguillon capable de décider
une jeunesse irrésolue, hésitant entre les attraits de
la dissipationet les railleries qui attendent la
vertu. Il est beau de montrer dans la même per
sonne le talent, la fortune, les honneurs, le patrio
tisme dominés et coordonnés par le sentiment
religieux. La jeunesse a les regards fixés sur les
vieillards qui tombent: elle interroge leur passé.
S'il est honorable, elle l'apprend avec un respect
qui lui profite toujours. L'époque où le respect de
la vieillesse se perdrait, serait assurément le temps
marqué d'une grande décadence morale.
Avec ses principes, il est évident que M. De
coninck ne pouvait demeurer étranger k aucune
entreprise qui eût pour objet l'avantage de la reli
gion. De vieux souvenirs assuraient d'avance ses
sympathies k l'université catholique, renaissant de
ses cendres; il fut un des premiers souscripteurs
pour l'érection d'une bibliothèque catholique dans
la ville d'Ypres il s'empressa de venir au secours
du collège de S'-Vincent de Paul. Et quand il fut
question de s'entendre, pour mettre au ban de la
bonne société une presse sacrilège et impure
ennemie de Dieu qu'elle méprise dans ses ministres,
et des hommes qu'elle flatte pour les corrompre:
son appui fut égalemeut acquis sans peine k celle
tentative (2).Lui qui avait tant fait pour la liberté,
ne pouvait avoir qu'eu horreur la licence.
Deconinck, Messieurs, n'a du se repentir de rien
de tout cela k l'heure suprême. Les jours pénibles
qui ont vu couler les larmes de sa respectable
famille, ont été en même temps des jours de con
solation, et en quelque sorte de triomphe pour la
foi. Au lit de mort, quand l'Église lui envoyait son
dernier message, l'huile sainte et le saint viatique,
le pain de voyage pour l'éternité, il voulut que
(1) Hist. de la Capt. de Sle-Hélène par le général JVloulholuu.
(a. Ce premier essai a échoué.
toutes les personnes de sa maison, sa famille et ses
domestiques, fussent témoins de cette auguste et
touchante cérémonie.
Qu'il est heureux pour moi, disait-il, d'ap- I
partenir k la religion véritable, où l'on trouve
de telles consolations a l'approche des derniers
moments Quelle grâce après ma longue car- I
rière, et quelle bonté ineffable de Dieu envers j
moi, de recevoir le saint viatique tout k fait 1
présent d'esprit, et d'avoir eu le temps de me
préparer dignement k ce grand acte. Toutes les
consolations que j'ai eues dans le cours de mes
annéesc'est dans la religion que je les ai
éprouvées. Et il adoucissait par ces pensées
les souffrances d'une longue agonie lutte doulou
reuse d'une nature dont le vice n'avait pas affaibli
les liens, et d'une âme rappelée vers son créateur.
Enfin le moment de séparation et en même temps
de délivrance arrive. Pars, âme généreuse, dans
l'étreinte de ton ange gardien: au juste la splendeur
d'un trône éternel est réservée! Et nous, hâtons
nous d'effacer par les mérites de l'Agneau, les at
teintes de fragilité qui pourraient en retarder la
possession.
La perte d'un homme tel que M. Deconinck est
un événement public. Dans les cités payennes où
l'amour de la patrie régnait en pleine vigueur, on
eut, en sigue de deuil, suspendu les frivolités des
jours qui vont suivre. Nous du moins, ne quittons
pas ces lieux sans être frappés du saisissant specta- -
cle de pompe et de néant qui se déroule k nos yeux.
Ici tout attendrit et tout inspire. De même que les
premiers chrétiens allaient puiser aux tombeaux
des martyrs le courage de braver le feu de la per
sécution nous qui vivons sous un régime de
liberté, ne nous éloignons de la tombe d'un grand
citoyen et d'un chrétien fidèle, que plus ardents
pour la foi, plus dévoués au bien public, plus
décidés k employer tous les moyens de faire avan
cer nos concitoyens dans les mêmes voies. Souve
nons-nous que cette Église de Jésus-Christ, battue
eu brèche en tant de lieux et par tant d'efforts
(bien qu'impérissable), ouvertement dans un en
droit, sourdement dans un autre, porte nos plus
chères espérances, et que c'est dans son sein que
nous voulons aussi verser tous notre dernier soupir.
Attachons-nous k elle comme M. Deconinck imi
tons les vertus dont il est allé recevoir la recom
pense, par lesquelles il a bien mérité ici bas de la
religion et de la patrie, et qui m'autorisent a
déclarer au nom de vous tous, en présence de ce
concours nombreux, l'élite de la ville d'Ypres, que
sa mémoire sera tenue en honnenr, et auprès de
ceux qui lui survivent, et auprès de ceux qui vi
vront après nous.