JOURNAL DTPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 2980.
Mercredi, 22
vril 1846.
29me année.
KOSCIUSKO ET LE SELLIER.
On s'abonne ypres, Grand'-
Place, 34, vis-à-vis de la Garde, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
prix be l'ammkmevt,
par trimestre,
Pour Ypresfr. 3
Pour les autres localités 4
Prix d'un numéro.
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
ypres. Le Propagateur parait
le samedi et le mercredi
de chaque semaine.
prie des insertions.
f V centimes par ligue. Les ré
clames, 33 centimes la ligne.
vérité et justice.
?gp>SS, 22 Avril.
Le choix de M. Deneckere pour Sénateur k
Ostende a die accueilli avec une vive satisfaction
dans toute la province. L'hostilité impuissante de
la mauvaise presse prouvait d'avance la valeur de
cette candidature. Dimanche, la rue de Lille où le
nouveau Sénateur a son hôtel Ypresétait illu
minée. La régence n'a fait entendre ni le carillon
ni aucune de ses deux musiques. Il en était de
même lors de la première élection de M. Jules
Malou. Par contre, le Moniteur yprois a pour
suivi M. Deneckere de ses ricanements comme
MM. Malou, Biebuyck, Detheux, etc. On dirait
qu'il y a une sorte de parti pris k Ypres de se mettre
en hostilité avec tons les hommes influents, capa
bles de procurer quelque avantage k la cité. Le
canton de Messines s'est empressé d'envoyer M.
Deneckere aux états de ht province; le Conseil
provincial l'a choisi pour la Députation perma
nente; le Gouvernement l'a nommé au commis
sariat du district d'Ypres; le bureau d'Ostende le
proclame Sénateur: et k Ypres, dans la ville où il
demeure, où son heau-père a fourni une si belle
carrière, le corps électoral par fois obséquieux jus-
Ju'au servilisme dans quelques localités envers
'ignobles faquins, fauteurs du libéralisme, col
porteurs effrontés d'irréligion,suppôts des cabaleurs
de la capitale, élimine M. Deneckere du conseil
communal, au moment où dans ses fonctions éche-
vinales il avait fait preuve de son activité et de
l'étendue de ses connaissances admistratives. Ne
dirah-on pas qu'il y eut quelque Sully ou Colberl
désœuvré, qu'on eût hâte de placer au timon des
affaires communales? Et maintenant qu'est-ce qui
a fait taire le carillon et la musique, est-ce jalousie
ou cortfnsion? Ou bien l'harmonie aérienne du
beffroi n'est-elle plus qu'au service des taureaux
et des e'talons?
Un pauvre sellier de Varsovie, chargé d'une
nombreuse famille et manquant d'ouvrage, s'était
adressé a Kosciusko pour en obtenir du secours;
le héros lui ayant donné quarante florins, seul
argent qu'il possédait, car il n'était pas riche, lui
dit: il me semble, mon ami, qu'au milieu d'une
guerre votre métier doit vous donner de l'occupa
tion. Hélas! généralissime, répliqua le sellier,
j'ai vendu mes meilleurs outils pour ne pas mourir
de faim; j'ai épuisé tout mon crédit, et c'est k
peine si je trouve a débiter quelques chétives
cravaches de ma fabrication. Des cravaches,
interrompit le généralissime, j'en manque moi-
même, et pour combattre les cosaques on ne sau
rait en avoir trop faites en sur le champ quelques-
unes pour moi, et que Dieu vous soit<en aide
Vous serez servi, citoyen généralissime, s'écria
l'ouvrier rayonnant de joie. El comme il gagnait la
porte: faites-en le plus que vous pourrez; j'irai
moi-même les chercher dans deux ou trois jours.
faux billets de pa(€es.
Déjà certain journal avait fax présager depuis
longtemps qu'on méditait quelque coup d'état
contre le billet de pâques. La dabauderie a fini
par pousser k l'œuvre, et bien qui timidement, on a
fini par imprimer de faux billetsles répandre
nuitamment dans les rues, en pousser quelques-
uns sous les portes des maison s tt en envoyer des
paquets sons enveloppe k divers particuliers. C'est
un amusement proportionné a l'opinion que depuis
longue date ont inspirée d'eux nos adversaires. Les
adresses sont écrites d'une main eiercée, et sur des
enveloppes préparées qu'on vend k la douzaine.
Nous prions toutes les personnes qui ont reçu des
paquets ert k qui on a escroqué ou filouté dix cen
times pour le port, d'envoyeT les enveloppes "k
notre bureauafin d'augmenter les éléments de
vérification de l'écriture. Nous engageons égale
ment ceux qui vendent des enveloppes préparées,
k bous en fournir des échantillons.
Lundides groupes nombreux stationnaient
vers deux heures de l'après midi devant la nou
velle église de St Nicolas, et s'ypréctplièrent avec
empressement dès que les portes s'en ouvrirent.
