JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N» 2974.
29me année.
7FR3S, 1er Avril.
CRISE MINISTÉRIELLE.
Du sein de la Révolution, accomplie par
les efforts communs des Catholiques et
des Libéraux, devaient sortir immédiate
ment les ministères d'union.
Durant les premières années du règne
de Léopold, le gouvernement, fidèle ces
principes généreux qui avaient présidéà l'é
laboration de la Constitution, soutenu par
une majorité qui tendait vigoureusement
la conservation des mêmes principes, di
rigea avec succès le développement de nos
jeunes et libérales institutions.
Malheureusement pour le Pays, le cours
des choses et du temps amena par degrés
des modifications dans les idées et dans
les vues. Les libéraux et les catholiques,
qui s'étaient ligués pour combattre, se sé
parèrent insensiblement quand il s'agissait
de jouir de la victoire.
Le pouvoir se déplaçant vers les catho
liques, il a été attaqué par les libéraux; et
se déplaçant vers les libéraux, il a été at
taqué par les catholiques. Nous avons vu
succomber tour tour les ministères De-
theux et Lebeau.
En présence de ces deux chutes, M.
Nothomb a organisé un ministère qui s'ap-
LE GRENADIER DE SAINT-CLOED.
puyerait sur une double base, qui expri
merait, dans une égale proportion, les
deux opinions qui se divisent les Cham
bres. A force d'intelligence, d'habileté et
d'énergie, il a maintenu pendant cinq ans
le gouvernement de la conciliation, de la
transaction.
M. Nothomb et son système ont eu leur
temps. Toujours est-il que les nobles senti
ments, la séduisante éloquence, et la haute
position de M. Vandeweyer n'ont pas eu la
puissance de prêter une vie nouvelle au
ministère mixte.
Puisque la situation semble exiger que
la Couronne dote le Pays d'un ministère
homogène, quelle opinion faut-il recou
rir? est-ce l'opinion libérale ou l'opinion
catholique?
Nous n'hésitons pas répondre que cela
revient au même, si le Roi n'appelle au
conseil que des hommes modérés, des hom
mes raisonnables et prévoyants.
Les catholiques politiques extrêmes sont
impossibles, soit; mais les libéraux extrê
mes ne viennent-il pas de constater eux-
mêmes, toute évidence, leur impossibilité.
Us vantaient tout propos, leur esprit
gouvernemental, leur aptitude aux affaires,
leur intelligence exceptionnelle des besoins
moraux et matériels; le Roi s'est adressé
leur chef, et l'on connaît le ministère, et
l'on connaît le programme qu'il soumis
sa Majesté.
M. Rogier qui, lors de la discussion de
l'adresse, soutenait avec véhémence qu'il
n'avait pas mis pour condition son avè
nement au ministère la dissolution des
Chambres, voulait maintenant imposer
la Couronne non seulement cette disso
lution, mais la destitution des fonction
naires, mais le retrait de deux lois. Ainsi
donc, s'arroger la prérogative royale, abais
ser la royauté; dégrader les chambre^;
avilir les fonctionnaires, voilà où tendent
les exigences des libéraux, bien entendu
des libéraux extravagants.
Un ministère de catholiques modérés
aura l'appui des libéraux modérés, comme
un ministère de libéraux modérés aura
l'appui des catholiques modérés, dans les
chambres et dans le Pays; il n'aura pour
adversaires que les Delfosse parmi les li
béraux, et ses pendants s'il y en a parmi les
catholiques.
Or l'opposition de ceux-là est inévitable:
M. Delfosse ferait de l'opposition au Mi
nistère Rogier de la même manière qu'il
ferait de l'opposition un ministère De-
theux. Des hommes doués d'une pareille
organisation veulent toujours dépasser en
prétentions ceux qui les entourent.
Pour le repos du pays, nous espérons
On s'abonne Yprrs, Grand'-
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clames, SS centimes la ligne.
vérité et justice.
Un jour que Napoléon faisait une promenade en
calèche avec l'impératrice Joséphine, ils remar
quèrent au quarlier des guides d'escorte sur le
chemin de Saint-Cloud un grand écriteau cloué
sur une planche, qui montait et descendait le long
du mur. Bonaparte, voici une de tes casernes
que l'on met a louerdit l'impératrice en plai
santant.
11 y avait sur cet écriteau quelque chose d'écrit
que l'empereur essaya de lire. Curieux de le con
naître il fit mettre pied h terre a l'aide-de-camp
qui courut jusqu'à la caserne. Cet écriteau portait
le mot GRACE
Dites au colonel de m'amener cet homme
demain matiu a la parade, fut la réponse de
Napoléon au rapport de son officier. Le lendemain,
préoccupé par de graves événements politiques,
il avait totalement oublié l'aventure de la veille,
de sorte qu'arrivé devant un vieux soldat genoux,
il s'arrêta brusquement et demanda
Qu'est-ce que cela signifie?
Le vieux militaire pleurait a chaudes larmes et
ne put répondre. C'était pitié de voir ce brave,
décoré de la croix d'honneur, le front coupé en
deux par une énorme cicatrice, pleurer comme
un enfantet se cacher le visage dans les mains.
Est-ce que tu ue veux pas me parler, dis-
moi donc?
Le troupier fit un nouvel effort; mais ses sanglots
partirent de plus belle, et l'empereur fit signe au
colonel de s'avancer.
Monsieurqu'est-ce que cela signifie? Pour
quoi cet homme genoux? Pourquoi ces larmes?
Sire, votre Majesté doit se rappeler qu'hier
elle a donné l'ordre de lut amener aujourd'hui cet
homme, c'est lui dont l'écriteau
Ah! ah! je me souviens de cela. Et il re
tourna au militaire.
C'est toi qui l'avises, de te griser? de te
griser comme un vrai chenapan, et d'avoir le vin
maufais?Tu insultesun de tes chefs? lu le frappes?
Te voilà dans de beaux draps; et qu'est-ce qu'il
va l'arriver de tout ceci? Tu ne rougis pas d'une
telle conduite, toi qui portes la boutonnière une
pareille décoration? Cela t'arrive-t-il souvent de
te griser?
Non Sire, répondit le colonel pour le pau
vre soldat trop ému et trop interdit.
Tu vas passer aujourd'hui devant le conseil
de guerre, et tu dois savoir ce qui t'attend. Ce
pendant si j'étais sur que tu fusses un bon cama
rade
Est-ce un bon camarade? demanda-t-il en
se tournant vers le régiment.
Ouioui Sirecriait-on de toutes parts.
Où a-t-il gagné la croix qu'il porte?
A Austerlitz.
L'empereur retourna près du soldat et le prit
par les moustaches.
Comment, mon vieux, tu étais avec moi Aus
terlitz, tu y gagnas la croix d'honneur, et lu te
conduis comme un conscrit sans discipline? Qu'est-
ce qu'il te serait arrivé pourtant, si ma femme
n'eut point eu de bons yeuxou si ma voiture
n'eût point passé vis-à-vis de la prison. Allons,
lève-toi, va t'en ton rang, et si jamais tu t'avises
de te griser, gare loi.
Jugez des cris de Vive VEmpereur qui s'éle
vèrent de toutes parts! Jugez de l'enthousiasme
qu'exita ce généreux pardon on n'entendait que
de vieux militaires qui faisaient serment de se battre
ainsi que des enragés et de mourir, quand ils en
trouveraient l'occasion, pour un bon enfant comme
l'Empereur.
Communiqué par J. V. B.