C'était le jour de la distribution annuelle des prix
aux jeunes gens des deux sexes qui pendant deux
ans après leur première communion continuent
k fréquenter l'enseignement dominical de la doc
trine chrétienne. Celte fondation précieuse est
due au vénérable chanoine M. Duhayon, mort k
Ypres en 1827. Cet homme pieux et zélé, était le
grand oncle par alliance du comte de Theux.
Indépendamment des grandes largesses qu'il fit
Ônrant toute sa vre pour lexoulagement du pauvre,
et l'avantage du culte, il institua un enseignement
religieux permanent pour tous les enfants de la
paroisse de St-Nicolas, et où tous les élèves sans
ŒÊH
Le sellier ne répond que par une inclination
profonde; il gagne en un clin d'œil sa mansarde et
se met k l'ouvrage. Deux jours lui suffisent pour
confectionner un bon nombre de cravaches; le
troisième il était levé dès l'aube, attendant la visite
promise du héros du jour. Ce fut une fête de
famille. La parole donnée au pauvre était sacrée
pour Kosciusko, et les affaires les plus graves ne
le détournaient pas de la tenir. Sorti pour visiter
les fortifications de la ville, il prit k dessein par
la rue Fréta où demeurait le sellier. Il vient
il vient! crièrent les enfants en accourant auprès
de leur mère. En effet, un nombreux cortège dé
bouchait a l'entrée de la rue, et le héros parut,
entouré d'un brillant état-major, composé de la
fleur de la jeunesse du pays. Ayant reconnu de
loin son sellier, au grand étonnement de toute sa
suite, il s'arrêta devant sa boutique C'est ici que
j'achète mes cravaches, dit-il. Et s'adressaut au
sellier qui s'avançait tête-nue et escorté de sa
famille Couvrez-vous lui cria-t-ilet
passez-moi une de vos cravaches. Il l'essaya,
exception recevraient des prix proportionnés a leur
mérite, en effets d'habillement pour les pauvres,
en livres pour les classes aisées. Il dirigea lui même
cette belle œuvre jusqu'à sa mort, et pourvut par
une dotation testamentaire k sa continuation a
perpétuité. Telle est la manière d'agir de ce clergé
qu'on s'attache par les plus vils moyens k rendre
odieux et méprisable aux yeux du peuple. Par
tout où l'on rencontre un bienfaiteur de l'huma
nité, c'est un prêtre ou un de ses adhérents
pour nous servir d'une expression familière au
libéralisme, et désignant dédaigneusement tout
homme catholique qui conserve sa foi, et la pra
tique. Faites le tour de la ville la grande école
dite de Loye, c'est M. Vandermeerscb, un cha
noine, qui l'a fondée; l'école de la Motte, c'est k une
dame pieuse, k la dame Zuytpeene la Motte qu'on
la doit. La distribution de pain qui se fait le
dimanche après midi a St-Pierre, est un souvenir
de M. le curé Danneel. M. Duprez, ancien curé h
St-Jacqnes, et feu Mlla Vandenpeereboom ont
institué le réfuge de Si Joseph près des remparts,
ou tant de maux reçoivent du soulagement. Que
serait-ce, si rappelant Salomon Belle et ses dignes
cmules, nous allions rechercher les fondateurs des
divers autres hôpitaux De nos jours, sous nos
yeux, les salles d'agile, les congrégations, qui les
établit, qui les dirige La bibliothèque publique
sous quelle inspiration a-t elle pris naissance De
quoi sommes nous redevables aux dandis progres
sifs, aux héros de carnaval, aux hiboux des plaisirs
nocturnes? De quoi? Des entraves qui ont em-
pêché.au moins pour moitié le développement de
toutes les institutions utiles.
la société des choeurs et le progrès.
Il y a quelques moisl'organe des libéraux
Yprois ne songeait pas k s'occuper d'une réunion
puis: combien vaut-elle, ajouta-t-il? Ce qu'il
vous plaira, citoyen généralissime, répondit le
sellier embarrassé.
Kosciusko lui jette un écu, et se tournant vers
sa suite: «En vérité, Messieurs, voila d'excellen
tes cravaches. Disant cela, il pique son cheval et
poursuit sa route.
Grand fut alors l'engouement de tout cet état-
major pour les cravaches que le chef avait recom
mandées. Le prix n'était rien;on voulait en avoir
k toute force, on les arrachait des mains du sellier,
et chacun, après avoir jeté son argent, s'élançait au
galop sur les traces du généralissime. En un clin
d'œil,le chapeau et les poches de l'ouvrier furent
remplis d'or et d'argei/t, toute la provision de
cravaches disparut, et les derniers venus se conten
tèrent d'en faire la commande pour le lendemain.
Le peuple.et les voisins témoins de cette scène ne
surent de longtemps qu'en dire, mais quand l'in
cident fut connu, le ciel retentit des cris de Vive,
vive KOSCIUSKO!!!
J. V. B.
I